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Présentation de vœux au chef de l'État. Laurent Gbagbo aux leaders religieux : "Aidez-nous à être moins corrompus, moins pourris et menteurs!"
- Titre
- Présentation de vœux au chef de l'État. Laurent Gbagbo aux leaders religieux : "Aidez-nous à être moins corrompus, moins pourris et menteurs!"
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Charles Sanga
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 5 janvier 2002
- DescriptionAI
- Le Président Laurent Gbagbo a reçu les vœux annuels du corps diplomatique, des corps constitués, des partis politiques et des syndicats. Le Nonce apostolique a souligné l'impunité post-électorale et l'importance de la réconciliation. En réponse, le Président Gbagbo a annoncé la création d'une Commission nationale d'enquête sur les violences d'octobre et décembre 2000. Il a également appelé les leaders religieux à aider les dirigeants à être "moins corrompus, moins pourris et moins menteurs", et à rappeler aux étrangers leur statut en Côte d'Ivoire.
- pages
- 2
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007138
- contenu
-
Présentation de vœux au chef de l'État
Laurent Gbagbo aux leaders religieux :
"Aidez-nous à être moins corrompus, moins pourris et moins menteurs !"
Charles Sanga
Comme la tradition l'a consacré depuis des années, le chef de l'État, M. Laurent Gbagbo, a reçu hier, dans l'enceinte du Grand salon du Palais présidentiel, les vœux du corps diplomatique, des corps constitués, des partis politiques et des syndicats. La cérémonie d'hier a eu pour principaux temps forts les discours du Nonce apostolique, Mgr Mario Zenari, du Cardinal Agré Bernard au nom des confessions religieuses et du Général Doué Mathias, chef d'État-major des armées.
Dans son discours, le Nonce apostolique a attiré l'attention du chef de l'État sur l'impunité qui règne en Côte d'Ivoire depuis les violences post-électorales. Sans le dire clairement, le porte-parole des diplomates a marqué son adhésion à l'application des résolutions contenues dans le rapport international fait par la Commission d'enquête de l'ONU en Côte d'Ivoire sur les événements d'octobre et décembre 2000. Rappelant à juste titre les engagements pris devant la Nation à la clôture du Forum, le Nonce apostolique a souligné qu'il ne peut y avoir de développement sans paix durable. S'il reconnaît aussi que "la Côte d'Ivoire revient dans le concert des Nations", M. Mario Zenari souligne que "le chemin à parcourir est ascendant".
Pour sa part, le Cardinal Bernard Agré a présenté, "selon la tradition établie depuis des lustres", ses vœux à Gbagbo en lui souhaitant "une santé robuste" pour une gouvernance plus spirituelle. Prenant à son tour la parole, le Général Doué Mathias, dans un discours dithyrambique, a dit que "le Président Gbagbo, élu en octobre 2000, est assuré d'une longévité politique". Son ambition, a-t-il poursuivi, est de faire de la Côte d'Ivoire un paradis terrestre. D'où la refonte du système de défense nationale qu'il a annoncée. Mais, si le jardin d'Éden, symbole du paradis terrestre, selon Doué, a ses "montagnes" et ses "fleuves", il s'y trouve aussi un "serpent". Que cache cette métaphore ? Dans tous les cas, Laurent Gbagbo a donné des réponses aux différentes interventions. Aux forces armées et à la gendarmerie nationale, il s'est dit "fier" de leur rendement. "La période des coups d'État est passée. Que tous ceux qui veulent gouverner se soumettent au suffrage populaire". Pas très rassuré, le chef de l'État a tout de même douté de la loyauté de l'ensemble des forces armées nationales. "Vous pouvez sortir de votre lit (pour dire qu'ils peuvent sortir des casernes pour s'immiscer dans la vie socio-politique comme en 1999) si vous voulez. Moi, j'ai atteint les plus grands sommets. Je suis déjà rentré dans l'histoire de mon pays", a-t-il dit aux officiers et soldats de rang qui lui avaient fait toute leur soumission. Laurent Gbagbo a promis de rétablir la conscription pour les Ivoiriens et la Formation Commune de Base (FCB) pour tout aspirant au concours de la police nationale. Aux chefs religieux, le chef de l'État a parlé un peu plus longtemps. Il a embouché la trompette du débat contre les étrangers. Il a dit aux responsables religieux de dire aux étrangers "qu'ils sachent qu'ils sont étrangers en Côte d'Ivoire". Que pour la présidence de la République et la députation,
Propos de...
