Article
Les confessions religieuses du Zou et des Collines se prononcent sur la santé familiale
- Titre
- Les confessions religieuses du Zou et des Collines se prononcent sur la santé familiale
- Type
- Article de presse
- Créateur
- Reine Azifan
- Editeur
-
La Nation
- Date
- 25 octobre 2000
- pages
- 4
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Source
-
La Nation
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0006509
- contenu
-
Les confessions religieuses du Zou et des Collines se prononcent sur la santé familiale
Dans le cadre de la tournée qu'elle a effectuée du 17 au 21 octobre 2000 dans les départements du Zou et des Collines, le ministre de la Santé publique, Marina d'Almeida-Massougbodji, a rencontré les responsables et les fidèles des confessions religieuses. L'objectif de cette rencontre est de recueillir leurs observations sur la politique nationale de santé familiale et sur l'épineux problème du SIDA.
C'est ainsi que les musulmans, les protestants et les catholiques ont tour à tour échangé avec la délégation ministérielle et ont exprimé dans un langage franc et sincère leurs points de vue sur la politique nationale de santé familiale telle qu'elle est mise en œuvre et sur la manière dont la lutte contre le SIDA se mène au Bénin. Tous les intervenants, toutes confessions religieuses confondues, ont fustigé la publicité à outrance faite autour du condom comme moyen de se protéger contre le SIDA. C'est une solution de facilité qui n'éduque pas la jeunesse, estiment les intervenants qui souhaitent que désormais, l'accent soit mis sur les méthodes naturelles de contraception, sur l'abstinence et la fidélité en ce qui concerne le SIDA.
Vue partielle des musulmans ayant pris part à la séance de travail
Photo : Jean ADANDE
Par Reine AZIFAN
« La santé de la reproduction ne prône pas l'avortement »
Au cours des différentes séances de travail avec les religieux, l'occasion a été donnée au directeur de la santé familiale, Dr Nestor Azandégbé, de dire ce qu'est la santé familiale, ses composantes, ainsi que les actions menées pour arrêter la propagation du VIH/SIDA au Bénin. Selon le docteur, la santé familiale, c'est la santé appliquée aux membres de la famille : la mère, les enfants, les jeunes et le père, c'est-à-dire l'homme.
Malheureusement, dans l'entendement de beaucoup de personnes — et c'est ce qu'ont dit les religieux — la santé de la reproduction signifie planification familiale, avortement, limitation des naissances. La politique nationale de santé familiale élaborée en 1998 vise à améliorer la santé de la mère et de l'enfant à travers la réduction des taux de mortalité, à sauver la jeune fille des avortements provoqués qui entraînent souvent la mort, à impliquer l'homme en tant que chef de ménage dans ce processus.
La santé appliquée à ces quatre éléments constitue les quatre composantes de la santé familiale. Il a expliqué qu'après le sommet du Caire sur la population, le Bénin a choisi d'adopter le terme « santé familiale » au lieu de « santé de la reproduction » pour rendre le concept plus acceptable.
À en croire Mme Massougbodji, la rencontre avec les religieux vise à recueillir leurs observations et critiques sur le Document de politique nationale de santé familiale et sur la Déclaration de politique de population pour bâtir une nouvelle politique de santé familiale. À ce sujet, les religieux n'ont trouvé rien à reprocher au document, c'est la mise en œuvre de cette politique qui pose problème.
Les moyens d'action sont entre autres, l'éducation des jeunes à la vie sexuelle et à la parentalité responsable, la sensibilisation des femmes et des hommes sur l'espacement des naissances, etc.
Pour Mme Massougbodji, « il y a eu incompréhension », car la santé de la reproduction ne prône pas l'avortement, ni la limitation des naissances. « Notre pays est sous-peuplé » et il serait illogique de prôner la limitation des naissances comme c'est le cas dans certains pays européens, a souligné le MSP.
« Les musulmans exigent le respect des lois coraniques »
Pour les musulmans du Zou et des Collines, c'est parce que nous ne suivons pas les principes du Coran que nous avons aujourd'hui le SIDA. Même si certains considèrent cette maladie comme une punition de Dieu, ils reconnaissent tous qu'il faut prendre des mesures telles que : renforcer la croyance, respecter les lois coraniques, être fidèle aux conjoints, éduquer les enfants. Le condom est, selon un imam, une « chose très sale » dont il ne saurait parler à ses fidèles. Tout en fustigeant la manière dont certaines personnes, notamment les jeunes filles, s'habillent aujourd'hui, les musulmans demandent aux femmes de se protéger le corps jusqu'aux orteils pour éviter la tentation. Par rapport à la santé familiale, certains ne comprennent pas qu'on puisse avoir un nombre d'enfants et un poids économique.
« C'est Dieu qui donne les enfants et c'est lui qui donne ce qu'ils vont manger », a déclaré un Alpha.
