Issue
Plume Libre #09
- Titre
- Plume Libre #09
- Type
- Périodique islamique
- Editeur
-
Plume Libre
- Date
- juin 1992
- numéro
- 9
- Résumé
- Mensuel ivoirien d’informations générales
- nombre de pages
- 12
- Sujet
- Moustapha Diaby
- Conseil Supérieur Islamique
- Bakary Chérif
- Cercle d'études et de recherches islamiques en Côte d'Ivoire
- Gaoussou Diabaté
- Moussa Comara
- Intégrisme
- Islamisme
- Langue
- Français
- A une partie
- Non aux "gendarmes"!
- Dr Lharbi Kechat : "L'islam ne fait aucune distinction entre la foi et la politique"
- Contributeur
-
Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-issue-0001331
- contenu
-
PLUME Libre
Juin 1992
Prix : 200 F
N°009
MENSUEL IVOIRIEN D'INFORMATIONS GÉNÉRALES
LE CONSEIL SUPERIEUR ISLAMIQUE
OU
COMMENT ETOUFFER
L'ISLAM
EN COTE D'IVOIRE
EXCLUSIF
... L'Occident doit cesser de monologuer.
... L'intégrisme n'est pas une notion islamique.
... Les mouvements actuels expriment l'aspiration des peuples à plus de liberté et de justice.
Le Dr Lharbi Kechat
Imam à Paris.
LOS ANGELES
OU L'AMERIQUE A NU
FOOTBALL
Coupes africaines
L'ASEC et l'AFRICA en roue libre !
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EDITO-PLUME
IBRAHIM KONÉ : 1er CAPITAINE DU BATEAU CERICI
Les intellectuels s'organisent : le “Cercle d'Etude et de Recherche Islamiques de Côte d’Ivoire” (CERICI) est le nouveau cadre de réflexion qu'ils se sont donnés.
Réunis les 2 et 3 Mai à la petite mosquée de la riviéra, les participants au congrès constitutif, venus des quatre coins du territoire national ont "planché" sur les statuts et règlements intérieurs soumis à leur approbation. A l'issue des débats véritablement houleux, ils ont convenu de faire du CERICI leur théâtre d'expression, et un moyen de connaissance et de diffusion de l'Islam. Les travaux se sont achevés par les élections à la direction des différents organes, et c'est ainsi que le choix de la majorité s'est porté sur le frère Ibrahim Koné, chercheur (comme par hasard) au “Centre Ivoirien de Recherche Technologique” (CIRT) pour présider pendant les trois années à venir à la destinée de l’association. Que Dieu le guide dans sa tâche et bénisse le CERICI afin que vive une communauté musulmane de Côte d'Ivoire plus unie et plus forte que jamais.
K.S
NON AUX “GENDARMES” !
FALLAIT-il se taire au nom d’une certaine sagesse, ou parler pour le triomphe de la vérité ?
A dire vrai, le dilemme devant lequel le “Conseil Supérieur Islamique” nous plaçait ne nous laissait guère le choix. Alors, pour notre communauté et pour elle seulement, nous avons choisi de mettre le “hola”. Loin de nous donc toute intention mesquine de querelle partisane.
Aussi, est-ce à dessein que nous allons faire parler les éléments pour permettre aux musulmans de Côte d’Ivoire (les premiers concernés) et à la nation entière d'apprécier, en attendant le jour où Allah, le très glorieux tranchera entre les hommes.
Reconnu officiellement le 29 mars 1982 par l’arrêté N° 81/Int/ AT/ AGP-1, le CSI (Conseil Supérieur Islamique) se définit lui-même dans ses statuts à l’article 2 de son titre II comme “un organisme de réflexion et d’exécution qui rassemble en son sein toutes les associations islamiques existantes et à naître (sic) sur le territoire national et qui comme son nom l’indique coordonne et supervise toutes les activités islamiques individuelles et collectives tant au niveau national que vis-à-vis de l'extérieur”. L’objectif en lui-même et de façon absolue parait noble. Cependant, des inquiétudes surgissent à la lecture de cette définition à l’allure policière. En effet, loin de se présenter comme un creuset de rassemblement, le CSI apparaît ici
Dembélé Al Séni
comme un carcan qui a pour objectif de maîtriser et de superviser les musulmans. La nature de ses animateurs et les actes posés par eux en dix ans corroborent cette opinion (lire les détails dans les dossiers sur le CSI). On croit rêver quand on voit “l’organisme supérieur de l'islam” en Côte d’Ivoire «constater avec beaucoup de regret la tenue de conférences, séminaires, causeries religieuses, arrivée de personnalités religieuses étrangères invitées par des associations islamiques, constructions d'écoles islamiques sans l’autorisation préalable du Conseil Supérieur Islamique” (cf. fac. similé de sa lettre d’information aux autorités et aux musulmans). Le regret donc du CSI, c’est de voir l'islam vivre et s’épanouir ! Cette situation que le CSI regrette n'est-elle pas l'aveu qu'il n'existe de conseil que sur le papier et que l’Islam dans son quotidien se passe merveilleusement bien de sa tutelle ? Malgré tout, pourquoi s'intéresser ici à ce “conseil” ?
Tant que ses agissements s'arrêtaient à des bouffonneries dans la presse et à hanter les allées des ministères (notamment celui de l'Intérieur), le CSI n'intéressait personne. Mais depuis quelques temps, il n’est pas rare de le voir s'exciter hors de son “champ naturel” d'action et de chercher à perturber la marche de l’islam en Côte d’Ivoire. Il était donc nécessaire de (re) mettre les pendules à l’heure et de rappeler que “la récréation” est bel et bien terminée. Les forces vives de l’islam ne laisseront pas leur travail être longtemps saboté par des “caporaux en mission” même s’ils ont revêtu le manteau islamique. Que l’actuel président du CSI demande «aux musulmans intégristes (...) de s'éloigner de l'organisation du pèlerinage confié par le gouvernement au ministère de l’intérieur qui s'en sort très bien par l’intermédiaire du comité interministériel présidé par la direction générale de l’administration territoriale et des affaires politiques» (cf. Frat Mat du 18/05/92 Page 3) ne fait que nous renforcer dans nos convictions. Il faut dire non à ce “gendarme”.
SOMMAIRE
EDITO - PLUME P.2
Non aux gendarmes
DOSSIER SPECIAL CSI
CSI ou comment étouffer l'Islam P.3
CSI : Historique d'un échec P.4
CSI : Démocratie connaît pas P.5
PLUME POLITIQUE P.6-7
Dr Lharbi Kechat
"L'islam ne fait aucune distinction
entre la foi et la politique"
- Los Angeles ou l'Amérique à nu P.8
- Afghanistan : le long chemin de la victoire
INFOS-PLUME P.9
PLUME RELIGIEUSE P.10
Tabaski, le sens d'une fête
LITTERATURE ET SCIENCES P.11
L’hémoglobinopathie Hope
SPORTS & DETENTE P.12
L'Asec et l'Africa marchent ... sur l'Afrique
PLUME LIBRE / Juin 1992 / Page 2
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- Petite Mosquée de la Riviera
08 b.p 2462 Abidjan 01
Tél. 43-47-58
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RÉDACTEUR EN CHEF
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Sangaré Moussa
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PLUME DANS LE QUOTIDIEN
DOSSIER SPECIAL CSI
LE CONSEIL SUPÉRIEUR ISLAMIQUE
OU
COMMENT ÉTOUFFER L'ISLAM
L'ISLAM fait peur à toutes les idéologies et à tous les régimes politiques. Cela n'est un secret pour personne. En effet, en tant que Religion, l'Islam ne se contente pas de dicter au croyant un ensemble de "prières" et "d'actes rituels" qu'il doit à son Créateur. L'Islam propose un système de vie, une idéologie fondée sur le refus de toute exploitation, de tout asservissement.
En Afrique, l'Islam a été le principal obstacle à la colonisation, c'est pourquoi le pouvoir colonial a conçu un ensemble de moyens visant à contrôler les musulmans. Parmi ces moyens, l'on peut citer la présence des autorités administratives aux cérémonies de prières des fêtes musulmanes, l'envoi d'agents de police dans les délégations se rendant au pèlerinage à la Mecque etc...
A l'accession à l'indépendance, les nouveaux pouvoirs ont continué dans cette voie. Mais avec l'évolution des mentalités, il fallait autre chose car les musulmans s'organisaient et les vieilles pratiques héritées n'étaient plus suffisantes. Dans notre pays l'on a vu apparaître dans des conditions très douteuses (voir l'article "le constat d'un échec") une sorte d'organisation qui s'est voulue à l'échelle nationale, et qui s'est assigné pour rôle d'organiser les musulmans et d'aider à leur épanouissement : le Conseil Supérieur Islamique.
UN BILAN NÉGATIF SUR TOUS LES PLANS
Treize ans après sa création, l'on peut se demander quelle a été l'action de ce conseil ? Au plan des infrastructures, rien n'a été fait : pas de centre Islamique, pas d'école, ni même de mosquée. Au plan de la défense des intérêts de l'Islam, le CSI a été absent au point que les musulmans n'ont jamais apporté leur contribution dans une décision nationale avant l'instauration de la commission d'enquête sur les événements de Youpougon.
La Côte d'Ivoire n'a aucune représentation diplomatique en Arabie Saoudite et l'organisation du pèlerinage à la Mecque est aux mains de non-musulmans. Pour nous résumer, rien de concret ne peut être mis au compte du CSI. Et malgré tout, ce bilan ne semble gêner outre mesure le CSI.
Lorsqu'on connaît les hommes qui l'animent, on est tout de suite éclairé. En effet, les responsables de cette structure ne sont ni des responsables religieux, ni des chefs d'organisations Islamiques nationales. L'on est plutôt surpris d'y trouver des commerçants, des transporteurs, des fonctionnaires à la retraite etc...
Autant de gens qui n'ont quasiment pas de contact avec le travail d'organisation et de formation religieuse islamique. Ils n'ont pour la plupart ni le souci, ni le savoir, ni le caractère des théologiens de l'Islam. Les pratiques qui ont cours dans cette structure sont connues de tous : relations privilégiées avec certains hommes du pouvoir plutôt qu'avec la population musulmane, actes de délation, coups bas et même "coups d'Etat" pour la magistrature suprême du conseil etc... (Voir l'article "Démocratie, connais-pas").
LE CSI DOIT DISPARAITRE
Alors, pourquoi le CSI dans lequel aucun musulman ne se reconnaît continue-t-il d'être l'interlocuteur du pouvoir ? Pourquoi a-t-on invité ces gens à siéger à la "Commission d'Enquête" alors que l'organisation des Imams est là ? Y'a-t-il volonté de canaliser les musulmans en les mettant de force sous la bannière d'un groupe incompétent ? Y'a-t-il continuité de la politique coloniale qui a toujours contrôlé les musulmans ? Veut-on étouffer l'Islam alors que les autres religions jouissent de conditions exceptionnelles d'épanouissement ?
