Article
Pèlerinage à la Mecque : les Burkinabè logés dans des « cages à pigeons » ?
- Classe de ressource
- Article
- Collections
- L'Observateur Paalga
- Titre
- Pèlerinage à la Mecque : les Burkinabè logés dans des « cages à pigeons » ?
- Editeur
- L'Observateur Paalga
- Date
- 16 février 2001
- Résumé
-
Chaque année, à quelques semaines de la fête de Tabaski, les fidèles musulmans du monde entier s'envolent à destination de la Mecque pour accomplir le 5e pilier de l'islam.
Pour le hadj 2001, c'est plus de 1300 pèlerins burkinabè qui ont embarqué sur quatre vols d'Air Afrique pour les lieux saints de l'islam.
Un déplacement à l'aéroport pendant un de ces vols nous a permis de constater l'ambiance qui y règne. Nous avons également rencontré pour vous, à l'occasion, des responsables d'associations islamiques avec qui nous nous sommes entretenus sur l'islam et le hadj, ainsi qu'avec Yacouba Sawadogo, secrétaire permanent du hadj 2001.
Ce fut l'occasion pour certains de nos interlocuteurs de revenir sur les problèmes d'organisation liés au hadj, notamment les lancinantes difficultés d'hébergement au sujet desquelles el hadj Omar Koanda parle de «cages à pigeons». - Sujet
- Harouna Sana
- Laïcité
- Hadj
- Conseil Islamique Burkinabè
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans au Burkina
- Communauté Musulmane du Burkina Faso
- Commission Nationale d'Organisation du Pèlerinage à La Mecque
- Aïd al-Adha (Tabaski)
- Aïd el-Fitr
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0002510
- contenu
-
Chaque année, à quelques semaines de la fête de Tabaski, les fidèles musulmans du monde entier s'envolent à destination de la Mecque pour accomplir le 5e pilier de l'islam.
Pour le hadj 2001, c'est plus de 1300 pèlerins burkinabè qui ont embarqué sur quatre vols d'Air Afrique pour les lieux saints de l'islam.
Un déplacement à l'aéroport pendant un de ces vols nous a permis de constater l'ambiance qui y règne. Nous avons également rencontré pour vous, à l'occasion, des responsables d'associations islamiques avec qui nous nous sommes entretenus sur l'islam et le hadj, ainsi qu'avec Yacouba Sawadogo, secrétaire permanent du hadj 2001.
Ce fut l'occasion pour certains de nos interlocuteurs de revenir sur les problèmes d'organisation liés au hadj, notamment les lancinantes difficultés d'hébergement au sujet desquelles el hadj Omar Koanda parle de «cages à pigeons».
Le pèlerinage à la Mecque est le voyage des croyants vers la cité sainte de la Mecque pour accomplir le 5e pilier de l'islam. C'est une obligation divine pour tout musulman majeur doté de moyens financiers, d'une santé physique et spirituelle. Ainsi pour satisfaire aux prescriptions du Saint- Coran tout disciple de Mahomed satisfaisant ces conditions doit l'accomplir. Cette année, c'est 1 320 pèlerins burkinabè dont 400 femmes et 920 hommes qui embarquent à destination de la Mecque avec eux 7 bébés, des hadj dès le berceau pour ainsi dire. Les rotations du hadj 2001 pour le Burkina Faso se feront en 4 vols et seront assurées par la Compagnie Air Afrique. Le tout premier vol est parti de l'aéroport international de Ouagadougou dans la nuit du lundi 12 au mardi 13 février 2001. Le second avait comme aéroport de départ, celui de Bobo- Dioulasso le mardi 13 février 2001. La troisième vague de pèlerins a embarqué à destination de la terre sainte le mercredi 14 février dernier.
Les derniers pèlerins à quitter le territoire burkinabè devaient s'envoler hier jeudi 15 février. Nous avons été les témoins de l'embarquement de la 3e vague de pèlerins de l'aéroport de Ouagadougou. Initialement prévu aux environs de 12 heures et cela après plusieurs reports, c'est finalement dans l'après-midi que le départ a eu lieu. Sur place on constatait dans le hall un attroupement de fidèles impatients de prendre le départ.
Avant d'entrer dans la salle d'attente, certains pèlerins égrenaient leur chapelet en récitant des versets recommandés pour la circonstance, d'autres échangaient sans répit sur des sujets ayant trait à l'islam et au pèlerinage avec amis et parents venus les accompagner.
Vieil homme de 76 ans, Boubacar Kaboré venu de Sourougou dans la province du Kourwéogo embarque pour la deuxième fois en direction de la capitale du Hedjaz, cette région d'Arabie Saoudite dont la Mecque est le chef- lieu. Le vieux Kaboré dit louer le seigneur pour lui avoir donné par deux fois les moyens financiers, physiques et spirituels pour accomplir ce pilier.