Nous vous proposons de larges extraits des interventions de la cérémonie d'hier.
Le Nonce apostolique Mario Zenari
(...) Nous souhaitons que la Côte d'Ivoire redevienne, dans le cadre économique, la locomotive de la sous-région, et dans le cadre politique, un facteur dynamique de stabilité et de paix. C'est un honneur pour le pays que, dans le cours de l'année qui vient de s'achever, certains citoyens aient été appelés à d'importantes responsabilités au niveau international, et que d'autres aient été élevés à d'éminentes dignités ou couronnés pour leur mérite. Parmi les acquis remarquables, au mois de mars dernier, se sont tenues d'une façon des plus correctes et satisfaisantes, les élections communales. Et l'Assemblée nationale, souveraine et suprême champ de bataille démocratique, a repris ses travaux en plénière. (...) Des progrès ont été enregistrés, bien que le chemin à parcourir soit encore ascendant, entre autres, en ce qui concerne la reprise économique, la consolidation de la démocratie et de l'État de droit. Monsieur le Président, au cours de l'année écoulée, la commission d'enquête internationale sur la Côte d'Ivoire, après les accords entre les autorités ivoiriennes et le Secrétaire des Nations Unies, a réalisé son travail conformément au mandat requis. Dans son rapport rendu public, nous prenons acte avec plaisir de ce que les autorités ivoiriennes ont, dans l'ensemble, coopéré avec la Commission et fait preuve d'ouverture et de transparence. Dans les observations du gouvernement mises en annexes au rapport, nous constatons aussi avec satisfaction que "les autorités ivoiriennes demeurent attentives aux recommandations de la commission, basées sur la lutte contre l'impunité, l'assistance publique et la réconciliation nationale". Et dans votre discours à la conclusion du forum pour la réconciliation nationale, vous avez justement relevé l'exigence de la recherche de la vérité et de la responsabilité dans les grands actes de violences commis. L'événement qui a caractérisé la Côte d'Ivoire l'année dernière et qui a attiré l'attention et l'intérêt de la communauté internationale a été le forum pour la réconciliation nationale, qui a vu une large participation et qui a fait dire que la parole a été libérée. (...) Le forum vient de s'achever, mais le chemin qui conduit à la réconciliation n'est pas clos. La réconciliation dans le pardon est nécessaire, pas seulement au niveau personnel mais aussi au niveau social.
Laurent Gbagbo
(...) J'appréhende dans le même terme que vous, la question de la sécurité dans notre pays. Il y a encore trop d'insécurité à mon sens en Côte d'Ivoire. Il est vrai que nous sommes sortis de la situation d'insécurité généralisée. Mais les conflits armés que connaissent certains de nos voisins font que des armes légères circulent en très grande quantité en Afrique de l'Ouest. Il y a aussi chez nous-mêmes nos propres insuffisances avec des rémunérations pas trop élevées au niveau de ceux qui sont chargés d'assurer la sécurité des biens et des personnes. (...) Voilà tout le travail que nous sommes en train de faire à la base. (...) Mais dans les mois à venir, on commencera à toucher du bout des doigts les résultats. Déjà, au plus tard en avril et mai, les conseils généraux seront installés. Et quelques mois après, l'assurance maladie entrera en fonction. Donc cette année 2002, le peuple ivoirien va petit à petit toucher du doigt une autre manière de s'organiser. Ce n'est pas de l'argent nouveau. Nous ne fabriquons pas de l'argent. Mais c'est une autre manière de gérer le même argent que nous avons (...). Nous entendons respecter les engagements qu'ensemble nous avons pris au forum de la Nation. C'est ainsi que j'avais annoncé à la clôture du forum qu'on allait reprendre tout le dossier des crimes qui avaient été commis en octobre et décembre 2000. Je puis vous annoncer aujourd'hui qu'avec le ministre de la Justice, nous avons décidé de mettre sur place une Commission nationale d'enquête composée de trois juges d'instruction, de deux substituts du Procureur de la République et d'Officiers de police judiciaire. Cette Commission sera chargée d'enquêter dans le temps qu'il faudra et partout où il faudra, à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières, d'enquêter sur les événements d'octobre et de décembre 2000 sur l'ensemble du territoire national et si les besoins des enquêtes les emmènent à l'extérieur, l'État de Côte d'Ivoire assurera leur déplacement. C'est une exigence à la fois politique et éthique.