Il est temps, grand temps que les autorités révisent leur attitude, la communauté musulmane ayant désavoué le CSI. Les interlocuteurs en la matière ne manquent pas. Outre le Conseil Supérieur des Imams, on a : l'AEEMCI (Association des Elèves et Etudiants Musulmans de Côte d'Ivoire), l'AJMCI (Association des Jeunes Musulmans de Côte d'Ivoire), le CERI-CI (Cercle d'Etude et de Réflexion Islamiques de Côte d'Ivoire), la LIPCI (Ligue Islamique des Prédicateurs de Côte d'Ivoire) et L'AFMCI (Association des Femmes Musulmanes de Côte d'Ivoire).
Elles sont représentatives des différentes couches musulmanes du pays, et reconnaissent dans le Conseil Supérieur des Imams leur guide religieux et leur porte-parole officiel. Les pouvoirs publics doivent donc agir de sorte à préserver la paix sociale et à éviter la grogne des musulmans.
L'organisation religieuse est différente de l'organisation politique : elle a pour but d'aider ses adeptes à s'épanouir spirituellement afin de les rendre plus aptes à servir le pays. Il faut éviter la confusion. Nous répétons que les musulmans ont déjà fait la preuve de leur maturité et de leur compétence dans ce pays. Qu'on arrête donc de chercher à les manipuler de peur d'écorcher à la longue certaines sensibilités. A bon entendeur... ■
Tal Emile
Le Conseil Supérieur des Imams (ici en compagnie du Pdt Lanzeni Coulibaly) Porte-parole légitime de l'Islam en Côte d'Ivoire
CHAPELET
COQUILLE VIDE
Bizarre ! Au moment où partout on veut s'affranchir, au moment où les mythes des partis uniques finit de se consumer et que les peuples et les différents groupes sociaux ou religieux s'enorgueillissent d'être libres, de décider eux-mêmes de leur sort, et de désigner les personnes qui vont conduire leur destinée, voilà que chez nous, certains ne sont pas encore sortis des nuits profondes des "enveloppes préfabriquées" qu'on cherche par la suite à remplir de différentes manières.
Nul ne peut empêcher, il est vrai quelqu'un de créer ! Nul ne peut non plus empêcher que les créateurs officiels "n'enfantent" des coquilles surtout que les signatures et cachets pour reconnaître sont leur propriété. Mais, que devenons-nous, quand on veut faire de nous les fistons de ces tontons trop subitement entreprenants pour être honnêtes ? Hum ! Ça sent l'odeur de la récupération ! Et les différentes mues opérées (départ d'un vaguemestre remplacé par un autre plus sûr, plus soumis et plus imaginatif) ne nous rassurent guère.
On veut nous conseiller, on nous a fabriqué un conseil. Pas n'importe lequel un conseil... supérieur. Paraît que avec ça, les polissons seront mieux surveillés. On ne les laissera plus dire ou faire n'importe quoi. On aura l'œil sur eux et ils ne pourront même plus se brûler les doigts.
Paré donc de ses nouveaux habits, le "tonton supérieur" qui veut épouser l'air du temps s'excite à la télé, à la radio et dans les journaux. Comment parvient-il si facilement à ces organes que bien, de gens ont du mal à approcher ? C'est facile : ses géniteurs avaient tout prévu.
Bientôt, tout ce qui est Islam devra transiter par lui. Son autorisation sera indispensable pour toute conférence, séminaire ou retraite islamiques.
Les récalcitrants, les téméraires et autres indisciplinés seront sanctionnés... avec la dernière énergie. Et ainsi, tout le monde entrera dans le rang et le tour magique sera magnifiquement réussi.
Mais le problème, le vrai problème de ce "plan angélique" c'est que les coquilles vides n'ont jamais rassasié celui qui a faim.
Et l'Islam en Côte d'Ivoire a faim. ■
Dembélé Al Séni
PLUME LIBRE / Juin 1992 / Page 3
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PLUME DANS LE QUOTIDIEN
DOSSIER SPECIAL CSI
CONSEIL SUPÉRIEUR ISLAMIQUE :
HISTORIQUE D’UN ECHEC
Par Moussa Sangaré
LE Conseil Supérieur Islamique est aujourd’hui l’organisation qui se trouve au centre des débats dans le milieu des associations islamiques. En effet depuis quelques temps ses manifestations et déclarations d’intention sont devenues nombreuses à l’endroit des musulmans et particulièrement des associations. On se pose la question de savoir ce qui excite tant et soudain cette organisation mort-né. Nous y reviendrons plus loin mais avant, il serait souhaitable de savoir ce que fut le difficile enfantement d’une organisation qui ne serait islamique que de nom. Jugez-en vous même.
UN DIFFICILE ENFANTEMENT
Avant 1979 il existait déjà en Côte d’Ivoire des organisations islamiques. Mais cette période sera très troublée à cause des luttes hégémoniques qui vont s’instaurer entre elles. En effet la Mosquée d’Abengourou a été fermée à la suite d’une querelle née de la division des musulmans de cette ville à propos de leur adhésion à l’Association Musulmane pour l’Organisation du Pèlerinage (AMOP).
En outre la congrégation islamique de Côte d’Ivoire est venue éjecter de façon peu courtoise l’AMOP de la région de Séguéla où elle s’était fortement implantée, et même les ressortissants du département encore membres du bureau étaient considérés comme des traîtres.
Quant à l’association des musulmans orthodoxes, l’AMOCI, elle était déchirée par des querelles internes qui ont entraînées par la suite la fermeture de leur mosquée.
Signalons entre temps que la division d’Abengourou est née à la suite de la proposition de transformer la section locale de l’Union Culturelle des Musulmans de Côte d’Ivoire (UCMCI) en une section de l’AMOP.
C’est dans un tel contexte que suite à la visite d’une importante délégation de la ligue islamique mondiale, fut porté sur les fonds baptismaux le conseil supérieur islamique. Les choses dans leur réalisation n’ont pas été aussi simples. En effet la Présidence était la convoitise de toutes les associations. Ceux qui se voulaient des conciliateurs ont tôt fait d’être traités d’ambitieux. Dans une ambiance de suspicion, d’intrigue, le Président sera élu en l’occurrence monsieur Moussa Comara à l’époque préfet. Les responsabilités dans son bureau étaient reparties en fonction des organisations et non des compétences. Cette situation était certainement l’annonce de batailles souterraines. Mais avant tout elle insinuait aux yeux du monde que les musulmans étaient incapables de se prendre en charge.
Moussa Comara ne put mener son mandat à son terme pour des raisons inconnues pour l’instant. Quel bilan faire de son passage ? Une chose est certaine c’est que les problèmes sont restés en l’état. Le conseil s’est beaucoup plus préoccupé de l’organisation du pèlerinage que de l’organisation de la communauté.
Le CSI est resté en léthargie jusqu’en 1988 date à laquelle le sieur Chérif Bakary, Adjoint à l’Imam d’Attécoubé qui prétend avoir été traducteur au ministère de l’intérieur (arabe-français) a pris les rênes du pouvoir. Ce qu’il faut faire remarquer c’est que Chérif Bakary a remis le train du conseil en marche sans en aviser l’ensemble des associations censées en faire partie. Comme, il fallait s’y attendre, il s’est trouvé des gens pour remettre en cause sa légitimité et constituer un second bureau du CSI. Ceux-ci prétendent être les successeurs que dis-je "les héritiers légitimes" de Moussa Comara. Il n’en fallait pas plus pour que le ministre de l’intérieur se saisisse de l’affaire et convoque toutes les associations concernées par l’affaire.
A cette rencontre il lui est fait lecture du bureau des "héritiers légitimes". Dans le même temps et dans la même salle il y avait deux bureaux de l’association des enseignants coraniques dont l’un réclamait la légalité en brandissant au yeux du monde sa lettre de reconnaissance.
Face à cet imbroglio le ministre renvoie les différentes associations pour accorder leur violon sous les auspices des sages Diaby Gaoussou et Yamoussa Touré.
Après plusieurs mois, un jeune du nom de Sékou Touré prend l’initiative de remettre en selle le CSI face à l’inactivité des sages. Mais il n’a pu réussir car pressé. Face à cette tentative les vieux qui en ont été avisés font appel aux différentes organisations pour élire le nouveau président. Au terme de réunions qui ont duré plusieurs semaines El Hadj Gaoussou Diabaté ancien fonctionnaire au ministère de l’intérieur est proposé et accepté comme président par l’ensemble des associations présentes. Que retenir de son mandat ? En tous cas pas d’activités islamiques particulières. Le passage à la tête du CSI de Gaoussou Diaby amène à plusieurs remarques ;
. Première remarque
Il est à noter que tous ceux qui se sont succédé à la tête du conseil sont des proches du ministère de l’intérieur. Cette situation est-elle innocente? Nous ne le croyons pas. En effet, un simple constat nous permet de savoir que tout ce qui est musulman est d’office placé sous contrôle. Pour preuve les écoles coraniques jusqu’à une date très récente et le pèlerinage.
. Deuxième remarque
La plupart des bureaux passés se sont illustrés par leur caractère policier. Prétendant faire régner la discipline ils sont souvent intervenus auprès des autorités administratives pour mettre en veilleuse les activités des associations telles que la ligue islamique des prédicateurs en Côte d’Ivoire (LIPCI) et l’AEEMCI. Certaines personnes se réclamant du CSI (en l’occurrence l’actuel Président) ont tenté de faire annuler à Samatiguila un séminaire de la LIPCI. Dans une lettre adressée aux préfets, sous-préfets et maires, le conseil exprime son indignation face au progrès de l’islam. Et oui ! sinon comment le CSI peut-il regretter la tenue de conférences, séminaires, causeries etc... (Cf fac similé) par des associations Islamiques. Pour aller plus loin, comment peut-il taxer cela d’indiscipline ? Ignore t-il qu’aucune des associations sur la place actuellement ne se considère membre du Conseil ? De plus cette lettre rédigée en 1991 ignore-t-elle que nous sommes en plein multipartisme ? Enfin que fait le CSI du principe de la liberté d’adhésion à une association. Il est fort étonnant de constater que des musulmans considèrent le nouveau dynamisme de l’islam comme preuve d’indiscipline. Au lieu de discuter avec ces associations on préfère user de la contrainte contre elles. Si cette réaction était venue du pouvoir politique elle serait compréhensible et même là encore, elle ne serait pas acceptable. Ce qui est étonnant ici c’est que le Conseil Supérieur qui est frappé d’ostracisme, et dont l’existence n’est que nominale se croit, face aux activités islamiques "dans une situation de non justification devant les autorités" (Fac-similé). Alors nous voudrions demander qu’on nous cite le nom d’une seule association de surcroît confessionnelle qui rend compte au gouvernement de l’activité de ses membres.
. Troisième remarque
Quelle est la nature du CSI ? A l’analyse des statuts elle est à la fois une fédération et une association pure et simple, cela explique sa volonté de couvrir tous les espaces d’activités islamiques et de les régenter à sa guise. S’il est démontré que les associations ont été à l’origine de la création du CSI et qu’à ce titre elles sont les seules à payer une cotisation, alors, il est simplement aberrant qu’elles disparaissent purement et simplement quant à la structuration et à la représentation aux organes de décision du CSI. Dans un cas pareil il est pratiquement impossible de faire respecter ses décisions. Pour y arriver il faut un coup de pouce des hommes politiques. Ce qui ne semble pas faire défaut. Nous le comprendrons avec l’avènement de Monsieur Moustapha Diaby à la tête de l’association.