C'est la voix entrecoupée par l'immense joie qui l'habite qu'il nous a confié ceci : «Quand je serai à la Mecque, j'implorerai le Tout-puissant pour que la tolérance, la paix soient les choses les mieux partagées au Burkina». A quelques mètres de là, un autre pèlerin originaire de Ramongo dans le Bulkiemdé, Mamadou Ouédraogo, la soixantaine, va à la Mecque pour la toute première fois. Impatient, comme tout novice, il ne cesse de demander l'heure d'embarquation aux policiers chargés de la sécurité. C'est tout heureux qu'il a quitté les siens le moment venu en ces termes : «Je loue le Tout-puissant de m'avoir permis de réaliser un rêve qui me tenait à cœur depuis longtemps».
Non loin de l'entrée de la salle d'attente, un attroupement de pèlerins avec au centre un certain Ousmane Tagda, un habitué du pèlerinage, explique le déroulement du hadj aux nouveaux pèlerins. Agé de 45 ans, ce fidèle musulman part pour la troisième fois à la Mecque.
Pour cette démarche de foi et de dévotion en terres saintes, inconnues pour certains et familières pour d'autres, les fidèles musulmans sont animés par une seule et même ambition : réussir leur pèlerinage.
Malgré l'enthousiasme et la ferveur perceptibles qu'ils affichaient, parviendront-ils à atteindre cet objectif, quand on sait que la réussite du hadj, est également liée à la connaissance des rites y afférentes et à de bonnes conditions de séjour ?
Nous avons approché des responsables d'associations islamiques qui pour la plupart, ont déjà effectué ce voyage qui tient à cœur à tout bon musulman.
Ils nous ont donné leurs appréciations sur les préparatifs du hadj 2001.
El hadj Harouna Sana, président du Conseil islamique burkinabè (CIB) et membre de la Commission nationale d'organisation du pèlerinage à la Mecque (CNOPM).
En tant que membre de la CNOPM, vous avez sans doute suivi l'organisation du pèlerinage 2001.
Oui, mais pas de bout en bout. Certains éléments nous ont échappé. Nous avons fait des propositions qui n'ont pas été retenues.
Certaines décisions prises en Assemblée générale par la CNOPM ont été rejetées, comme la composition des sous-commissions. A ce niveau seuls les présidents ont été retenus et non les vice-présidents.
Quelles sont les innovations pour cette édition 2001 ?
Au niveau des versements, il y a eu un guichet unique. Les frais des billets d'avion ont été directement versés à Air Afrique et les frais d'organisation (logement, transport et taxes d'aéroport) ont été versés à la CNOPM.
C'est là une très grande innovation.
Pensez-vous que les conditions sont réunies pour la réussite de cette édition ?
Apparemment oui. Présentement tout se passe bien. Les avions programmés ont réellement pris le départ; ça c'est l'essentiel, même si par la suite il y a des perturbations.
Avez-vous un appel à lancer ?
C'est inviter les autorités à plus de vigilance et leur demander de respecter les textes. Le travail fait par la CNOPM ne doit en aucun cas être remis en cause, sauf s'il y a consensus ou accord.
Que pensez vous de l'implication de l'Etat dans l'organisation du pèlerinage ?
Cette implication dans un premier temps était salutaire, car il y avait une situation qui n'honorait pas le Burkina Faso à l'extérieur.
L'Etat nous accompagne, mais quand les associations islamiques maîtriseront l'organisation, l'Etat se désengagera, mais c'est pour le moment prématuré.
Si des associations déraillent c'est à l'Etat de les rappeler à l'ordre.
Il y a des associations qui se sont actuellement créées et font obstacle à la bonne marche de l'organisation du pèlerinage à la Mecque.
C'est le cas de l'association des démarcheurs qui n'agit que pendant le pèlerinage.
Sibiri Hamidou, délégué aux Affaires culturelles de l'Association des élèves et étudiants musulmans au Burkina Faso.
Avez-vous déjà effectué un pèlerinage sur les lieux saints ?
Non, parce que je n'ai pas encore les moyens de le faire. Cette obligation concerne ceux qui en ont les moyens.
Que pensez-vous du coût de cette démarche ?
Nous n'avons rien à redire quant au coût.
La foi n'a pas de prix. Dans l'islam l'homme lutte avec son corps et ses biens.
Le seul prix, c'est la récompense divine et la paix intérieure.
Avez-vous suivi de près les préparatifs de ce hadj 2001 ?
Non, c'est plutôt dirigé par le ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation. Nous avons des membres de notre association qui participent à la présente édition. Cela est normal car ils ont atteint la puberté et ils ont les moyens nécessaires ; ce sont là les deux conditions.
L'organisation du hadj a souvent créé des problèmes dans notre pays. Qu'en dites-vous ?
Les problèmes ne finiront jamais tant qu'il n'y aura pas de personnes intègres. C'est une question d'organisation.
Si des responsables cherchent à satisfaire d'abord leurs propres besoins, il y aura des difficultés, car une fois à la Mecque ils abandonnent les pèlerins pour faire leurs propres affaires.
Faudra-t-il selon vous confier l'organisation du hadj aux organisations musulmanes uniquement ?
Ce serait l'idéal, car si l'organisation est aux mains de ceux qui savent l'importance du pèlerinage ce sera une bonne chose.
Avez-vous un appel à lancer ?
