Article
Rencontre Gbagbo et les chefs musulmans : ce que Koudouss a dit au chef de l'État
- Titre
- Rencontre Gbagbo et les chefs musulmans : ce que Koudouss a dit au chef de l'État
- Type
- Article de presse
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 13 juin 2001
- DescriptionAI
- Lors d'une rencontre avec le président Gbagbo, les chefs des communautés musulmanes de Côte d'Ivoire, par la voix d'El Hadj Idriss Koudouss, ont dénoncé les persécutions et violences subies par les musulmans sous les régimes successifs, y compris la "Deuxième République". Ils ont détaillé des exactions telles que tortures, assassinats, destructions de mosquées et profanations de symboles religieux. La communauté musulmane a demandé une enquête impartiale sur ces faits, l'identification des responsables et des victimes, des réparations, et l'application juste et effective des principes de laïcité pour assurer l'égalité de traitement et la protection de leurs lieux de culte.
- pages
- 2
- nombre de pages
- 1
- Sujet
-
Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires islamiques
- Conseil National Islamique
- Laurent Gbagbo
- Idriss Koudouss Koné
- Henri Konan Bédié
- Alassane Ouattara
- Anzoumana Konaté
- Bakary Chérif
- Babily Dembélé
- Confédération Islamique du Développement de la Côte d'Ivoire
- Comité National de Salut Public
- Front populaire ivoirien
- Parti Démocratique de Côte d'Ivoire
- Rassemblement des républicains de Côte d'Ivoire
- Parti ivoirien des travailleurs
- Politique
- Conflit
- Réconciliation
- Laïcité
- Élections
- Coran
- Mosquée
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007100
- contenu
-
Rencontre Gbagbo et les chefs musulmans
CE QUE KOUDOUSS A DIT AU CHEF DE L'ETAT
Le président Gbagbo a reçu lundi dernier les chefs des communautés musulmanes de Côte d'Ivoire. Au cours de la rencontre, El Hadj Idriss Koudouss, porte-parole du CNI, du Cosim, du CID de la FOI, a lu un discours. Nous vous le proposons.
Excellence Monsieur le Président de la République ;
Mesdames et Messieurs les Ministres ;
Excellences, Mesdames et Messieurs ;
Gloire à Allah par Essence et par Excellence qui a permis enfin cette rencontre.
Allah dit dans le Coran, Sourate 3, Versets 133 à 134 : « Le paradis est réservé aux vertueux qui font taire leur colère et qui pardonnent aux hommes. Dieu aime les cœurs généreux. »
C'est fort de ces enseignements que la communauté musulmane a fait de la recherche de la cohésion nationale et de l'entente la pierre angulaire de ses actions en Côte d'Ivoire. C'est pourquoi, Monsieur le Président de la République, d'entrée, il nous paraît nécessaire d'introduire nos propos par un rappel succinct des faits.
Dieu le recommande à ses vertueux serviteurs en ces termes : « Rappelle, si le rappel est nécessaire », Sourate 87, verset 9.
I - LES FAITS
D'octobre 1999 à octobre 2000, les imams ont conseillé respectivement au Président Bédié d'œuvrer à la sauvegarde de la cohésion nationale, quand certains de ses collaborateurs classifiaient les Ivoiriens en citoyens de souche et de circonstance.
Notre démarche a été perçue à dessein comme un soutien à ses principaux adversaires politiques d'alors, Monsieur Laurent Gbagbo et Monsieur Alassane Ouattara, unis dans le Front Républicain. Avec lui, la communauté musulmane a vécu particulièrement :
- L'opposition interassociative savamment entretenue ;
- Les entraves multiformes au fonctionnement de ses organisations par l'ingérence flagrante des pouvoirs publics dans la gestion quotidienne de la communauté, notamment aux fêtes musulmanes, l'organisation du pèlerinage à la Mecque, l'attribution de fréquences radio ;
- Les violations flagrantes et récurrentes des mosquées par les forces de l'ordre (gazage de mosquées à Abobo les 16 et 17 juin 1994) ;
- Les sévices corporels infligés à des imams ;
- Les rafles systématiques, les contrôles intempestifs des musulmans aux abords des mosquées, avec au bout la destruction de leurs cartes nationales d'identité.
En un mot, la volonté manifeste de diaboliser les musulmans.
Au Général Guei, d'unir les Ivoiriens dans leur diversité culturelle, confessionnelle et politique. La Côte d'Ivoire ne peut être objectivement la chasse gardée d'une région, d'une religion ou d'une ethnie. En retour, qu'avons-nous constaté, pendant les dix (10) mois de transition militaire, dirigée par le Comité National de Salut Public (CNSP) et co-gérée par des partis politiques dont le FPI ?
Une période d'épreuves inédites, vécue particulièrement par la communauté musulmane : des exécutions sommaires, des tortures, des intimidations et humiliations récurrentes de tous ordres de fidèles musulmans en général et des imams en particulier ; des destructions et profanations manifestes de symboles religieux par des forces de l'ordre et de sécurité de la République.