AUCUNE RÉFÉRENCE DANS LE MILIEU ISLAMIQUE DE COTE D’IVOIRE.
Moustapha Diaby est membre du bureau politique du parti au pouvoir. Dans le milieu des activités islamiques l’homme n’a aucune référence ; aucun antécédent ni dans les associations ci-haut citées ni même dans les plus récentes.
Comment expliquer donc son accession à la tête du CSI ?
Nous répondrons tout de suite par autoproclamation. Cependant remontons le cours du temps. Au dernier sommet de l’Organisation des Etats Islamiques (OCI) tenu à Dakar, M. Diaby faisait partie de la délégation ivoirienne. Or il y a une vieille intention de la Banque islamique de développement d’octroyer à la côte d’Ivoire une somme de plusieurs centaines de millions de francs CFA. Il ne serait pas vain de penser que cette intention ait été renouvelée au dernier sommet de l’OCI. Est -ce ceci qui a ressuscité les ardeurs du CSI ? L’histoire nous le dira certainement. Mais ce qui est certain c’est que depuis le retour de ce sommet le CSI refait surface. De façon illégale Moustapha Diaby est porté à sa tête.
UNE ACCESSION ILLÉGALE
Il est à noter que Moustapha Diaby n’a jamais été membre d’un bureau du CSI. Les textes prévoient que ce sont les vice-présidents qui succèdent au président. Or à notre connaissance le sieur Diaby n’a jamais été vice président du CSI.
Par ailleurs sa désignation s’est faite de façon occulte. Sinon comment expliquer qu’aucune association islamique censée faire partie du CSI n’ait été informée ? Peut-on s’investir chef de la communauté musulmane à l’insu des fidèles ? Monsieur Diaby ne le sait peut-être pas mais un Hadith interdit que l’on donne le pouvoir à celui qui le réclame.
Le comble est que malgré tout, le sieur Diaby semble avoir reçu l’agrément de certaines autorités. Si ce n’était pas le cas à quel titre a t-il pris la parole à la télévision à l’émission "les grandes questions" ? Mais pourquoi s’acharne-t-on sur l’Islam ? Peut-on en faire de même pour la religion Chrétienne ?
Suite en Page 5
[Photo caption]
M. Diaby MoustaPha, actuel Président du CSI.
Que cherche-t-il ?
A RETENIR
SÉMINAIRE AEEMCI DIVO-92
Du 15 au 21 Août au lycée moderne de Divo
Participation 6000 Frs (non compris le transport)
8000 Frs (avec transport à partir d’Abidjan)
Fiches de participation à retirer dans les sections
Pour toutes informations contacter le siège (Petite Mosquée de la Riviera) Tél : 43.47.58
PLUME LIBRE / Juin 1992 / Page 4
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PLUME DANS LE QUOTIDIEN
DOSSIER SPECIAL CSI
CONSEIL SUPERIEUR ISLAMIQUE :
“DEMOCRATIE, CONNAIT PAS”
DÉMOCRATIE ? Quittons les définitions spécialisées et parfois déconcertantes des politologues. On est habitué là-bas à habiller ce concept de manteaux taillés à la mesure des circonstances et des intérêts. Revenons au Coran, référence suprême, surtout pour une question concernant l'Islam. A la sourate 42 ("la consultation," titre évocateur) au verset 38, il est écrit «et pour ceux qui répondent à leur seigneur et établissent l’office, et dont l'affaire est l’objet de consultation entre eux, et qui font largesse sur ce que Nous leur attribuons». Ici donc, de façon claire et limpide se trouve posé le principe d’organisation et de fonctionnement de la communauté musulmane. Ce qui doit prévaloir dans la vie de la Oumma (communauté), c’est la consultation, la concertation pour toute chose la concernant. Aucun regroupement islamique ou se réclamant tel ne peut échapper à ce principe. Mais au "Conseil Supérieur Islamique”, on ignore royalement cette directive divine. Tenez ! sur les cinq présidents que cet organisme a connu jusqu’à présent, un seul Moussa Comara (le tout premier président) a été élu (à dire vrai proclamé) Président devant une assemblée, au cinéma Plazza de Treichville. Tous les autres, Sinan Ali, Chérif Bakary, Diabaté Gaoussou et Diaby Moustapha ont accédé à la tête de ce conseil dans des conditions peu connues de la communauté musulmane. Au fait, l'observateur est ici frappé par un constat : comment le président de l’organisation qui se veut le porte parole de la communauté musulmane nationale entière et l’interlocuteur attitré des pouvoirs publics peut-il être élu ou choisi à l’insu de la communauté musulmane ?
Depuis toujours nous n’avons cessé et ne cesserons de dénoncer les manœuvres obscures de ceux qui cherchent à enrégimenter l'Islam en Côte d’Ivoire et qui, pour se faire, ne reculent devant rien. Ayant échoué dans leurs tentatives visant à récupérer ou à contrôler les associations Islamiques qui de façon désintéressée travaillent à la formation et à l’encadrement de la masse musulmane, ils n'ont d’autres recours que de réanimer leur "conseil” qui depuis près de 13 ans s’est illustré par une passivité et une absence maladive sur la scène de l’organisation et de la structuration de l’Islam en Côte d’Ivoire. On comprend dès lors que malgré l’avènement de la démocratie multipartisane en Côte d'Ivoire, on n'ait pas, du coté des maîtres de l’ombre, choisi d’abandonner les vieilles méthodes et d'épouser les comportements nouveaux si prisés depuis avril 90. Le dernier changement qui a vu le remplacement de Diabaté Gaoussou par Diaby Moustapha à la tête du "Conseil Supérieur Islamique" est illustratif des pratiques qui y ont cours.
Pour être sérieux, peut on parler de "Conseil Supérieur Islamique’’ en Côte d’Ivoire (lequel conseil dans ses statuts stipule que toutes les associations islamiques existant sur tout le territoire et celle avenir sont de fait ses membres) en ignorant les associations de masse qui existent sur le terrain ? De quel légitimité peut se prévaloir un organisme islamique aujourd’hui en Côte d’Ivoire (organisme se prétendant le porte parole officiel de l'islam) sans le soutien de la LIPCI, de l’AEEMCI, de l'AJMCI, du CERICI et surtout du Conseil Supérieur des Imams ?
Certes, il est permis à chacun au nom de la liberté d'association de créer son "conseil suprême”, son "haut conseil ...islamique” et de se prendre pour le prince d’Aquitaine. Mais il est désormais révolu le temps où par l'intermédiaire de lieutenants dociles parachutés à la tête du Conseil on croyait se garantir le contrôle de l'islam en Côte d’Ivoire. Les pouvoirs publics qui ont à charge le maintien de l’ordre et de la paix intérieure doivent par une attitude responsable éviter de s’aliéner la masse musulmane en se faisant le soutien implicite ou explicite d'un organisme perçu comme «le plus grand diviseur commun» de la communauté musulmane en Côte d’Ivoire.
Un organe pour coordonner l’ensemble de l'activité islamique et pour être le porte-parole de l’islam sur le plan intérieur et extérieur c’est le vœu secret de tout musulman conscient et conséquent dans sa foi. Cet organe devra être l’émanation et l'expression de la communauté musulmane et travailler dans le seul intérêt de l'Islam. Pour l'heure, et en attendant que cet organe voit le jour, qui mieux que le conseil supérieur des Imams (les responsables spirituels de la communauté) peut parler au nom des musulmans, défendre leurs intérêts et traduire au mieux leurs aspirations?
A l'heure de la “transparence”, on doit du côté du "Conseil Supérieur Islamique” se mettre au goût du temps. Rien ne peut se faire de nos jours pour une communauté sans sa participation et son approbation.
Ce principe de base partout valable l’est davantage en Islam. Au premier chef, on ne peut concevoir un président pour "l’organe supérieur” de l’islam en Côte d’Ivoire choisi par des mains occultes au mépris de la volonté de la totalité des forces vives de l'islam. Ni la radio, ni la télévision, ni les journaux utilisés subtilement ne sauront faire accepter ou légitimer une situation qui est aux antipodes du bon sens et de la ... démocratie.
Dembélé Al Séni
Suite de la Page 4
C’est à croire que depuis l'avènement du Conseil Supérieur des Imams, l’ardeur des sous-marins s’est accrue. Le Conseil des Imams ferait-il peur ? Et pourquoi ? Nous ne saurions le dire. Mais qu’on se rassure, ce conseil a d'autres chats à fouetter que de faire la course au pouvoir. Il est aussi souhaitable que ceux qui tirent les ficelles sachent que la communauté musulmane ne saurait accepter à sa tête des présidents improvisés. Elle ne saurait davantage admettre que ce président soit membre des instances suprêmes d’un quelconque parti politique. En poussant Moustapha Diady veut-on la division de la communauté musulmane ? En effet il n’est point exclu qu'un tel président entreprendrait des actions rien que dans l'intérêt de son parti. Ce qui fort malheureusement serait de nature à mettre en péril l'unité de la communauté. Ainsi voudrait-on diviser les musulmans pour mieux se moquer d’eux et mieux les régenter face à leur prétendue incapacité d'organisation ? Ne serait-ce pas ainsi jouer au pyromane et au sapeur pompier à la fois ?
Eu égard à ce qui précède il nous parait important de lancer un appel.
D’abord aux autorités.
Rappelons que nous sommes dans un Etat de droit. A cet égard elles doivent prendre leurs responsabilités afin que cesse cette usurpation de titre dont Moustapha Diady pourrait être l'auteur.
Nous voudrions interpeller également tous les parrains de M. Diaby à la raison.
Quant à M. Diaby il est souhaitable qu’il mette fin à ses manœuvres , faute de quoi il retrouvera l'ensemble de la communauté dressée contre lui.
Enfin à l’adresse des associations et de l'ensemble des musulmans, il est temps d’accélérer la restructuration et la redynamistion de l’islam en Côte d'Ivoire.
Un pas important a été franchi avec l’avènement salutaire du conseil supérieur des Imams. Mais, beaucoup restent encore à faire.■
Moussa Sangaré
* Des sources concordantes et dignes de foi indiquent que le sieur M. Diaby n'a jamais effectué d’études islamiques au Koweït, encore moins dans un quelconque pays arabe.
Fac-similé de la lettre d’information adressée par le CSI aux autorités administratives et politiques.
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PLUME POLITIQUE
EXCLUSIF
Dr LHARBI KECHAT :
“L'ISLAM NE FAIT AUCUNE DISTINCTION ENTRE LA FOI ET LA POLITIQUE”
L'Imam Lharbi KECHAT, Directeur du Centre Socio- Culturel de la Mosquée DAHWA de Paris a séjourné récemment dans notre pays. Docteur en Sociologie et en linguistique, il est l'animateur de l'émission télévisée “Connaître l'Islam” sur antenne 2 (2e chaîne française). Pendant son séjour le Dr KECHAT a animé une conférence le 1er Mai à l'hôtel du Golf, puis une autre. Le 3 Mai à la mosquée d'Aghien. “Plume Libre” l'a rencontré pour vous quelques heures avant son départ. C'était le jeudi 6 Mai à l'hôtel Sofitel, il était 18h.