Les protestants acceptent le condom
Chez les fidèles de l'Église Protestante Méthodiste du Bénin de la région Zou-Collines, le préservatif est accepté non pas pour encourager la débauche, mais pour se protéger contre les infections sexuellement transmissibles, a fait remarquer le Pasteur de l'Église de Dassa-Zoumè.
Selon lui, « il faut avoir le courage de parler aux enfants, car si nous leur cachons des choses, ils iront les apprendre mal ailleurs ». Ici également, les protestants ont fustigé la publicité sur le condom à la Télévision nationale.
Ils sont allés jusqu'à demander au ministre de la Santé d'intervenir pour que la diffusion de ces spots soit supprimée car « ces images qui s'imposent à nous n'éduquent pas. Il faut tenir compte de notre contexte, de notre environnement culturel et c'est ce qui manque à vos messages », ont-ils expliqué. Ils ont enfin proposé que les membres des COGEC et COGES soient formés et mis à contribution pour sensibiliser et passer de bons messages aux populations qui demeurent encore pour la plupart mal informées.
« La SR est un panier dans lequel on met tout »
Chez les catholiques, la discussion a été on ne peut plus riche d'autant plus que le clergé s'intéresse depuis longtemps et avait beaucoup de choses à dire sur la santé de la reproduction et la lutte contre le SIDA au Bénin. Que ce soit à Dassa, sous la présidence de Mgr Antoine Ganyé, évêque de Dassa, ou à Davougon sous la présidence de Mgr Lucien Agboka, évêque d'Abomey, le discours a été le même.
« La SR est un panier dans lequel on a mis tout. Ce qui est bon, ce qui est moins bon et ce qui est mauvais », a dit d'entrée de jeu Mgr Ganyé. L'une de ces choses est l'avortement, massivement pratiqué et prêché par des médecins dans le milieu rural, a fustigé le prélat. Il a fait allusion à la lettre pastorale « Ne laissons pas bafouer la famille béninoise et africaine » qui est selon lui une lettre pour sensibiliser les fidèles afin qu'ils sauvegardent les valeurs familiales, pour rendre les gens plus responsables. « C'est aussi pour dire à l'Europe, ça suffit, ce n'est une lettre contre personne », a déclaré Mgr Ganyé. Les uns après les autres, les religieux et religieuses des Collines ont dénoncé les « ordures » qu'on diffuse à la télévision comme danses, publicités et autres films pornographiques qui influencent les enfants. Ces images constituent un moyen de propagation du SIDA, estiment-ils, un moyen qu'on peut facilement éliminer.
Dix nouveaux cas de SIDA reçus à Davougon par semaine
Au dispensaire Saint Camille de Davougon où Mme Massougbodji a eu une séance de travail avec le clergé du Zou, les religieux et religieuses ont fait les mêmes observations et critiques que leurs homologues des Collines. Pour donner une idée de l'ampleur des ravages du SIDA dans le département, l'administrateur adjoint du projet Sèdékon-Caritas au niveau du Zou et des Collines, M. Patrick Serges Lègonou, a fait savoir que depuis le démarrage du projet en 1995, plus de mille cas de SIDA ont été suivis dans ce dispensaire. Il a ajouté que par semaine, ils reçoivent dix nouveaux cas. Ce qui ne veut nullement dire que tous ces cas proviennent de Davougon ou du département du Zou seulement. « Des malades viennent même de Lomé au Togo se faire soigner ici », a-t-il précisé.
Pour le Curé de la paroisse de Covè, le Père Pierre David Bal, le ministère de la Santé et les acteurs de la lutte contre le SIDA n'insistent pas suffisamment sur l'abstinence et la fidélité dans leurs campagnes de sensibilisation. « Il faut promouvoir les méthodes naturelles de contraception », estiment-ils. Emboîtant le pas à leurs homologues, ils ont également condamné la publicité à outrance du condom dans les médias. « Le sexe en dehors du couple n'est que animalité », a précisé un autre.
Ces observations seront prises en compte dans l'élaboration du prochain Document de politique nationale de santé familiale, a dit Mme Massougbodji. Elle indiquera qu'au fait, il y a...
Le moins qu'on puisse dire après toutes ces séances de travail avec les représentants des confessions religieuses du Zou et des Collines, est que la délégation ministérielle a fait une riche moisson quant aux observations sur la politique nationale de santé familiale et à la lutte contre le SIDA. Il y a des points de convergence entre les démarches prônées par le ministère et les religions, mais aussi des divergences. Il s'agira de renforcer ces points de convergence et de trouver un terrain d'entente en ce qui concerne les points de divergence. Ce qui veut dire, cela, qu'il n'y a pas de contradiction entre l'action des confessions religieuses et celle du ministère de la Santé sur le terrain.
Le présidium à la séance de travail avec le clergé à Davougon.