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Algérie : le FIS à la croisée des chemins
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- Titre
- Algérie : le FIS à la croisée des chemins
- Créateur
- Christophe Comi Djabaku
- Editeur
- Togo-Presse
- Date
- 4 mars 1992
- Résumé
- Si toutes les conditions sont remplies, la Chambre administrative du Tribunal d’Alger doit pouvoir se prononcer aujourd’hui sur la requête de dissolution du Front Islamique du Salut (FIS) introduite par le ministère algérien de l’Intérieur le 9 février dernier, date de la promulgation de l’état d’urgence en Algérie.
- Page(s)
- 7
- nombre de pages
- 1
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0006104
- contenu
-
Si toutes les conditions sont remplies, la Chambre administrative du Tribunal d’Alger doit pouvoir se prononcer aujourd’hui sur la requête de dissolution du Front Islamique du Salut (FIS) introduite par le ministère algérien de l’Intérieur le 9 février dernier, date de la promulgation de l’état d’urgence en Algérie.
Pourquoi dissoudre le FIS, un parti politique légalement constitué sur la base de la loi du 5 juillet 1989 autorisant le pluralisme et qui de surcroît a largement remporté les élections municipales du 12 juin 1990 et laminé au 1er tour des élections législatives du 26 décembre 1991 avec 188 sièges ses principaux adversaires que sont le Front des Forces Socialistes (FFS, 25 sièges) et le Front de Libération National (FLN, 16 sièges) le parti au pouvoir depuis 1961 à 1988 ?
Les motifs officiels avancés par le gouvernement algérien pour justifier son acte n’ont pas été dévoilés, mais ils demeurent des secrets de Polichinelle. Il s’agit avant tout pour les tenants du pouvoir algérien d’empêcher par tous les moyens le FIS d’aboutir à son vœu le plus cher : l’instauration en Algérie d’un Etat islamique qui s’inspirerait des modèles du Soudan, de l’Arabie Saoudite et surtout de l’Iran de Khomeiny.
Vices de procédure
A en croire les avocats du FIS, la Chambre administrative du tribunal d’Alger, ne pourra pas donner satisfaction aujourd’hui au ministère algérien du fait que plusieurs vices de procédure ont entaché sa plainte.
Vrai ou faux, le monde entier sera fixé au plus tard ce soir sur l’avis que la Chambre administrative du Tribunal d’Alger aura à donner en toute « indépendance » et « souveraineté ».
Quant au FIS qui, de l’avis des observateurs, est à la croisée des chemins, il a fermement mis en garde « contre sa dissolution qui conduira à un lendemain incertain » en Algérie, car « les raisons et la source de son existence sont indissolubles, à savoir l'Islam, le peuple et l'histoire ».
A quelques heures de ce verdict dont les conséquences peuvent être incalculables pour l’Algérie en particulier et l’Afrique du Nord en général. Togo Presse se propose à travers ce « Dossier » de faire pleins-feux sur l’origine politique et l'idéologie qui sous-tend ce mouvement intégriste qui fait couler beaucoup d’encre et de salive ces derniers mois.
Issu du courant radical du mouvement islamique, le FIS a été créé le 10 mars 1989 à la Mosquée « Ibn Bedis » de Kouba à Alger. Dans la clandestinité depuis le début des années 80, ses militants ont été régulièrement réprimés par le pouvoir algérien. Agréé le 16 septembre 1989, il est devenu le principal pôle de mobilisation de la population en postulant l’identité du champ religieux et du champ politique. Ses deux principaux dirigeants, Abassi Madani, 61 ans professeur à l’Université d’Alger et Ali Balhadji, 38 ans, un autre enseignant, sont actuellement sous les verrous.
L’Islam
Rompant totalement avec les idéologies de l’Est « athée » et de l’Ouest « des capitaux immoraux », le FIS a toujours prôné un retour à un Islam original. Partout il se réfère au Coran et à la « Sunna » (tradition du prophète Mahomet) et a refusé avec force tout pluralisme démocratique situé hors de la mouvance islamiste. Limité au départ à quelques universitaires et imams de mosquées, le Front Islamique du Salut a réussi depuis 1980, à élargir sa base sociale. Utilisant la logistique des mosquées, il a pu grâce à des discours-prêchés, sensibiliser et mobiliser des milliers d’adhérents frappés de plein fouet par la crise économique notamment.