Dr Lharbi Kechat : “L'Islam est une religion ouverte qui rejette toute idée raciste”
Plume Libre : Nous vous remercions d'avoir bien voulu nous recevoir. Assalam Aleïkoum. Il plairait à nos lecteurs de savoir comment se porte le monde musulman en France aujourd'hui.
Lharbi KECHAT : Wa aleïkoum salam. Ce qui manque à l’occident, c’est une connaissance juste de l’Islam. Je suis sûr que les occidentaux finiraient par l’accepter, car sans orgueil nous pouvons affirmer que face à la faillite de la civilisation moderne, l’Islam apporte un solution : insuffler à l’humanité un souffle vivifiant qui prépare en quelque sorte le terrain afin que chacun puisse vivre sa vie d’homme à la lumière de sa servitude voulue à Dieu.
P.L : Qu'est-ce que la communauté musulmane fait pour briser le mur qui existe entre la France et l'Islam?
L.K : Je pense que le problème vient des mass-média : l'image qu'elles présentent ne reflète pas la réalité. Dans ce contexte ambigu, les musulmans sont appelés à montrer l’Islam à travers leurs comportements quotidiens afin de permettre aux gens d’en avoir une idée claire. Certains musulmans sont citoyens français, nous invitons donc les autorités à respecter le principe de la démocratie c’est à dire de donner la possibilité aux différentes composantes de la société de s’exprimer dans un cadre tout à fait légitime.
P. L. : Kofi Yamgname, secrétaire d'Etat français aux Affaires Sociales et à l'Intégration, avait dit que s'ils veulent être acceptés par la France, les musulmans doivent s'assimiler. Comment votre communauté a-t-elle pris la chose ?
L. K. : Si l’Autorité française désire sincèrement créer une ambiance de cohésion sociale, elle n’a qu’à réunir les conditions permettant aux musulmans de vivre leur Islam en tant que foi et mode de vie.
P.L. : Certaines personnes pensent que les musulmans veulent phagocyter la société française au lieu de la prendre en compte dans leurs actes, n'est-ce pas là l'origine de la peur ou de la phobie des français ?
L.K. : Ce que je peux dire c’est que les musulmans ne remettent pas en cause les exploits de la civilisation moderne, ils se proposent plutôt d’apporter une réponse aux problèmes engendrés par la civilisation occidentale. Car l’occident qui a réalisé beaucoup de choses dans le domaine de la technique et de la technologie n’arrive plus à proposer un projet de société. Il y’a des blocages et il faut que les musulmans puissent s'exprimer en tant que citoyens. Car nous ne sommes pas des concurrents. Ce que nous souhaitons voir, c'est la réalisation d'une société humaine à visage humain. D'autre part, notre communauté en France est encore embryonnaire et elle rencontre deux types de problèmes. Le premier type nous incombe: il exige qu’on s’élève au niveau de l'Islam afin de dépasser les futilités. Le second concerne l’Occident qui doit cesser de monologuer pour déclencher le dialogue, c’est-à-dire accepter l’autre en tant qu’interlocuteur possédant un savoir, une façon à lui de voir les choses.
P.L. : L'Islam peut poser les jalons de ce dialogue...
L.K. : L’Islam n’a rien à se reprocher à ce sujet, c’est une religion ouverte qui rejette toute idée raciste. L’Islam est une culture en ce sens qu'elle détermine les rapports entre l'homme en tant que serviteur de Dieu et la nature, l'environnement, et entre l’homme et ses semblables, c’est la parole divine qui guide les pas de l'humanité. Dès qu’un être humain embrasse de son propre chef l’Islam, il s'intègre automatiquement dans l’ensemble de la communauté. L’Islam lutte contre l'individualisme sauvage, conséquence diabolique d’une culture stérilisante, la culture Occidentale, qui a arraché l’homme à son terreau naturel. Le monde d'aujourd’hui vit l’effondrement de toutes les illusions. L’Occident est arrivé à l'impasse. L’Islam se propose de guider les humains vers une finalité heureuse pour nous tous.
P.L. : Beaucoup d'événements se sont produits ces derniers temps en Algérie, par exemple, l'arrestation des têtes pensantes du FIS. Quelle est votre opinion sur la question ?
L.K. : D'abord la violence ne résoud aucun problème. Elle ne fait qu’augmenter les difficultés. Et l’appel que nous adressons fraternellement et humainement à ceux qui détiennent le pouvoir en Algérie, c’est celui du respect total du processus démocratique. Le peuple a choisi, il faut respecter le choix du peuple. Le FIS se propose pour résoudre la crise qui frappe l'Algérie. Il faut lui donner un délai, un délai légitime afin qu’il puisse réaliser son projet. Et le peuple algérien aura la possibilité et le devoir de le juger comme n’importe quel autre parti, non selon ce qu’il aura dit mais sur ce qu'il aura fait.
P.L. : Le FIS pose la question "Islam et politique..."
L. K. : L’Islam ne fait aucune distinction entre la foi et la politique. L'Islam est un tout : une foi qui siège dans le cœur et une loi qui réglemente les rapports sociaux. Pourquoi ceux qui détiennent le pouvoir en Occident comme dans le tiers-monde ont-ils peur de s’ouvrir à l’Islam ou de l’observer en tant que proposition de solution aux problèmes de l’humanité ?
P. L. : La presse française et celles qui lui servent d'écho ont tendance à montrer Abassi Madani et le FIS comme des “intégristes”. Qu'en pensez-vous ?
L. K. : D’abord, la notion d’intégrisme n’est pas islamique, c’est un pur produit de la culture occidentale. La presse occidentale par ignorance ou par mauvaise foi ne voit que le modèle de l’expérience occidentale. Il est temps qu’elle jette un regard hors de sa sphère politico-culturelle.
P. L. : Après l'effondrement du communisme, on a l'impression qu'il y a maintenant le monde capitaliste et le monde musulman face à face.
Dans quel sens évolueront, selon vous, les rapports entre ces deux mondes ?
L. K. : Les gens se trompent quand ils pensent que c’est le communisme seulement qui s’est effondré. Non ! il faut se rappeler que le communisme était une proposition faite aux lendemains des premières atrocités commises par le capitalisme. Malheureusement en Occident on croit que l’effondrement du communisme est la preuve de la réussite du capitalisme. Ce qui se passe ces derniers temps aux Etats-Unis (colère des noirs de Los-Angelès, NDLR) est la preuve éclatante de l’échec du capitalisme en tant que projet de société. Comment comprendre qu'une force qui domine le monde entier avec son armement, soit incapable de faire coexister ses propres citoyens ? C’est scandaleux de voir le spectacle quotidien qui consiste à traiter le
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PLUME POLITIQUE
noir parce qu'il est noir comme un être inférieur. Je suis content malgré tout, parce qu'il faut que le système descende jusqu'à l'abîme pour qu'il y ait un nouvel ordre mondial basé non sur la force, mais sur la culture qui permet à l'homme un épanouissement spirituel et plus de solidarité.
P. L. : Comment s'organiser pour faire face à l'ordre actuel qui semble dirigé contre le monde musulman qu'on cherche à soumettre à tout prix ? On a vu ce qui est arrivé à l'Irak, aujourd'hui c'est la Lybie...
L. K. : Les musulmans sont appelés à vivre concrètement la fraternité islamique non dans le but de dominer qui que ce soit, mais afin de se doter de moyens nous permettant d'exprimer notre attachement concret à l'Islam. Ensuite, nous soulignons que l'Islam s'oppose à toute agression. L'Islam ne légitime la force que dans le cadre de la légitime-défense.
P. L. : On parle beaucoup de guerre sainte ces temps-ci : Saddam Hussein, Khadafi...
L. K. : La guerre sainte est une notion étrangère à l'Islam.
Dans sa terminologie, l'Islam nous parle de la guerre qui est le mot "harb", et du "jihad". Le jihad est réduit en Occident à une seule dimension : le recours aux armes. Non ! le jihad sur le champ de bataille n'est qu'un aspect de l'effort que le musulman déploie afin de rester homme parmi les machines.
P. L. : Il arrive quand même que les musulmans prennent les armes. En Afghanistan par exemple.
L. K. : D'abord décrire les Afghans comme des terroristes est un grand mensonge. Ce ne sont pas les Afghans qui se sont déplacés pour aller envahir l'URSS, c'est plutôt elle qui a envahi l'Afghanistan pour imposer une idéologie. Dans toutes les Constitutions, le recours à la force pour se défendre est légitime. Interrogeons l'histoire pour découvrir que le monde musulman n'a fait que réagir face à des agressions : les Palestiniens sont obligés de se défendre et de défendre leurs biens et leurs terres, les Afghans ont heureusement cimenté leur unité autour de l'Islam qui ainsi leur a garanti la victoire. Dans tous les cas, ce qu'il faut souligner, c'est que l'écart est effrayant entre l'Islam en tant que proposition et l'Islam dans sa pratique. L'Islam en tant que proposition est à l'abri de toute critique. Cependant, nous souhaitons voir nos frères musulmans à travers le monde s'élever au niveau de cet idéal islamique qui n'est que bienfait pour l'humanité entière, sans distinction de race, de religion ou d'appartenance sociale.
P. L. : Les futures relations internationale semblent toujours conditionnées par les rapports entre le monde musulman et Israël. On ne comprend pas que le monde entier à travers l'ONU impose des sanctions à des pays musulmans pour des fautes moins graves que celles commises (impunément) par Israël.
L. K. : L'ONU n'est qu'un sigle sans importance, la guerre du Golfe nous l'a montré. Les rapports entre musulmans et non-musulmans ne seront normaux que quand l'humanité dans sa totalité s'engagera sur le chemin de la justice. Tous les mouvements qui secouent le monde n'expriment que l'aspiration des peuples à plus de justice et de liberté. Il faut avoir la foi et regarder l'être humain comme une créature sacrée. C'est à partir de cette idée-force que le monde musulman arrivera à rappeler le monde à l'ordre, parce que c'est un monde aveugle qui ne compte que sur la force physique ou la puissance matérielle. Les musulmans doivent rappeler à l'humanité qu'il y a une autre manière de vivre.
P. L. : Aujourd'hui, vu tout ce qui se passe notamment dans les pays musulmans, ne peut-on pas dire qu'il y a divorce entre les élites dirigeantes et le peuple ?
L. K. : Dans un Etat, les dirigeants ne peuvent continuer à diriger s'ils persistent à ignorer les aspirations de leurs peuples. On ne peut diriger un peuple contre sa façon de voir les choses, et les dirigeants en réalité ne sont que des gens au service de leurs peuples. Nous demandons à ces dirigeants de respecter la démocratie dont ils se réclament.
P. L. : Un homme d'Etat a dit que les Arabes ne sont d'accord que sur leur désaccord. Qu'en dites-vous ?
L. K. : Les Arabes ne valent rien du tout ! S'ils veulent récupérer leur place, ils n'ont qu'à revenir sincèrement et massivement à l'Islam. L'Islam, c'est la "Oumma", et cette "Oumma" est appelée à faire preuve de fraternité. Fraternité qui s'exprime par deux moyens : l'affinité spirituelle et la concrétisation de cette fraternité par la création d'un marché commun. Et le monde musulman foisonne de richesses. C'est à nous donc de tenir compte des enseignements islamiques qui nous interpellent, afin d'en profiter.
