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Tabaski : qui a récupéré quoi?
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- Titre
- Tabaski : qui a récupéré quoi?
- Editeur
- L'Observateur Paalga
- Date
- 20 mai 1994
- Résumé
- L'origine de l'Aïd-EI Kébir plus prosaïquement connue sous le nom tropical de Tabaski, a été maintes fois relatée dans nos colonnes. Rappelons brièvement qu'elle perpétue chez les musulmans, l'acte de soumission et de fidélité au Tout-Puissant qu'aux temps immémoriaux avait posé Abraham, l'ancêtre commun des trois religions monothéistes. Sommé d'immoler son fils unique Isaac pour signe de son amour à Dieu, il était près de s'exécuter quand un envoyé du Très-Haut lui présenta en lieu et place, un superbe bélier qu'il offrit en holocauste. C'est cela que commémore l'Aïd-EI Kébir, ou Tabaski, ou plus encore fête du mouton.
- Couverture spatiale
- Ouagadougou
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0002566
- contenu
-
L'origine de l'Aïd-EI Kébir plus prosaïquement connue sous le nom tropical de Tabaski, a été maintes fois relatée dans nos colonnes. Rappelons brièvement qu'elle perpétue chez les musulmans, l'acte de soumission et de fidélité au Tout-Puissant qu'aux temps immémoriaux avait posé Abraham, l'ancêtre commun des trois religions monothéistes. Sommé d'immoler son fils unique Isaac pour signe de son amour à Dieu, il était près de s'exécuter quand un envoyé du Très-Haut lui présenta en lieu et place, un superbe bélier qu'il offrit en holocauste. C'est cela que commémore l'Aïd-EI Kébir, ou Tabaski, ou plus encore fête du mouton.
Nous savons aussi que la Tabaski, par delà son symbolisme religieux, est dans la tradition musulmane, du moins telle qu'elle se vit chez-nous, la fête de loin la plus populaire. Et cela même, si au contraire du Ramadan, elle n'est pas mentionnée, sauf erreur, dans les cinq piliers qui constituent le fondement de l'Islam.
On est même tenté de dire que l'Islam sur ce point se rapproche du Christianisme, car dans l'une comme dans l'autre confession, ce n'est point le jour le plus fécond en signification religieuse qui est le mieux fêté. Autant Noël donne lieu à la bombance comparée à Pâques où l'on mange à peine gras, autant la Tabaski déploie des fastes à faire pâlir d'envie le Ramadan où souvent à peine on améliore l'ordinaire.
Tout cela est archi connu. Ce qui l'est moins, c'est pourquoi, pendant longtemps et jusqu'à tout récemment encore ou peut être toujours dans les campagnes environnant Ouagadougou, la Tabaski fut appelée Moos-kibsa ou fête des Mossé.
Cette appellation s'est tellement ancrée dans la mémoire collective de générations successives, qu'aujourd'hui encore, en plein Ouagadougou, il s'en trouve qui croient dur comme fer que la Tabaski est une fête authentiquement moaga que les musulmans ont récupérée. Ils se souviennent, disent-ils, de ces temps pas très lointains où à Ouagadougou, la Tabaski, plutôt le Moss-kibsa, était fêtée dans toutes les chaumières, y compris, sinon à commencer par les familles fétichistes.
En fait, si récupération il y a eu, les récupérateurs ne sont pas ceux qu'on croient, bien au contraire.
D'où vient alors l'appellation de Moss-kibsa qui a fait si longtemps fortune et qui donne encore lieu à bien des méprises?
Selon diverses sources qui se recoupent toutes, tout est parti du Naba Doulgou, 26e Moro Naba de Ouagadougou (1783-1802). Après six ans de règne, ce dernier avait remarqué que la Tabaski célébrée alors uniquement dans les milieux Yaarsé de tradition musulmane, coincidait chaque année avec la fin des récoltes. Or on sait que cette période donnait lieu à des réjouissances populaires chez les Mossé. Il décida lors que sur toute l'étendue de son empire, la fête des moissons se célèbrera désormais le même jour que la Tabaski. C'est à partir de cet édit impérial que l'amalgame se fit et que Aïd-EI Kébir rima avec Moss-kibsa.
Le geste de Naba Doulgou cachait en filigrane, des préoccupations hautement politiques. On sait en effet qu'il fut le premier empereur de Ouagadougou à embrasser l'Islam, au grand dam de ses dignitaires tout entiers attachés aux rites ancestraux. Cette récupération qu'il fit d'une fête musulmane et sa popularisation par le biais de réjouissances populaires, était une stratégie lénifiante pour amener ses sujets à accepter en mangeant et en buvant, sa conversion à la nouvelle religion. L'histoire des hommes et des religions abonde en ce genre d'adaptations intelligentes. N'oublions pas par exemple que la date de Noël fut fixée en s'inculturant dans une fête païenne que célébraient les peuplades européennes pour commémorer le nouveau soleil.
Ainsi donc, ça mangeait et ça buvait à tire larigot à la Tabaski. Les plus fortunés préparent même le traditionnel dolo, comble de sacrilège pour le bon musulman, mais chose normale à l'époque, puisque c'était la fête des Mossé depuis Naba Doulgou.
Une autre pratique était attachée à cette fête, qui mérite d'être relevée: le Kis-ziim ou sang de la fête. Qu'est ce-à-dire? Le sang des animaux égorgés pour l'occasion était pétri avec du sable fin qu'on mettait en boule et qu'on faisait sécher à des fins thérapeutiques. Cette préparation était en effet réputée guérir certaines affections, notamment les allergies et les oreillons.
La vieille Lug-noaga et monsieur Kiendrébéogo Souleymane que nous avons interrogés sur la question, restent persuadés qu'aujourd'hui encore, cette recette de grand-mère demeure opérationnelle.
Avis donc à tous ceux qui, au sortir de la prière de demain matin, sacrifieront le traditionnel mouton de la Tabaski.
Bonne fête à tous.
- PEK
- K.G.
- J.O.
Fait partie de Tabaski : qui a récupéré quoi?