En 1991, Abassi Madani avait laissé croire que son parti comptait deux millions de militants. Les élections de décembre 1991 lui ont amplement donné raison. Ces militants se recrutent parmi les artisans et les commerçants grands pourvoyeurs de fonds. Le FIS a aussi ratissé largement au sein de l’université d’Alger et des jeunes chômeurs et désœuvrés. Par ailleurs, le Front Islamique du Salut a profité de l’immobilisme et des luttes intestines au sein du FLN pour s’infiltrer dans tout l’appareil de l’Etat algérien, et même dans la police et l’armée chargée aujourd’hui par le pouvoir de traquer ses « militants barbus ». Le FIS a réussi, d’autre part, le tour de force d’attirer vers lui certains cadres moyens et des intellectuels, considérés auparavant comme les « réserves naturelles » du FLN. Son succès aux élections municipales de 1990 dû sans doute au vote-sanction appliqué par les électeurs contre le Front de Libération Nationale) lui a permis de s’implanter dans tout le pays, à l’exception du « territoire kabyle » chasse-gardée du Front des Forces Socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed.
Mais, après un an de pouvoir local et régional, le FIS n’a pas pu changer par un coup de baguette magique son environnement et selon les observateurs le bilan de sa gestion fut plutôt désastreux. Cependant, les Algériens lui ont renouvelé leur confiance en décembre 1991 à travers les résultats que tout le monde connaît.
Le FIS et la Femme
Si le FIS était parvenu au pouvoir, il ne fait l’ombre d'aucun doute que les femmes auraient été parmi ses cibles favorites même si en Algérie, les boîtes de nuit sont discrètes, les spectacles de strip-tease inexistants, le port de mini-jupes rare et de très nombreuses femmes se couvrent la tête et portent de robes longues.
Certes, le FIS n’a jamais donné le moindre détail sur sa politique vis-à-vis de la femme mais tout laissait indiquer qu’une fois parvenu au pouvoir, il aurait interdit aux Algériennes d’aller au travail.
Pour Ali Beihadj, ex-numéro deux du FIS emprisonné depuis juin 1991 «les femmes ne doivent pas prendre part à la vie de la nation». «Regardez la Grande-Bretagne. Elle a commencé à décliner le jour où une femme (Mme Margaret Thatcher) est arrivée au pouvoir». Par ailleurs, certains ont prêté l’intention au FIS de ne plus subventionner que les écoles de garçons et de contraindre les filles à recevoir un enseignement de moins bonne qualité.
En outre, dans les hôpitaux, plusieurs personnes ont laissé entendre la possibilité d’interdire aux infirmières de soigner les hommes.
Programme de politique générale du FIS
Selon une exposition des affiches présentées en janvier dernier au Centre de Documentation d’Alger, l’Etat islamique devrait avoir pour obligation de propager la foi à l’intérieur et à l’extérieur par la persuasion (At-Targhib) ou la terreur (At-Tarhib).
Sur ces affiches, on pouvait lire, que l’apostat doit être tué en Islam. La nécessité d’appliquer le droit pénal islamique (El-Houdoud) était réaffirmée avec force : main coupée pour vol, lapidation et flagellation pour adultère. Le retour du droit matrimonial islamique était également souhaité et notamment la répudiation de l’épouse.
L’organisation judiciaire de l’Etat islamique, devrait être organisée en trois grandes sections. L’une d’elles, appelée à examiner les atteintes à la loi de Dieu devrait être dirigée par un juge qui veillera au respect des obligations religieuses, notamment la grande prière du vendredi.
Il doit aussi veiller aux bonnes mœurs des musulmans, interdire le prêt à intérêt et l’usure. En économie, les affiches du FIS proclamaient la nécessité d’un programme dirigiste, centré sur la lutte contre les activités illégales dans le commerce et l’industrie, la fixation des prix et des salaires et la redistribution des richesses en prenant chez les riches pour subvenir aux besoins du peuple (nécessiteux).
Le président de la République, élu selon le système de la “Choura” islamique (cooptation après consultation des savants et des théologiens) doit être musulman, sain de corps et d’esprit et s’engager à veiller à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat à la protection de la religion et à la propagation de la foi.
Enfin, au centre de l’exposition trônait la maquette d’une cité islamique moderne, aux lignes architecturales futuristes. Elle était dotée aussi de bibliothèques, de salles de théâtre et de cinéma (films historiques, scientifiques et éducatifs) et de salles de sport.