P. L. : Comment voyez-vous, de la France où vous vivez l'expansion de l'Islam en Afrique ?
L. K. : L'Islam ne fait que gagner du terrain quotidiennement, et cela, grâce aux réponses qu'il apporte aux aspirations des humains.
P. L. : De grandes manœuvres sont en cours : il a été dit par exemple que la construction de la basilique ici devait servir à freiner l'avancée de l'Islam en Afrique de l'Ouest. Quel sentiment éprouvez-vous à ce sujet ?
L. K. : L'Islam nous enseigne à respecter l'autre. Et nous demandons à nos amis de tenir compte des sentiments des musulmans. L'Islam ne se présente pas en tant que concurrent, il se présente en tant que solution concrète à des problèmes concrets. L'Islam ne voit pas d'inconvénient à dialoguer avec les autres traditions afin de libérer l'homme.
P.L. : De grands penseurs occidentaux tels Roger Garaudy et Vincent Monteil se sont penchés sur l'Islam. Pensez-vous qu'ils peuvent aider leur monde à mieux comprendre cette religion ?
L. K. : En tant que musulmans, nous aimons tous les êtres humains, par conséquent, dès qu'un être humain s'engage dans le droit chemin, cela nous réjouit. L'Islam n'a pas besoin des hommes, ce sont plutôt les êtres humains qui ont besoin de l'Islam, et le meilleur d'entre nous est celui qui se met au service de l'humanité en se laissant guider par les vérités islamiques.
P. L. : Un dernier mot ?
L. K. : Que Dieu nous accorde la faveur de conformer notre vie de chaque instant aux principes de l'Islam, et que Dieu fasse de nous des témoins véridiques. J'ai le cœur débordant de joie à discuter avec vous, parce que vous représentez la génération à venir qui assumera sa responsabilité de façon meilleure que notre génération. Que Dieu vous protège. Et transmettez mes salutations fraternelles à tous mes frères et sœurs lecteurs et lectrices de "Plume Libre" Assalam Aléïkoum ■
L'Imam Kechat entre nos collaborateurs K.S. et D.A.S.
Une interview réalisée par Dembélé Al Séni et Koné Seydou
La suite de l'article "Les religions et le rôle de la femme" paraîtra dans un prochain numéro Inch' Allah
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PLUME POLITIQUE
LOS ANGELES OU L’AMERIQUE A NU
Rappelez vous Panama : l’extraordinaire descente des “Marines” et l’arrestation d’un chef d’Etat présumé être à la tête d’un réseau mondial de production de la drogue. Rappelez-vous les envolées des B 52 Américains sur le désert Irakien recherchant la libération d’un de leurs “dominions” le Koweït Souvenez -vous même si cela relève simplement de l’imagination fictive, de la célèbre série cinématographique Rambo mettant en scène la puissance des Etats-unis et son esprit justicier. Jetez enfin un dernier regard sur l'actualité. La Lybie à demi asphyxiée par un embargo décidé par celui qui aujourd'hui se fait passer incontestablement pour le gendarme intercontinental. Peut-être interplanétaire demain ? Car si au bout de ces mutiples voyages de "columbia", "discovery" ou "challenger" l’on découvrait sur une de ces planètes lointaines quelques extra-terrestres réclamant désormais une autorisation expresse aux navettes spatiales foulant leur espace atmosphérique, l’on est en droit de croire en une intervention rapide des forces américaines pour ramener “l’ordre”.
Recherche obstinée de la sécurité et de l’équilibre mondial ou désir d'hégémonie ? Les faits qui se sont déroulés récemment à Los Angeles nous en donnent une réponse. En effet en mars 91, un automobiliste noir du nom de Rodney King est sauvagement battu par quatre policiers blancs. Ce qui aurait pu être un heureux hasard pour l’infortuné King ne l'a pas été. Malgré les preuves palpables révélées par la caméra d'un amateur qui se trouvait là par hasard, la justice américaine a décidé de la non culpabilité des policiers. On connaît la suite des évènements. Tollé général d’indignation à travers le monde. Sur place manifestation de colère des noirs qui se solde par des émeutes ayant fait près de 100 morts et des dégâts matériels de plusieurs centaines de millions de dollars. Les émeutes atteignent toutes les grandes villes des Etats-unis où les communautés noires sont très importantes (New-York, Atlanta, Seattle...) L'ampleur des dégâts provoqué par ces scènes de violence et de pillage indique qu’au delà de la décision de la justice américaine, il y a des causes plus profondes, plus objectives que les sentiments du moment. En réalité l'affaire King est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et dévoiler encore comme si besoin était le déséquilibre qui persiste dans la société américaine.
Voici plusieurs siècles que les premiers noirs ont mis pied sur le continent américain. Et jusqu'ici on n'a pu résoudre de manière durable le problème de leur intégration dans la société américaine. Reagan, Bush et autres se gonflent aujourd'hui la poitrine pour avoir réussi à libérer le Koweït en si peu de temps. Les américains s’enorgueillissent du déclin du communisme et se plaisent à dicter via les organismes financiers internationaux (Banque mondiale, FMI) le modèle capitaliste comme solution pour toutes les sociétés, pour tous les peuples. Ils tendent aujourd’hui à se positionner comme les garants du respect du droit international en d’autres termes de la justice entre les hommes. Mais en plusieurs siècles la grande Amérique n'a pu résoudre le profond déséquilibre qui existe en son sein. La société américaine au-de-là de l'image de société d’abondance qu'elle laisse paraître continue de traîner son flot de populations misérables, de laissés pour compte. la couche la plus touchée est constituée par la minorité noire. La situation de délabrement social dans laquelle baigne cette communauté ne s'explique pas par des difficultés économiques du pays. Les Etats-Unis financièrement dégagent suffisamment de ressources de par l’importance de l’activité économique pour satisfaire en tout cas tous les besoins internes. Si la majeure partie des noirs aux États-Unis aujourd'hui est exclue de la prospérité économique de ce pays, c’est parce qu'elle est l’objet d’un racisme indélébile de la part de la majorité blanche. Les caractéristiques de ce racisme sont diverses, allant de l’exclusion économique, jusqu’à l’habitat. Ses conséquences ? elles sont connues. Des millions de noirs vivent dans le dénuement le plus total. Les plus jeunes par désespoir tombent dans la drogue ou dans la prostitution.
Georges Bush et l'Amérique s'interrogent.
Dans ce pays pourtant immensément riche, on dénombre des affamés, des sans-abri... Cette contradiction est le symbole de l’égoïsme de ces hommes qui ont perdu toute notion d'humanisme, perdus dans les méandres de la recherche obstinée du matériel et de la puissance. Point est-il besoin encore de rappeler que les quelques miettes de dollars que l'Amérique distribue à ces pays pauvres sous la couverture de l'aide humanitaire ne sont en réalité qu’une simple manifestation de son désir de domination ?
Ou ne peut se taire le garant de la justice et de la morale quand on est soi-même un potentiel délinquant dont la liberté ne s’explique que par l'absence d'instruments de coercition efficace valables pour tous. Le capitalisme a réussi à libérer le Koweït en exterminant des milliers d'âmes innocentes en quelques jours. Il a découvert la Nivaquine et a créé les verres solaire pour le bien être de l'humanité. Bravo ! Mais en plus de 5 siècles durant, il n'a pu endiguer les sentiments de refus de l'autre , de l'égoïsme, de la xénophobie qui conduisent à la révolte, à la violence, à l'insécurité, à la guerre et finalement à la destruction des acquis.
Un pays, puisse-t-il drainer toutes les richesses de ce monde, continuera à être déséquilibré socialement et ne sera qu’une île de désespoir et d'injustice s’il n'érige pas en système les valeurs de solidarité, d’égalité et de fraternité, en somme les valeurs humaines. Los-Angelès n’est que le point de départ d'une remise en cause de ce système capitaliste basé sur un individualisme outrancier, et désirant régner en maître absolu sur cette terre des hommes, comme ce fut le cas pour le communisme dont les théoriciens obscurs avaient déclaré jadis la guerre à Dieu.
O toi Amérique,
Amérique des fiers guerriers du golfe,
repens toi (il est encore temps) car le glas sonnera bientôt de tes entrailles ■
Bouka Tchienfola
AFGHANISTAN : LE LONG CHEMIN DE LA VICTOIRE
INTRODUIT en 1965 sur le sol afghan, le communisme ne devient une réalité qu’avec le coup d'Etat du prince Daoud en 1973. A l’instar de toutes les idéologies conquérantes venues d'occident, sa première cible sera l’Islam et les valeurs islamiques. C’est ainsi que les organisations islamiques en formation dans le pays seront saccagées, ses militants persécutés ou exterminés. De ce sauve-qui-peut général sortiront deux mouvements islamistes décidés à en découdre avec le pouvoir communiste afin de conserver leur identité. Ce sont le Jamiat-i-islami du Pr Burhanuddin Rablani, repris plus tard par Ahmed Salah Massoud et le Hezb-i islam de Gulbuddin Hekmatyar. Nous sommes à l’aube de la résistance. Après une insurrection mal préparée et violemment réprimée, Massoud se retire avec ses troupes dans la région du Panshir tandis que Hekmatyar qui avait un noyau de résistants bien organisés se réfugie à Peshawar au Pakistan d'où il organisera ses troupes.
LE “DIEN BIEN FU” DES SOVIETIQUES
Les différentes factions du communisme afghan se torpillent depuis six ans sans succès quand le 17 Juillet 1973 le prince Daoud met fin à la royauté par un coup d'état. Le 28 Avril 1978 il sera lui-même renversé par Hafizullah et Mohamed Tarki. Cette tragédie du «Hommo Homni lupus» (1) se poursuit jusqu’à l'assassinat le 15 Septembre 1979 de Mohamed Tarki par Hafizullah.
Le parrain soviétique indigné par l’incapacité de ses valets décide de passer lui-même à l’acte. Et le 27 Décembre 1979, l’armée rouge débarque à Kaboul avec plus de 50.000 hommes choisis parmi l'élite de son armée et équipés de la plus haute technologie militaire. Même les gaz toxiques n’ont pas été écartés. Hekmatyar retiré au Pakistan ne prendra pas part directement aux combats contre les soviétiques. C'est donc le Panshir (Q.G du bouillant commandant Massoud) qui sera le théâtre de violents combats dont l’intensité et les moyens mis en œuvre ont dépassé par endroits certaines batailles de la deuxième guerre mondiale. Les soviétiques n'ont pas lésiné sur les moyens : quadrillage et blocus total des zones contrôlées par la résistance, bombardements aériens et terrestres, épandage de gaz toxiques, tentatives d'assassinat des leaders de la résistance, guerre de positions et de mouvement, guérillas urbaines et rurales, en somme toutes les stratégies ont été essayées sans grand succès, y compris les massacres de populations civiles. Comme en Algérie en 1962, la foi et la détermination des moudjahidines a eu raison de l’envahisseur soviétique. Usés par le temps, découragés par les nombreuses pertes
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INFOS - PLUME
• COTE D’IVOIRE
DABOU : Le GIRE à l’œuvre
Depuis 1988, les fonctionnaires musulmans de Dabou sont regroupés au sein d'une association dénommée GIRE (Groupe Islamique de Reflexion et d'Entraide) dont l’actuel président est M. Mallet Moussa, professeur d’histoire et géographie au Lycée moderne Leboutou. Le GIRE est un forum de rencontre entre intellectuels musulmans ou on réfléchit aux problèmes qui concernent la religion. Les activités tournent autour de l'organisation de causeries et de débats.