Le pèlerinage à la Mecque est une obligation pour ceux qui en ont moyens.
Que ceux qui y vont purifient leurs intentions c'est-à-dire cherchent à se faire pardonner et se réconcilient avec ceux avec qui ils vivent.
Qu'ils effectuent le voyage uniquement pour la cause de Dieu et qu'au retour, ils soient des exemples pour la communauté musulmane. Qu'ils cherchent le savoir nécessaire, pour le meilleur accomplissement du pèlerinage. Qu'ils aient à l'esprit qu'ils partent pour rencontrer beaucoup de monde. Ce qui rappelle le dernier rassemblement.
Alors, que le pèlerinage à la Mecque soit pour eux une occasion de vivifier leur foi.
El hadj Omar Koanda, premier vice-président de la communauté musulmane du Burkina Faso
Que représente pour vous le pèlerinage à la Mecque ?
Le pèlerinage c'est d'abord l'accomplissement du 5e pilier de l'islam.
En ce qui concerne le hadj à proprement parler, les associations islamiques sont en marge des préparatifs, parce que le décret créant la CNOPM est bafoué pour cause que nous ne voulons pas de querelles avec nos démarcheurs qui ont été choisis; nous ne savons d'ailleurs à quels desseins en lieu et place des associations islamiques, pour préparer l'organisation du hadj 2000 et 2001.
Cet engouement d'antan qui faisait la fierté des musulmans en cette période n'existe plus.
Avez-vous suivi l'organisation du hadj 2001, en votre qualité de responsable de la communauté musulmane ?
J'ai suivi l'organisation, mais on s'est rendu compte que mieux vaut rester à l'écart comme de simples observateurs, car ceux qui ont octroyé des récépissés aux démarcheurs pour leur permettre de piétiner leurs principaux responsables et de travailler avec l'Etat savent pourquoi ils l'ont fait.
Ce qui a motivé la création de la CNOPM en 1996 par l'Etat, était justement la volonté de prévenir certains comportements des démarcheurs vis-à-vis des pèlerins.
Pour avoir pris part à plusieurs pèlerinages à la Mecque, que pensez-vous de l'organisation pratique de cette démarche spirituelle ?
L'organisation du hadj est très complexe. Il y a une très grande différence entre ce qu'on peut imaginer et la réalité en Arabie Saoudite.
Il y a un problème de communication entre dirigeants et pèlerins.
Il faut d'abord comprendre pour savoir ce qu'on est en train de faire. Il faut pour ce faire qu'il y ait des gens qui pratiquent la religion pour réussir le hadj. Il faut donc un bon encadrement religieux à tous les pèlerins sans distinction. Ça c'est un travail de vrais musulmans. Ensuite, il faut que les pélérins qui paient de l'argent pour cela soient bien logés et aient des logements décents, comme nos voisins qui ne logent pas dans des cages à pigeons.
Nous avons fait appel en 1998 -1999 à des connaisseurs de la religion pour encadrer les pèlerins sur place.
Il faut dire que nous avons été surpris qu'en 2000 - 2001 les pèlerins aient été logés dans des bâtiments déclassés que nous avons déjà refusés en 1998-1999. Pire ce sont ces mêmes bâtiments qui ne coûtent presque rien qui ont été encore retenus cette année et je ne vous ferai pas de dessin.
Cette situation, je crois, ne permet pas aux pèlerins d'être dans de bonnes conditions pour accomplir leur hadj.
La création de la CNOPM avait entre autres objectifs de rehausser l'image du pays et de permettre aux pèlerins d'être dans de bonnes conditions pour accomplir leurs rites, à l'image de ceux des autres pays de la sous-région.
En fait, c'était pour mettre fin aux pratiques déplorables que nous constatons aujourd'hui. Chassez le naturel, il revient au galop !
En ce qui concerne le transport des pèlerins à la Mecque, il n'y a pas de problème puisque tous les frais sont d'avance payés chez les responsables saoudiens, quant à la restauration, il n'y a également pas de problème, car il y a des restauratrices qui font le déplacement à cet effet.
En tant qu'observateur, je voudrai encore une fois de plus attirer l'attention des autorités sur le fait que leur implication première est louable et appréciée par les responsables islamiques du Burkina Faso.
Mais ce qui se passe actuellement est très grave.
Ne suivant pas les pèlerins, elles ne savent pas ce qui se passe une fois arrivés sur les lieux saints. Sur le terrain en Arabie Saoudite, à part l'implication personnelle de notre ambassadeur et de quelques agents de notre consulat à Jeddah, le reste, ce sont des marchands de sommeil, tous autant qu'ils sont.
Avez-vous un appel à lancer ?
Il faut que l'Etat se ressaisisse. Nous sommes dans un Etat laïque, et si l'Etat a décidé de s'impliquer dans l'organisation du hadj, il faut qu'il aille jusqu'au bout de sa mission et qu'il tape sur la table quand il le faut. Il doit mettre les gens qu'il faut à la place qu'il faut.
Madi Kaboré
Mamadou Koné
Fait partie de Pèlerinage à la Mecque : les Burkinabè logés dans des « cages à pigeons » ?