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Après l'ivoirité, le "rattrapage" ethnique, les concepts ségrégationnistes de Ouattara et Bédié
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- Titre
- Après l'ivoirité, le "rattrapage" ethnique, les concepts ségrégationnistes de Ouattara et Bédié
- Créateur
- Siméon Gnako
- Editeur
- Notre Voie
- Date
- 12 juin 2012
- Résumé
- La controverse autour du concept de l'ivoirité pourra-t-elle prendre fin un jour en Côte d'Ivoire ?
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0006562
- contenu
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Après l'ivoirité, le "rattrapage" ethnique, les concepts ségrégationnistes de Ouattara et Bédié La controverse autour du concept de l'ivoirité pourra-t-elle prendre fin un jour en Côte d'Ivoire ?
Pas si sûr. Néanmoins, l'ivoirité aura désormais à cohabiter avec un autre concept haineux et diviseur, le « rattrapage » ethnique. Henri Konan Bédié est le père de «l'ivoirité» comme Alassane Dramane Ouattara demeure celui du « rattrapage » ethnique. Si l'actuel chef de l'Etat ivoirien a été perçu comme l'une des victimes de l'ivoirité, il s'affiche aujourd'hui comme le bourreau des victimes du « rattrapage » ethnique. Des sources concordantes proches du Pdci-Rda, parti créé par Houphouët-Boigny et dirigé actuellement par Bédié, indiquent que l'ivoirité est apparu, pour la première fois, en 1945 à Dakar (Sénégal) avec des étudiants ivoiriens. Mais Henri Konan Bédié constitue le premier homme politique ivoirien à employer le mot en 1994. Soit un an après son accession à la magistrature suprême de la Côte d'Ivoire suite au décès de Félix Houphouët-Boigny, en 1993. Publiquement, Bédié défendait le concept comme un projet d'identité culturelle, économique et sociale.
Mais ses adversaires politiques y ont vu un repli identitaire contre les étrangers qui, selon les chiffres démographiques officiels de 1998 représentaient 26% de la population ivoirienne. Pis, Henri Konan Bédié, alors chef de l'Etat, a été accusé d'avoir instrumentisé «l'ivoirité» pour écarter un de ses adversaires, Alassane Dramane Ouattara, dans la perspective de l'élection présidentielle de 1995. S'appuyant sur une campagne nationale et internationale anti-Bédié, Ouattara a réagi en brandissant la fibre ethno-religieuse. Au motif, selon lui, que l'ivoirité visait à exclure, par ricochet, les ressortissants du Nord et les musulmans de la Côte d'Ivoire de la vie sociopolitique ivoirienne. Une bataille entre Bédié et Ouattara qui a gravement compromis la cohésion sociale dans le pays.
« On ne veut pas que je sois Président parce que je suis musulman et nordiste», avait soutenu Alassane Dramane Ouattara pour justifier son élimination de la course à la présidentielle en 1995. Les arguments avancés par Henri Konan Bédié pour tenter de présenter son concept sous des dehors acceptables ont été infructueux. Alassane Ouattara et ses soutiens extérieurs ont brocardé l'ivoirité comme un concept donnant lieu à des dérives de xénophobie et d'exclusion. Cette campagne anti-Bédié fut un adjuvant pour préparer la chute, en décembre 1999, de Bédié. Un coup d'Etat qu'Alassane Dramane Ouattara avait qualifié de «révolution des oeillets».
Parvenu au pouvoir, le 11 avril 2011, dans les conditions que l'on sait, Alassane Ouattara, la victime de l'ivoirité de Bédié (même s'ils sont devenus des alliés à l'initiative de la droite française), devrait se poser comme un farouche combattant de l'exclusion sous toutes ses formes. Un peu comme un malade du cancer ou du Sida qui prendrait la tête du combat contre l'un de ces fléaux. Malheureusement, ce n'est pas tout le monde qui a une noblesse d'âme. Tout le monde n'est pas Nelson Mandela. En plus des emprisonnements en masse des opposants, notamment Laurent Gbagbo et ses partisans qui n'ont rien à voir avec l'ivoirité, ainsi que de la traque de la presse non inféodée à son pouvoir, Alassane Dramane Ouattara décide de présenter les ivoiriens originaires du nord du pays comme «la race supérieure», à la Adolf Hitler. Il nomme les cadres du nord à presque tous les postes de responsabilités. Au gouvernement, ils sont une majorité écrasante. A la présidence de la République, c'est le même constat. Idem à la tête des sociétés d'Etat et à l'Assemblée nationale. Dans toutes les entreprises et les institutions, il est procédé à une chasse aux sorcières qui cible les ressortissants des régions du pays hormis le nord. Dans l'armée, la gendarmerie et la police, la situation est identique.