Il y a également été instauré une caisse de zakat dans le souci d'aider toutes les institutions musulmanes de la ville mais en premier chef les Imams dont les conditions de vie ne les laissent pas indifférents. Des actions concrètes ont déjà été réalisées au niveau de la mosquée et des medersas. A l'avenir le GIRE souhaite mettre les imams à l'abri du besoin. Il faut noter que l'association vit en parfaite symbiose avec les structures de l’AEEMCI auxquelles elle apporte des soutiens notables. Un exemple à suivre.
ABENGOUROU ENFIN UNI !
Le vendredi 1er Mai, les frères musulmans d'Abengourou ont "fumé le calumet de la paix" après une brouille qui a duré... seize ans!. L'action combinée d'une délégation venue d'Arabie Saoudite et des responsables politiques et administratifs de la région a permis d'aboutir à ce résultat heureux. Saluons donc la paix retrouvée à Abengourou, surtout que 16 ans de querelles, c’est vraiment trop pour des frères. Que Dieu bénisse cette réconciliation.
• ETAT-UNIS :
New-York a sa mosquée du ...
XXI ème siècle.
Certainement la ville américaine ayant la plus grande population de musulmans, New-York avec son million de fidèles vient d'avoir sa mosquée à la dimension de la ville. Située à l'angle de la 3è avenue et de la 96è rue dans l'est de Manhattan, la mosquée de New-York est un édifice dont les unités de base sont carrés ; l'assemblage constitue un vaste cube de trente mètres de haut surmonté de la demi-sphère du dôme. Le minaret est érigé légèrement en retrait du bâtiment principal. Capable d'accueillir environ 1 millier de fidèles, cette mosquée est l'oeuvre d'un ensemble de pays musulmans (notamment le Koweit). Il a fallu attendre près de vingt cinq ans pour que le projet aboutisse. Heureusement que Dieu nous a conseillé la patience!.
• IRAN
Rafsandjani demande de l'aide pour les USA
Après les émeutes du jeudi 30 Avril à Los Angeles, le président iranien Ali Akbar Hachemi Rafsandjani a demandé aux activistes des droits de l’homme, à la croix rouge et aux différentes organisations humanitaires (auxquelles on peut ajouter l'USAID) de laisser tomber les autres régions du monde et de se précipiter au secours des Etats-Unis. Il est en effet difficile et “injuste” de déployer toute cette générosité et tous ces efforts dans le monde et de laisser la misère et l'injustice régner au pays qui se veut le plus riche, le plus puissant et surtout le plus grand défenseur des droits de l’homme sur la planète.
• FRANCE
Où est le droit d'ingérence humanitaire ?
La France se veut le champion des libertés dans le monde. Se voulant également humaniste, elle a poussé l'ONU à adopter en 1988 une résolution qui préconise le droit et le devoir d'ingérence humanitaires. De ce nouveau droit, il a été beaucoup question dans le Kurdistan iranien et au Soudan. Ne me demandez pas si on en parle dans le Kurdistan turc et surtout si la France en a usé pour intervenir à Los-Angeles.
• ALGÉRIE
Kouchner et l’Algérie
Bernard Kouchner un des pères du droit d'ingérence humanitaire et ministre Français de la santé et de l’action humanitaire est au centre d’une "case" entre Alger et Paris. En effet, ayant émis le voeu de visiter les centres de déportation où sont détenus les islamistes algériens, Kouchner s'est heurté à la désapprobation des généraux d'Alger qui lui reprochent de s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Algérie. S'il ne parvient pas à faire cette visite alors que l’Algérie bénéficie du soutien total des occidentaux (notamment sur le plan financier), Kouchner devra chercher un cimetière pour y enterrer son droit d'ingérence humanitaire.
• AFGHANISTAN
l’assainissement commence.
Le 17 Mai, un homme a été fouetté en public et exhibé à travers les rues, après avoir fait des avances sexuelles à une femme en plein marché à Kaboul, la capitale. Dans le même temps, on détruisait un entrepôt de boissons alcoolisées quelque part dans la même ville.
Comme quoi, la charia entre déjà en application ■
Une sélection de DHL et KS
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(aussi bien humaines que matérielles), humiliés par un adversaire sous-estimé au départ, les soviets ont quitté Kaboul sur la pointe des pieds comme les Français l’ont fait en 1958 en Indochine.
DES OPPOSITIONS EST-OUEST, L’ISLAM EST SORTI VAINQUEUR
L’Afghanistan, de par sa position géographique représente un vaste ensemble géopolitique objet de nombreuses convoitises pendant la guerre froide. Les soviétiques entendaient conserver leur prépondérance dans la région tandis que les Américains eux voulaient, en plus du proche-Orient et des régions méditerranéennes, étendre beaucoup plus leur influence, en Asie centrale. Suite à ces calculs géostratégiques, Washington n'a pas hésité à se ranger aux côtés des rebelles afghans. C’était de bonne guerre car il fallait stopper la prolifération des foyers révolutionnaires, surtout qu'un des alliés sûrs de la région, le Shah d'Iran, venait de prendre la tangente sous les coups de boutoir de la révolution islamique. En cette période assez trouble de l'histoire de la région, Washington a vécu un dilemme dont l’équation était assez complexe. En effet il avait à choisir entre le "pire" et le "mal" : la révolution communiste et la révolution islamique. Le communisme étant à l’époque le danger le plus imminent, c’est lui qu'il choisit d'abord de combattre.
Moudjahidines Afghans. Après la victoire militaire, le plus dur commence.
Cette conjoncture politico-idéologique a largement profité aux moudjahidines (toutes tendances confondues). Le soutien direct (logistique et militaire) de Washington à travers Istambul au Hezb-i-islam de Hekmatyar fut décisif dans la chute de Kaboul, une fois les soviétiques entrés chez eux. Le conflit Afghan qui a mis face-à-face les puissances de l’Est et de l’Ouest a vu la victoire finale de l’Islam.
QUEL AVENIR POUR L'AFGHANISTAN ?
Convaincus que la foi peut déplacer les montagnes, les moudjahidines sont rentrés à Kaboul. Comme on pouvait s’y attendre, cette victoire les a "métamorphosés" aux yeux de leurs anciens alliés car on ne les appelle plus moudjahiddines mais "fondamentalistes". Cette subite mutation nominale provient du fait que les alliés d’hier s’inquiètent du trop grand rapprochement entre les combattants Afghans et l'Iran. L’idée d’une République islamique d'Afghanistan, voilà ce qui crée la psychose. C’est pourquoi Washington n'a pas hésité à appeler à la modération les différentes factions Afghanes quelques heures seulement après la fuite de Najibullah. Ce cri d’alarme de Washington ressemble beaucoup plus à un cri de détresse qu'à un cri de ralliement. L'opposition Massoud-Hekmatyar qui a mis Kaboul à feu et à sang pendant quelques jours n’est pas sans trace des américains, même si les deux hommes n’ont jamais cessé de se tirer les cheveux.
Le cessez-le feu instauré depuis le 5 mai dernier est jusqu’à présent suivi par les différentes parties. L'établissement de nouveaux textes régissant la vie sociale (port de Hijab, interdiction de l'alcool etc) prouvent que la paix n’est pas impossible en Afghanistan comme l’ont laissé entendre de nombreux observateurs. Seulement voilà. Les forces laïcisantes et anti-islamiques ne baisseront pas les bras. Des obstacles pourraient surgir à tout moment ■
DHL
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PLUME RELIGIEUSE
TABASKI : LE SENS D’UNE FETE
Le prix du mouton va-t-il cette année connaître les flambées des années précédentes ?
DANS quelques jours les musulmans du monde entier célébreront leur deuxième et dernière grande fête annuelle l’Aïd Idh’ha (ou Aïd El Kebir). Si la première, l’Aïd El Fitr marque la fin du jeûne du mois de Ramadan, celle-là quant à elle marque la fin du hadj.
C’est en effet en l’an 1 de l’hégire, alors que le Prophète Mohamed (Paix et Salut de Dieu sur Lui) se trouvait à Médine, qu’il se rendit compte de l’existence de deux jours de fêtes célébrés chaque année chez les Médinois. Il leur apporta la nouvelle comme quoi Dieu leur a prescrit de meilleurs en échange : L’Aïd El Fitr et l’Aïd Idh’ha. Il s’avéra alors un devoir pour tous les médinois devenus musulmans (de même que pour tous les adeptes de l’Islam) d’opter pour les ordres de Dieu au détriment de leurs coutumes traditionnelles. C’est à dire que dans l’Islam, le Seigneur des mondes a prévu pour ses esclaves soumis des jours de réjouissances dans l’année où il est permis de faire profusion de boisson et de manger et de se livrer à des plaisirs licites tout en restant dans les limites sacrées des lois divines. Boukhari nous rapporte un hadith du prophète Mohamed (PSDL), libellé comme suit :
- Abou Bakr avait grondé deux servantes qui chantaient chez Aïcha à l’occasion de l’Aïd, en présence du Prophète Mohamed (PSDL) qui lui dit : «Abou Bakr ! Chaque Nation a ses fêtes aujourd’hui c’est la nôtre !»
De ce hadith, nous déduisons qu’il ne doit compter pour le musulman aucune fête (dite laïque ou d’une autre confession religieuse) autre que celles que lui ont autorisé Allah le Très-Haut. Car le respect de la fête islamique traduit de notre volonté d’obéir à Dieu.
Notons que les prières officiées au cours des deux Aïds sont recommandées et ont la valeur de prières obligatoires. Dieu a prescrit ces prières en disant :
- Nous t’avons accordé le fleuve Kaouthar
Prie ton Seigneur et sacrifie ! (Coran ; sourate 108 - V1 et 2)
Si pendant l’Aïd El Fitr c’est la Zakat El Fitr qui est imposée en aumône aux musulmans ; le jour de l’Aïd Idh’ha c’est l’immolation d’un bélier qui incombe à tous les pèlerins et aux autres musulmans (ayant les moyens de l’accomplir). Cette immolation est en faite une continuité de celle qu’avait accomplie Abraham (Paix de Dieu sur Lui) en signe d’obéissance au commandement d’Allah. Le glorieux Coran nous révèle qu’Abraham n’ayant pas d’enfant invoqua Dieu de lui en donner un qui soit parmi les gens de bien. Son vœu fut exaucé et il eut Ismaël (PDL). A l’adolescence de ce dernier, Dieu lui révéla en songe de sacrifier son fils. Abraham (PDL) père du monothéisme, reconnu pour son attachement sincère à Dieu obéit. Il informa son fils de sa vision et celui-ci répondit :
«Ô mon cher père, fait ce qui t’est commandé : tu me trouveras si Dieu veut, du nombre des endurants.» (Coran ; Sourate 37- V102)
Et quand Abraham (PDL) mit son fils front à terre et s’apprêta à l’immoler Dieu
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LA TABASKI ET LES ATTITUDES A OBSERVER
Le jour de l’Aïd, le Prophète Mohamad (Que la Paix et le Salut de Dieu soit sur Lui) nous a ordonné de nous parer de nos meilleurs habits, de nous parfumer des meilleures substances odorantes qu’on possède et de sacrifier la meilleur bête qu’on peut acquérir. Glorifier Dieu la veille de l’Aïd, le jour du sacrifice et les trois jours qui suivent, appelés «jours de Tachrik» (jours pendant lesquels le jeûne est prohibé). Réciter à cet effet ces louanges :
- Allahou Akbar- Allahou Akbar
- Lâ îllaha illa-lah.
