Article
Fête de la Tabaski : les prix des moutons hors de portée
- Titre
- Fête de la Tabaski : les prix des moutons hors de portée
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Jean-Marc Kossou
- Editeur
-
Le Patriote
- Date
- 27 février 2001
- DescriptionAI
- La fête de la Tabaski en Côte d'Ivoire est marquée par des prix de moutons excessivement élevés, atteignant parfois 120 000 F.CFA, rendant l'achat difficile pour de nombreux clients. Cette flambée est attribuée aux problèmes socio-économiques, aux rackets et tracasseries routières imposés par les forces de l'ordre aux commerçants de bétail maliens et burkinabè, ainsi qu'à une diminution de la clientèle étrangère due à la xénophobie. Les vendeurs peinent à trouver des acheteurs, et la célébration de la Tabaski risque de se faire avec moins de viande de mouton cette année.
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0007090
- contenu
-
Fête de la Tabaski
LES PRIX DES MOUTONS HORS DE PORTÉE
Kossou Jean-Marc
La fête de la Tabaski, c'est probablement le lundi 5 mars prochain selon le communiqué du Conseil supérieur des Imams (COSIM). Hier, nous avons essayé de savoir sous quelles auspices se présente "la fête du mouton" cette année. L'abattoir de Port-Bouët, où sont débarqués les bétails provenant des pays du Sahel, présente en ce moment un visage terne. L'anxiété se lit sur les visages de presque tous les commerçants de moutons. Les clients se font désirer. Les quelques rares qui se présentent sont envahis par les démarcheurs ou autres propriétaires. « Chef, j'ai deux gros moutons moins chers. Les prix sont abordables : y'a 65 000, y'a 70 000... On peut s'entendre », lance Maïga. Et chacun propose ses prix dans un tohu-bohu indescriptible. Mais pas de mouton de moins de 40 000 Fcfa (prix d'un mouton diarrhéique). Le client ne sait pas où donner de la tête. « Je trouve que les prix sont très excessifs. Les moutons sont à 80 000, 100 000, 120 000 F.CFA et même plus. Tout est cher à cause des problèmes socio-économiques et politiques. Nos frères des pays voisins, les Maliens et les Burkinabè, n'arrivent pas à venir en Côte d'Ivoire. Ils rencontrent toutes les difficultés routières : les rackets des forces de l'ordre et autres tracasseries. Tout cela fait que les moutons sont chers. Et si ça continue, je pense qu'on ne pourrait plus fêter la Tabaski », gémit M. Koné, un client. Et Kaboré Souleymane, un vendeur de bétail, renchérit pour confirmer les difficultés qu'ils rencontrent effectivement dès le premier poste frontière ivoirien. « Pour venir ici, c'est très cher. Tu vas payer le transport en plus des tracasseries des forces de l'ordre. À chaque barrage, pour deux camions remorques, ils te demandent 100 à 125 000 Fcfa. Malgré tous les papiers au complet, on est obligé de payer. Parce qu'on ne peut pas retourner au pays. Les Burkinabè sont obligés de venir vendre ici. Sinon, les Maliens, eux, ont peur de venir. Ceux qui arrivent viennent avec des bœufs et non avec des moutons. »
Les malheurs de Kaboré et des autres sont loin de prendre fin avec le voyage. Non loin de leur lieu de vente, un poste de contrôle policier. Ayant aperçu des hommes parqués à ce poste, nous nous y sommes approchés. Des moutons sont débarqués, les convoyeurs (ceux qui ont la malchance d'être à leur niveau) sont aussitôt interpellés pour un contrôle de pièces d'identité (cartes de séjour). Ils sont parqués en bordure de route sous un soleil de plomb. Et un policier de leur lancer : « Vous n'êtes même pas gentils. Vous venez chez nous et vous ne pouvez même pas payer 15 000 francs (ndlr, pour la carte de séjour). » Ils viennent pourtant à peine d'arriver en Côte d'Ivoire pour livrer les moutons. Et après la vente, ils retourneront chez eux. Pourquoi payer 15 000 francs alors ? s'indignent-ils. Pour fuir donc l'enfer des rayons du soleil, ils déboursent chacun « quelque chose » et rejoignent les autres.
Plus loin, deux jeunes femmes, des Ivoiriennes, assises sous leur hangar, attendent un éventuel client. Leur troupeau, composé d'une vingtaine de têtes, est sous la garde d'un jeune Peuhl. Elles argumentent fort bien pour justifier le coût élevé des moutons. Selon elles, c'est par rapport aux dépenses effectuées au cours du trajet que les prix sont fixés. Et en plus, il faut compter avec les tracasseries des agents des forces de l'ordre qui exigent, à chaque poste, de l'argent. La zone où nous étions jusque-là était celle réservée aux Burkinabè. Seydou déplore également les pertes que leur font subir les forces de l'ordre ivoiriennes, surtout cette année. « Avant, quand tu quittes le Burkina Faso avec 300 000 Fcfa, tu arrives à faire face à toutes les tracasseries routières. Maintenant, même 700 000 FCFA ne suffisent plus. C'est difficile pour nous. Et avec cela, il nous est difficile de faire des bénéfices. Même à la Gesco (Sortie d'Abidjan par l'autoroute du Nord, ndlr), on est obligé de payer "quelque chose". C'est vraiment dur pour nous... ». Les Maliens, eux, sont totalement amers. « Il y a trop de barrages. On peut en dénombrer plus de trente. Et s'il faut payer 15 000 Fcfa à chaque barrage, imaginez-vous ce que cela coûte pour nous », renchérissent-ils en chœur. En outre, il n'y a pas assez de clients cette année. « Ils sont tous rentrés à cause de la flambée de xénophobie qui s'est emparée de la Côte d'Ivoire. Tu sais, les musulmans sont nos principaux clients. Et beaucoup de musulmans étrangers sont partis dans leur pays », révèle Maïga, qui exerce le métier de vendeur de bétail à Port-Bouët depuis plus de quatre ans.
Les commerçants espèrent que les clients vont se signaler dans quelques jours. Eux qui ont l'habitude d'attendre la veille et même le jour de la fête pour effectuer les achats. Parce qu'ils espèrent que les prix vont baisser. En outre, parce qu'ils ne disposent pas d'endroit pour garder le mouton acheté trop longtemps à l'avance.
Sûrement, cette année, du fait de la flambée des prix et des difficultés que connaît actuellement la population, la fête de la Tabaski se fera avec moins de viande de mouton dans les sauces. K.J.M.