Ces nominations à caractère régional et ethnique ne passent pas inaperçues à travers le monde entier. C'est ainsi, qu'à l'occasion d'une visite d'Etat en France du 24 au 27 janvier 2012, le nouveau chef de l'Etat ivoirien est interpellé sur cette pratique par des journalistes français. Et Alassane Dramane Ouattara de répondre, sûr de son fait : « il s'agit d'un simple rattrapage. Sous Gbagbo, les communautés du nord, soit 40% de la population, étaient exclues des postes de responsabilité ». Des contrevérités et une grave erreur politique. Contrevérités en ce sens que les populations du Nord ne représentent pas 40% de la population ivoirienne. Par ailleurs, sous le chef de l'Etat, Laurent Gbagbo, 4 des 7 institutions du pays étaient dirigées par des ressortissants du Nord. A la Présidence de la République, de nombreux collaborateurs du Président Gbagbo étaient des cadres du Nord. Grave erreur politique d'Alassane Ouattara en ce sens qu'il est dangereux qu'un Chef de l'Etat, garant de l'unité nationale, tienne des propos pouvant mettre à mal la cohésion nationale. Selon l'intellectuelle malienne, Oumou Kouyaté, auteur d'une tribune publiée sur le site d'informations Slateafrique et intitulée « De la crise de l'ivoirité au rattrapage, la Côte d'Ivoire à l'épreuve de son unité », un tel discours aurait coûté à Barack Obama, le Président américain, son poste.
En effet, argumente-t-elle si Obama avait tenu un tel discours neuf mois après les élections américaines, une procédure de destitution aurait été engagée car brisant le concept de citoyen et donc celui de la nation américaine, une et indivisible. Elle souligne qu'Alassane Ouattara tient un tel discours au moment où depuis l'expérience nazie du « rattrapage » de la race aryenne sur les juifs et autres races non aryennes, toutes les constitutions sérieuses condamnent de telle politique. La Constitution ivoirienne d'Août 2000 s'inscrit dans cette logique.
En effet, en son article 10, notre loi fondamentale précise que : « Toute propagande ayant pour but ou pour effet de faire prévaloir un groupe social sur un autre, ou d'encourager la haine raciale ou religieuse est interdite ». Cette disposition de la Constitution ivoirienne condamne de tel discours et disqualifie toute personne qui le prononce, y compris le chef de l'Etat. Ouattara s'en est-il rendu compte ? En théorie certainement, puisqu'il a tenté, deux mois plus tard, de renier ses propos. Dans une interview accordée, le 30 mars dernier, à la télévision nationale RTI, il a nié avoir tenu ces propos. Mais il n'a convaincu personne puisque la réalité est là. Même des chefs pro-Ouattara d'institutions et d'entreprises qui hésitaient à procéder à des licenciements abusifs ont été encouragés par les propos exclusionnistes tenus en France par Alassane Ouattara. Et le « rattrapage » ethnique bat son plein. Les agents sont sans défense. Ils sont livrés à eux-mêmes. Ils sont mis à la porte sans ménagement. « Licenciement pour motif économique », c'est l'argument fallacieux brandi. Dans la plupart des cas, les agents licenciés sont remplacés par des ressortissants du nord ou des militants du Rdr, parti de Ouattara.
Au total, avec Bédié, la Côte d'Ivoire avait vécu au rythme nauséeux de l'ivoirité. Avec Ouattara, c'est le « rattrapage » ethnique. Avec une « nordisation » quasi-totale de l'administration ivoirienne. C'est une application de la charte du Nord que défendait, au début des années 90, la star de reggae, Alpha Blondy. Un dérapage monstrueux dont la Côte d'Ivoire paye aujourd'hui les conséquences. De la préférence nationale manipulée, on est passé à la préférence ethnique. Cette dernière préférence est aussi dangereuse que la première. Si Bédié n'avait pas galvaudé « l'ivoirité », elle aurait été comme la « francité » ou la « sénégalité », le sentiment d'appartenir à une même nation française ou sénégalaise. Une invitation à se sentir fiers d'être ivoiriens, sénégalais, français, en dépit de la couleur de la peau et des origines. Ce devrait être moins un repli identitaire à l'égard de l'étranger qu'un appel au sursaut national à tous les niveaux. Le « rattrapage » ethnique constitue un repli identitaire, ethnique. C'est un concept diviseur, porteur de conflits inter-ethniques. Et les ivoiriens ressortissants du Nord qui en bénéficient aujourd'hui pourraient en souffrir demain. Si l'ignominie prônée par Ouattara inspire d'autres acteurs politiques. La Côte d'Ivoire pourrait souffrir de ce cercle vicieux. Il est d'une nation comme d'un corps humain. Tous les organes sont interdépendants. Il leur faut être bien portant. Pour que tout le corps se sente bien. Il faut à la Côte d'Ivoire l'harmonie entre toutes les ethnies. Pour que la nation ivoirienne émerge. Alassane Dramane Ouattara doit donc mettre fin à sa politique de «nazisme» ethnique.
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