- Allahou Akbar- Allahou Akbar
- Wa lil lah- hil hamdou.
Cette récitation est particulièrement recommandée dès qu’on quitte sa maison pour se rendre à la prière et après chaque prière obligatoire des jours de «Tachrik».
La prière de l’Aïd, sauf cas d’intempéries où on l’accomplit à la mosquée, se fait en plein air. Lorsque le soleil se lève de quelques mètres dans le ciel, l’Imam préside à la prière sans appel, ni annonce. Il fait deux rak’as.
Il débute la première en prononçant sept fois «Allahou Akbar». (y compris celle de l’entrée en prière) ce que les fidèles répètent derrière lui. Après, l’Imam récite à haute voix la Fathia et la Surate 87- Le Très-Haut (ou autre).
La deuxième rak’a, il la commence en disant six fois «Allahou Akbar» (y compris celle qu’il dit en se relevant). Il récite toujours à haute voix , la Fathia et la Surate 88 - l’Epreuve Universelle (ou la Surate 91- le soleil, ou une autre). Rappelons que cette prière n’est ni précédée ni suivie d’une prière de surcroît. Après la prière l’Imam se lève pour prononcer le sermon qu’il interrompt par une pause légère. Au début du sermon il commence par adresser des louanges et des remerciements à Dieu. Puis il exhorte l’audience à accomplir le sacrifice, le renseigne sur l’âge des bêtes à sacrifier et leurs qualités requises.
Le sermon terminé, le fidèles rentre chez eux en changeant de chemin de retour, conformément aux pratiques du Prophète Mohamed ( PSL). Et selon ces mêmes pratiques, il est souhaitable le jour de l’Aïd Id’ha de ne manger qu’on retour de la mosquée après la prière.
Diallo M. Yaya
PERIPETIES EN PERSPECTIVE
ET revoilà la Tabaski, avec son cortège de joie, de réjouissance... et de difficultés. Cette année l’Aïd el Kebir, intervient sur fond de crise économique aiguë, et dans un contexte socio-politique, particulièrement difficile. Sans aucun triomphalisme, on peut affirmer qu’une large majorité des Ivoiriens ont fait sienne cette fête du mouton. Mais seulement voilà : tous les fidèles musulmans sont effrayés par les soudaines flambées du prix de ces bêtes à l’approche de la Tabaski.
Pour les commerçants, cette situation est due à la rareté des bêtes (la demande étant très forte à l’approche de cette fête), aux nombreuses taxes auxquelles ils doivent faire face et au coût élevé du transport.
Du côté des pouvoirs publics, chaque année est l’occasion d’annonces sur les dispositions prises pour faciliter la tâche des opérateurs économiques de ce secteur. Mais, il convient de noter que la réalité sur terrain est tout autre.
L’action de certains commerçants véreux qui créent des pénuries volontaires sur les marchés n’est pas faite pour améliorer les choses. Malgré tout, il faudra pour la plupart des fidèles se plier en quatre pour s’offrir la bête du sacrifice.
De toute évidence, avec l’acquisition de mouton, les chefs de famille ne sont pas au bout de leurs peines. Il faudra en effet satisfaire les demandes en habits, chaussures et autres parures, surtout pour les plus petits. Ici aussi, les articles deviennent intouchables. Chacun des commerçants veut se faire le meilleur chiffre d’affaire pour cette fête considérée comme la meilleure traite de l’année.
Cette autre exigence satisfaite, il faudra se munir de pièces d’argent et parfois de quelques billets pour répondre au vœux des enfants qui sillonneront à longueur de journée (et même quelques jours après) les rues et les différentes concessions.
Somme toute, ces différentes sollicitations, malgré la sueur qu’elles font couler permettent au fidèle de communier davantage avec sa famille et avec tous.
Par ces temps de morosité générale, chaque aurore de Tabaski est une chance et ... ça se fête.
Bonne fête de Tabaski à tous ■
Doumbia Nouho
PLUME LIBRE / Juin 1992 / Page 10
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LITTERATURE ET SCIENCES
UNE MALADIE DU SANG PEU CONNUE : L'HÉMOGLOBINOPATHIE HOPE
Une Thèse pour Allah
Lundi 10 mai 1992. 18 h 20. Amphithéâtre N°3 de la faculté de Médecine. L'événement : la soutenance de thèse de doctorat d'Etat en médecine du frère Touré Abou, ancien président du Comité Exécutif de l'AEEMCI (de 1987 à 1989).
L'exposé proposé à l'auditoire composé de sommités de la communauté musulmane, de parents, d'amis et d'étudiants était axé autour du profil épidémiologique et hématologique de l'hémoglobine hope en Afrique Occidentale.
Le jury constitué d'éminents universitaires dont les Prs. Kétékou président du jury, Fadiga Dougoutigui, Timité et Amadou Sangaré, Directeur de thèse, s'est félicité de l'excellent travail produit par Touré Abou, avant de lui décerner le titre de Docteur d'Etat avec la mention très honorable, et de l'autoriser à échanger sa thèse avec d'autres universités et à concourir pour le prix de thèse.
L'hémoglobine hope est spécifique à l'Afrique Occidentale. C'est une anomalie héréditaire à transmission attosomale. De façon unanime les jurés ont relevé trois intérêts à ce travail. L'intérêt clinique, hématologique et anthropologique.
Notons que 90% de l'auditoire était musulman, ce qui fait que l'esplanade a été aménagé pour la circonstance en lieu de prière, l'heure de la soutenance coïncidant avec l'heure du "magrib".
Touré Abou dédie son travail à Allah Soubhana Watahala. Il le citera plusieurs fois d'ailleurs. Le caractère orthodoxe du cocktail, a été le témoignage d'une foi inébranlable au Créateur. Par sa présence, la communauté musulmane a tenu à soutenir ce frère qui a toujours vécu et magnifié l'Islam autour de lui, afin que Dieu le guide et le bénisse dans l'exercice de sa profession
A cœur ouvert avec le Dr Touré Abou
A la suite de sa brillante soutenance de thèse, le (nouveau) Docteur s'est livré à nous. Entretien.
Plume Libre : Dr Touré Abou, Assalam alaikou waramatoulilahi wabarakatou.
Touré Abou : Wa aléikoum salam warahamatoulahi
P.L. : Au terme de votre thèse, quelles sont vos premières impressions ?
T.A. : Alhamdou lilahi Rabil alamine. Je pense que cette thèse comme vous avez eu à le constater, je l'ai dédié à un nom prestigieux, c'est le nom de notre Créateur Allah Soubhana Watahala. En ce sens que quelle que soit l'intelligence et quels que soient les niveaux de connaisance que l'on ait atteint, on ne peut rien faire sans la permission de Dieu. Donc ma première impression, est une impression de satisfaction, mais pas d'autosatisfaction excessive, parce qu'il faut dire que je remercie la communauté musulmane qui m'a surtout aidée.
P.L. : Sur quoi vos recherches ont-elles porté ?
T.A. : La thèse portait sur une anomalie, qui est une anomalie du sang. C'est une anomalie rare qu'on appelle l'hémoglobine Hope, et comme vous avez constaté c'est une anomalie que beaucoup de gens ne connaissent pas, mêmes certains de nos professeurs parce qu'elle n'est pas facile à déceler. Et en plus c'est une anomalie qui est localisée, dans la tranche des individus qui sont situés dans l'Afrique de l'Ouest, notamment chez les Saracolés du Mali, les Soso du Sénégal, donc en fait c'est une maladie du Manding que nous venons d'étudier.
P.L.: Pouvez-vous indiquer les spécificités de l'hémoglobine Hope ?
T.A.: Avant de spécifier l'hémoglobine Hope, je crois qu'il faut qu'on fasse un petit rappel sur l'hépoglobine en général. L'hémoglobine, c'est l'élément qui transporte l'oxygène et les gaz carboniques, à partir des poumons jusqu'au cellules. Il y a les hémoglobines normales en l'occurrence l'hémoglobine A, il y a aussi les hémoglobines dites anormales, ce sont les hémoglobines S, qui constituent la majeure partie de la drépanocytose.
L'hémoglobine Hope est une hémoglobine anormale qui est très rare et dont la spécificité est que nous avons un changement d'un acide aminé sur la chaîne bêta, qui sont des considérations un peu techniques. Mais retenez grosso-modo, que c'est une hémoglobine qui est rare du fait qu'elle n'est pas comme les autres que nous rencontrons fréquemment.
P.L.: comment peut-on reconnaître l'hémoglobinopathie chez quelqu'un ?
T.A.: Les symptômes les plus connus chez nous ce sont les hémoglobinopathies à base d'hémoglobines S, qu'on appelle en général la drépanocytose et qui se manifestent en général chez l'enfant par des douleurs abdominales et des douleurs au niveau des articulations. Chez l'adulte surtout par des douleurs articulaires. La drépanocytose est beaucoup fréquente dans les populations sahéliennes.
P.L.: La maladie provoquée par la présence de l'hémoglobine Hope se guérit-elle ?
T.A. : C'est une anomalie génétique, toute maladie génétique à transmission héréditaire en général ne guérit pas. La chance avec l'hémoglobine Hope, c'est que la manifestation n'est pas alarmante : quelqu'un peut l'avoir jusqu'à une certaine période sans s'en rendre compte, ce n'est pas le cas de certaines formes d'hémoglobinopathie, telles que les SS. Dans le temps on disait que "si tu es drépanocytaire est-ce que tu peux vivre au-delà de 30 ans ?" C'étaient des notions anciennes qui sont maintenant dépassées. Les maladies du sang, de l'hémoglobine, sont très importantes notamment sur le plan du travail etc...
P. L.: Comment se fait la prise en charge du malade ?
T.A.: L'encadrement consiste essentiellement à suivre le malade, à constater les nouveaux signes pathologiques qu'il présente puisque jusque là nous ne savons pas quel est le mécanisme qui entraîne cette anomalie. Nous le traitons en fonction des signes qu'il présente, avec le temps, lorsqu'on va cerner plus la maladie, il nous sera facile de traiter l'anomalie spécifiquement.
P.L.: Qu'est-ce que vous avez apporté à la médecine ?
T.A. : C'est un travail scientifique, et comme tout travail scientifique, il a une portée d'information, surtout de prise de conscience. Et comme c'est une maladie, l'avantage sera que certaines personnes qui sentent des symptômes qui ont des rapports avec cette maladie pourront se faire voir par un médecin afin de voir s'ils sont porteurs de l'hémoblobinopathie Hope.