(...) Je suis peut-être déjà dans ce cas. Mais je pense qu'on peut faire la politique sans mentir. Et je souhaite qu'au terme de travail de cette Commission, les bruits et les rumeurs de tout genre cessent. Il ne faut pas qu'on dise n'importe quoi et qu'on écrive n'importe quoi. Il n'est pas normal que des hommes qui se respectent disent n'importe quoi les uns sur les autres. C'est même un devoir humanitaire que de faire éclater la vérité. Et nous n'hésiterons devant aucune dépense, aucun frais, aucune action diplomatique pour aider cette Commission à travailler là où il le faut.
La réponse de Laurent Gbagbo aux chefs religieux
(...) Deuxième engagement, après la Commission nationale d'enquête, je vous ai dit qu'on allait réunir les quatre responsables politiques. Je vais leur envoyer des délégations pour leur proposer une date à laquelle nous allons nous rencontrer à quatre pour discuter. Et si nous tombons d'accord, nous viendrons rendre compte à la population de ce sur quoi nous sommes tombés d'accord.
J'ai demandé à nos amis du RDR de se joindre à nous au niveau du gouvernement. Parce que mon raisonnement est le suivant : d'habitude, en démocratie, il faut une opposition et un pouvoir. Mais le pays est menacé et je veux qu'on s'en sorte. Et je souhaite, comme nous l'avons tenu le 10 août 2000 devant les Présidents Eyadema et Kérékou, que toutes les forces politiques qui comportent viennent autour du Président qui a été élu et qu'on pousse notre marche progressivement jusqu'en 2005. En 2005, nous allons aux élections et celui qui gagne va gouverner et les autres restent dans l'opposition. Mais pour le moment, il faut que le pays vive pour qu'il y ait des partis politiques. Si le pays ne vit pas, qu'est-ce qu'on va faire ?
C.S.
Le directeur du protocole d'État, qui veut tout faire à lui tout seul, qui ne connaît même pas ce que renferme le sigle RDR, des invités qui n'ont pas de place pour s'asseoir, une cérémonie qui débute avec plus de 70 minutes de retard, le chef de l'État qui prend son temps avec chaque individu dont il reconnaît la silhouette. Voici résumés les contours de la cérémonie de présentation de vœux au chef de l'État. L'entourage du Président a véritablement montré ses limites en matière d'organisation hier. Et, il faut le dire, toute la journée d'hier a été passée à souhaiter "les meilleurs vœux au Président de la République". De 9 heures à 16 heures, des citoyens ont déserté les bureaux pour la présidence. Tout ceci n'est pas digne d'un État qui se veut moderne et travailleur.
C.S.
La seule chose que je demande aux étrangers, c'est de considérer qu'ils sont étrangers. C'est-à-dire qu'ils doivent nous laisser le cœur de notre débat. On peut tout faire ensemble comme on l'a toujours fait d'habitude. Mais désigner le roi, désigner les députés, qu'on nous laisse cela. Je crois que ce n'est pas trop demander. Je vais parcourir bientôt l'Afrique de l'Ouest, la Guinée, le Mali, le Burkina. C'est la même chose que je vais leur répéter. Nous sommes une terre d'accueil et d'ouverture. Mais de grâce, qu'on nous laisse le noyau de la mangue pour qu'on la sème encore pour qu'elle donne des fruits et qu'ils puissent revenir. (...) Je souhaite que les religieux donnent le ton de l'apaisement. Entre nous politiques, nous pouvons nous débrouiller. Que les religieux soient les leaders, ceux qui intercèdent entre Dieu et les humains. Qu'ils montrent par leurs comportements qu'ils sont les intercesseurs. Je vous demande de beaucoup prier pour que les hommes politiques comprennent qu'on peut lutter sans haine. Beaucoup me reprochent de rire avec ceux que je combats. Je reprends que je le fais parce que je suis sans haine. Et je n'ai aucun problème avec quelqu'un. Parce que ce que je dis, je le pense. Et si demain je me rends compte que je me suis trompé, je viens te dire que l'autre jour je m'étais trompé...
En ce qui me concerne, j'étais transporté, nourri et logé. Donc tant que la Côte d'Ivoire était en difficulté, je n'ai pas voulu percevoir un salaire. Maintenant qu'on est en train de sortir de la crise, il faut qu'on me donne un salaire. Mais, il faut que ce salaire soit public. Aidez-nous à être moins corrompus, moins pourris et moins menteurs.