Au total, des domiciles d'imams et des mosquées ont été perquisitionnés à la recherche d'armes en vain ! Aux formations politiques (FPI, PDCI, RDR, PIT, PNI, UDCI), aux ONG et aux syndicats rencontrés, nous avons recommandé, conformément aux principes islamiques, la sagesse.
En effet, le contexte de l'élaboration et du vote de la constitution et du code électoral ne pouvait leur conférer la fiabilité de textes fondamentaux et fédérateurs.
Aucune de ces formations ne nous a suivis.
Aux chancelleries, nous avons écrit pour nous inquiéter de notre sécurité menacée.
Alors que certains de nos concitoyens tournaient en dérision nos craintes, la communauté musulmane, déjà fortement éprouvée par une transition militaire de terreur, va à nouveau subir d'autres exactions.
II - SOUS LA DEUXIEME REPUBLIQUE
Malgré cette épreuve qu'elle a vécue avec dignité, la communauté musulmane réaffirme sa ferme volonté d'œuvrer pour l'unité et la cohésion nationales.
C'est pourquoi elle salue le processus de réconciliation nationale que vous avez initié et dont l'atelier de Grand-Bassam constitue pour elle un jalon essentiel.
Afin de vous aider à donner à la Côte d'Ivoire son lustre d'antan, une terre d'hospitalité, de fraternité et de paix, la communauté musulmane estime que les conditions objectives d'une vraie réconciliation nationale doivent être basées sur l'endurance et la vérité. À ce sujet, Dieu enseigne à la Sourate 103, versets 2 et 3 : « L'homme est en perdition sauf ceux qui croient et accomplissent les bonnes œuvres, s'enjoignent mutuellement la vérité et l'endurance... »
Monsieur le Président, nous constatons malheureusement que la deuxième République s'est installée dans le sang des martyrs de la communauté musulmane.
La communauté musulmane cherche encore à comprendre ce qui a pu motiver les forces de l'ordre et de sécurité de la République, soutenues par certains de nos concitoyens se réclamant d'un parti politique et d'un syndicat d'étudiants, à torturer, à tuer les musulmans, à détruire et à profaner ses symboles religieux (mosquées, Coran), à l'issue de l'élection présidentielle. Sans oublier les destructions préméditées et massives des biens privés. Or, nous savons que les forces de l'ordre ne peuvent agir que sur instructions.
Pendant que la communauté musulmane pleurait, enterrait ses morts et pansait ses plaies, se répéteront les mêmes exactions à la faveur des élections législatives.
La communauté cherche encore à comprendre qu'en plein mois de jeûne, plus d'une centaine de fidèles musulmans aient été arrêtés à la mosquée, déférés à l'école de police, humiliés et arrosés de leur urine. Comme quoi, Dieu est la vérité dont l'on ne frappe la porte qu'avec la main de la foi. Il nous apparaît donc judicieux, à la lumière de ce qui précède, de vous faire les suggestions suivantes :
RECOMMANDATIONS
Les imams recommandent :
- Qu'une enquête sur les assassinats, les viols, la destruction des mosquées, les tortures subies par les musulmans soit diligentée et les résultats publiés.
- Que les auteurs et les victimes soient identifiés sans préjudice des poursuites judiciaires et des réparations éventuelles.
Allah dit à ce propos à la Sourate 49, verset 9 : « Si deux groupes de croyants se combattent, faites la paix entre eux avec justice et équité ; car Allah aime ceux qui jugent avec impartialité. »
C'est seulement après que les différents protagonistes de la vie nationale devraient se faire violence pour reconnaître les responsabilités qui sont les leurs dans la dégradation du climat socio-politique et faire amende honorable, le cas échéant, solliciter le pardon de ceux qui ont été frustrés et lésés.
Ils interpellent vivement le chef de l'État, garant de la constitution, d'user de tout son pouvoir pour l'application impartiale et effective des principes de la laïcité, notamment l'égalité de traitement des religions, l'inviolabilité des lieux de culte et le respect de l'immunité religieuse. Sur ce point, la communauté musulmane attend de vous des gestes et des signaux forts de nature à la rassurer.
Pour finir, Monsieur le Président de la République, permettez que nous soumettions à votre sagacité ces réflexions d'un illustre penseur, Al Farabi :
« On peut transcender la vision juridique commune de la loi sans nier sa validité ni son utilité. » Nous prions Allah que vous soyez de ceux qui font de la meilleure marque de citoyenneté, l'équation entre le juste et le légal. Qu'Allah nous éclaire de sa lumière dans nos paroles et dans nos actes.
Signataires COSIM
Le Cheick Anzoumana Konaté
F.O.I
Le Président Imam Bakary Chérif
CNI
Le Président Imam Kone Idriss Koudouss
CID-CI
Le Président Babily Dembelé
P/O Le Secrétaire Général Imam Daouda Kone
DEMAIN : Incendie des mosquées, persécutions, retraits des CNI, attaques contre les musulmans, atteinte à la laïcité de l'État... Les faits que Gbagbo veut ignorer.