Le Dr Touré Abou prêtant serment.
P.L. : Est-ce qu'il y a des difficultés particulières que vous avez rencontré au cours de vos recherches ?
T.A.: Des difficultés, oui ! Il faut dire que c'est une anomalie qui est rare, en moyenne nous avons rencontré deux cas par an, l'étude s'est portée sur 11 ans et en 11 ans, on a rencontré seulement 31 cas. Donc si vous faites le calcul, vous trouvez deux à trois cas par an, ce qui est quand même très difficile pour une étude de ce genre.
P.L : Vous avez un appel à lancer en direction des autorités au sujet du résultat de vos travaux ?
T.A : Mon souhait, c'est qu'il y ait une certaine prise de conscience en ce qui concerne les maladies de l'hémoglobine, en ce sens qu'elles sont très mal connues par le grand public et comme l'a si bien dit mon patron, le professeur sangaré, il y a environ 12 % de la population Ivoirienne, qui portent une maladie du sang, en l'occurence l'hémoglobinopathie. Donc c'est un maladie qui doit être maintenant connue de tout le monde.
P.L : Comment avez-vous accueilli le soutien des frères musulmans ?
T.A : Alhamdou lilahi, il faut dire que c'est là, un élément très important, et comme vous l'avez constaté tous, mes maîtres ont eu à le constater. Ma plus grande préoccupation, sans toutefois faire preuve d'un certain égocentrisme, je pense que j'ai beaucoup travaillé dans le cadre de l'Islam. Et je pense que je suis sur la bonne voie, ou que des gens pensent. C'est ce soutien que j'attendais.
P. L : Vu les commentaires de vos professeurs, vous êtes un fervent musulman, conscient de ses responsabilités et de ses devoirs. Comment conciliez-vous le travail et la religion ?
T.A : Je remercie Dieu de m'avoir permis d'avoir cette éducation de base, qui m'a permis très tôt de penser à l'Islam, de m'y consacrer. Mais comme Dieu le dit, la Science qu'il donne aux hommes, c'est pour leur permettre de mieux l'adorer. S'il y a un domaine, où on doit plus craindre Dieu, c'est la médecine, puisque ouvrir le ventre de quelqu'un, voir ce qui s'y trouve, c'est déjà un grand pas qui peut contribuer à raffermir la foi de quelqu'un.
J'ai fait mes débuts à l'AEEMCI depuis le collège, puis ce fut le Lycée et l'université. Cela veut dire que je me suis arrangé pour donner un peu de mon temps à l'Islam, ce qui m'a permis de concilier les deux. Je pense que c'est un problème d'organisation individuelle.
P.L : Parmi vos projets, nous avons pu relever, que vous voulez regrouper les médecins musulmans.
T.A : C'est un projet qui nous préoccupe depuis très longtemps, car nous sommes un communauté et vous constatez nous n'avons aucune organisation pratique ou structurelle qui puisse permettre de mieux cerner les problèmes des malades, notamment de nos parents musulmans. Notre souhait est d'essayer de voir comment les médecins musulmans peuvent participer à la Dahwa, à l'épanouissement de l'Islam. En somme apporter des actions sociales, parce que, notre grand problème, c'est que nous n'avons pas d'action sociales, ce qui est dommage, parce que toute action sociale peut porter au-delà de ce que l'on prévoit, ce qui est toujours salutaire
P.L : Avez-vous des conseils à donner à vos cadets, qui aimeraient suivre le même cursus que vous ?
T.A : C'est une question très importante, il faut dire que notre communauté à besoin de médecin et qu'aujourd'hui nous sommes à une phase importante de l'évolution de notre pays. L'Islam est sur le point de changer d'habit, nous pensons que les différents secteurs doivent être fournis, tel que le secteur de la médecine qui n'est pas négligeable.
P.L : Le mot de la fin, Docteur.
T.A : D'abord je remercie "Plume Libre", de m'avoir accordé cette interview. Je prie Dieu qu'il accorde à beaucoup de musulmans, la chance que j'ai eu, que se soit dans le domaine médical, scientifique ou littéraire, afin que la communauté musulmane Ivoirienne soit une communauté forte, mais surtout intellectuelle qui puissent dépasser certains petits problèmes, qui l'ont longtemps divisée.
Ainsi-soit-Il
(Une interview réalisée par Doumbia Nouho et Diallo M. Yaya)
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SPORT & DETENTE
FOOTBALL
8èmes de finale Aller des coupes Africaines :
L'ASEC et l'AFRICA marchent... sur l'Afrique
LE dimanche 17 Mai, l'AFRICA et l'ASEC en faisaient voir de toutes les couleurs à leurs malheureux adversaires.
En déplacement à Conakry (Guinée), l'ASEC dispensait un cours de football, expliquant sous tous les angles le "système Troussier" aux élèves du Horoya Athlétic Club médusés : deux buts à un (2-1). Bédé James avait "parlé" pour l'ASEC aux 8è et 54 è mn avant de laisser Joe Gallé Camara sauver l'honneur à la 76è mn, permettant ainsi aux 40.000 spectateurs du Stade du 28 Septembre de regagner leur domicile la tête haute. Mais laissons les "parents" guinéens réviser leurs leçons et revenons chez nous au festival de Rio, pardon, au festival "Oyé".
Dans un stade Houphouët-Boigny des grands jours, l'Africa a étrillé au propre comme au figuré la courageuse formation de Bel-Abbes : Cinq buts à un (5-1). Les algériens, menés par un vieux de la vieille, Lakhdar Belloumi, n'ont pourtant eu que le temps de souffler à la 39è mn grâce à Merabet Mekki. Ils furent littéralement assommés par les coups de bec de Hoba Guy (17è mn) Gabriel Okolossi (22è et 56è mn) et Thompson Oliha (86è mn), à tel point que Berrahma Sid Ahmed se trompa de filets à la 48è mn.
En attendant leurs amis du Sporting Club de Gangoa, on constate avec plaisir que nos garçons semblent cette fois-ci décidés à inscrire leurs noms sur les socles des trophées continentaux. A croire que Dakar 92 a fait tomber tous les mythes : le Stade d'Abidjan risque très bientôt de cesser de se targuer d'être la seule équipe à avoir remporté une coupe d'Afrique des Clubs. Que Dieu bénisse donc nos représentants ■
Koné Seydou
Le football ivoirien depuis "Sénégal 92" a le vent en poupe.
ERRATUM
Dans l'article "Tae Kwondo, la fédération devant les tribunaux ?" paru dans nos derniers numéros, il fallait lire "... a décidé de les poursuivre en justice par l'intermédiare de son Avocat du cabinet Me Diallo Mariam".
Toutes nos excuses au cabinet de Me Roger Mariani
Suite de la Page 10
lui envoya aussitôt l'Ange Gabriel avec un bélier à sacrifier en lieu et place d'Ismaël (PDL). Signalons que pour en arriver là Abraham (PDL) n'eut pas la tâche facile, eu égard aux multiples tentatives de satan de le faire dévier de la voie de son Seigneur.
Le courage et le zèle consentis par Abraham (PDL) démontre ce que peut valoir en pratique le commandement du Dieu Créateur face auquel (commandement) rien d'autre ici bas - même ce qu'on a de plus cher : tel son fils Ismaël - n'a d'importance. C'est cet événement mémorable rappelant la soumission réelle et sincère d'Abraham (PDL) à Dieu, que le musulman revivifie en immolant le bélier, le jour de l'Aïd Idh'ha.
En vérité si nous sommes doués de raison, ce souvenir devrait faire renaître notre ardeur de pieu musulman, acquise pendant le mois sacré du Ramadan et mieux encore renchérir notre foi en Allah.
Car en Abraham (PDL) et en son fils Ismaël (PDL) prêt à se donner en sacrifice pour obéir à Dieu et à son père, il y a vraiment des signes pour ceux qui attestent de l'unicité de Dieu.
Donc en cette fête de tabaski réside pour tous musulmans digne de ce nom, une occasion de méditation pour comprendre le sens pratique de la foi et de l'amour de Dieu. Espérons qu'avec tout l'intérêt spirituel que comporte le souvenir de l'acte d'Abraham (PDL), la foi de tous les musulmans se raffermira d'avantage et leur soumission à Dieu deviendra plus sincère.
Enfin, n'oublions pas, selon un hadith du prophète Mohamed (PSL) que nous rapporte Ahmed, d'exprimer à l'endroit de nos frères que nous rencontrerons à l'occasion de l'Aïd, ce vœu : «Que Dieu exauce ma prière et la vôtre.» ■
Diallo M. Yaya
A lire dans le journal "ATTAIB" de ce mois de Juin "Islam et Laïcité" (par feu le Dr Youssouf Fofana) et "Qui perturbe les prières du vendredi"
Par KONE SEYDOU
LE MOT CACHE N°2 :
On l'egrenne pour faire des Zikr ou pour désigner une succession d'éléments.
Absoudre-Amies-Armer-Base-Battre-Boisson-Bord-But-Cibles-Combat-Confrontations-Convertir-Dieu-Ester-Femmes-Gangrène-Gnamacoudji-Guam-Gueu-Issues-Merci-Muscle-Musulman-Nerf-Nord-Organiser-Ornière-Polites-Pistes-Pois-Pose-Puissance-Puits-Raide-Ronge-Rose-Semer-Simone-Soirées-Sonde-Sow-Succession-Suif-Tabaski-Talus-Tatamis-Tentation-Trop-Unir-Vase-Vénin-Véto-Yen.
MOTS CROISÉS N° 3
HORIZONTALEMENT
I- Etendue salée- De Judée II- Jaloux- S'est esclaffé III- Unité de mesure- Actes d'adoration- IV- Ville sainte Iranienne- Seul- V- Sueur froide-Chef religieux- VI- Dans une idée- A Lui nul associé- VII- Mille-pattes - Cadeau- VIII- Se raconte la nuit près du feu au village-A lui- IX-Trimestre anglais-Sur la tête de Jésus- X- Début-Fortiche-Infinitif.
VERTICALEMENT
1- Capitale de l'Islam- 2- De nouveau- Drôle de ton- 3- Prénom, phon. Le Prophète (SAW) y repose- 4- Entre 4 et 3 - Sur un support- 5- Israël voulait en faire sa capitale- 6- Lettre de nauplius - Article- 7- Dans les deux- Lui- Situé- 8- Achève le mois de carême- 9- Epoque- Interjection, accord Dioula- Rigolé- 10- Dans le calendrier Juif - Couleur locale.
SOLUTION DES JEUX PRÉCÉDENTS
Le mot caché n°1 : Aumone
Mots croisés n°2 :
HORIZONTALEMENT: I- Coran-Abri- II-Or-Romse III-Vases-Os IV-Miep-Dieu V-Iarli-Islam VI- Sain-Use VII-Uret- etc VIII-Tai-Vite IX- It-Parodie X-Fatiha-Ers.
VERTICALEMENT: 1- comminutif -2- Or- Ia-Rata 3-Verset 4-Araphat-Pi 5-Nos-Bah 6- Medine-Ra 7-Assis-Tvo 8-Be-Elucide 9-Ouas-Tir 10-Ici-Menées
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