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Saydou Sana : « Sécurité islamique » de Pouytenga, « Les forces de l'ordre sont au courant »
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- Titre
- Saydou Sana : « Sécurité islamique » de Pouytenga, « Les forces de l'ordre sont au courant »
- Editeur
- L'Observateur Paalga
- Date
- 25 mars 2018
- Résumé
- La création d'une « sécurité islamique » à Pouytenga fait le buzz en ce moment sur la toile burkinabè. D'aucuns s'inquiètent que ces jeunes en tenue, béret vissé sur la tête, soient ou deviennent rapidement les membres d'une milice religieuse de la trempe de Boko Haram. Celui qu'on présente comme le père de cette initiative qui suscite de vives réactions en réfute pourtant la paternité.
- Sujet
- Association Islamique Nachroul islam de Pouytenga
- Koglweogo
- Sécurité islamique Pouytenga
- Boko Haram
- Mouvement Sunnite du Burkina Faso
- Terrorisme
- Radicalisation
- Langue
- Français
- Source
- L'Observateur Paalga
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0000639
- contenu
-
interview Par H.r.s.
La création d'une « sécurité islamique » à Pouytenga fait le buzz en ce moment sur la toile burkinabè. D'aucuns s'inquiètent que ces jeunes en tenue, béret vissé sur la tête, soient ou deviennent rapidement les membres d'une milice religieuse de la trempe de Boko Haram. Celui qu'on présente comme le père de cette initiative qui suscite de vives réactions en réfute pourtant la paternité.
Saydou Sana, président de l'association Nachroul islam, puisque c'est de lui qu'il s'agit, explique que cette organisation est née de la volonté des jeunes du mouvement sunnite désireux de garantir la sécurité des engins lors des prêches et des prières de vendredi. La police et la gendarmerie étaient par ailleurs informées de leurs activités, a-t-il assuré. Il répond à la polémique dans cet entretien qu'il nous a accordé hier dans l'après-midi.
L'interview ayant été réalisée au téléphone, et traduite du mooré au français, la Rédaction s'excuse d'avance auprès des lecteurs et de l'intéressé pour les imperfections et erreurs d'interprétation liées à la traduction.
Pouvez-vous nous présenter l'Association islamique Nachroul islam de Pouytenga (AINP), que vous dirigez ?
Nachroul islam est une association qui existe depuis 2007 (Ndlr : elle a obtenu son récépissé en 2012). Notre objectif est de promouvoir l'islam et ses enseignements à travers des prêches.
Combien de membres comptez-vous ?
Il y a beaucoup d'adhérents, je ne peux pas donner de chiffre.
Depuis quelques jours, on a appris la création d'une « Sécurité islamique » qui serait une émanation de votre association. Qu'en est-il exactement ?
Cette structure dont vous parlez n'est pas le fruit de l'association Nachroul islam. Elle a été créée par le mouvement sunnite de Pouytenga et travaille pour tout le monde dès lors qu'un événement organisé est en lien avec l'islam. Elle apporte son aide aussi bien lors des activités du mouvement sunnite, de la communauté musulmane que de petites associations comme la nôtre.
Vous n'êtes donc pas le créateur de ce groupe ?
Comme je l'ai dit, ce sont des jeunes qui ont pris l'initiative de sa création. Certains parmi eux sont membres de l'association mais beaucoup ne le sont pas. Mais il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'une association formelle, c'est juste une forme d'organisation.
Souvent, lors des prêches ou même de la prière de vendredi, il n'y a personne pour garder les engins des fidèles. C'est pourquoi les jeunes ont décidé de désigner parmi eux des gens pour ranger les motos et veiller sur celles-ci. Ces mêmes jeunes s'organisent également pour nettoyer les mosquées lorsqu'elles sont sales. Tout cela se faisait déjà il y a près de 10 ans, seulement l'activité a pris de l'ampleur au fil des années.
On vous présente pourtant comme celui qui est le chef de ces jeunes !
Je suis à la tête de l'association Nachroul islam mais pas de la sécurité islamique. Le chef de la sécurité, c'est Ousséni Bagaya.
Si la Sécurité existe depuis 10 ans, pourquoi avoir décidé maintenant de vous doter de tenues de type militaire ?
Avant, les jeunes portaient des gilets fluorescents. Mais cette tenue était accessible à tout le monde, si bien que des gens payaient ce type de vêtement pour se joindre au groupe et lui prêter main-forte.
Mais quand un travail est organisé, on ne peut pas fonctionner comme ça. Certes, parmi ceux qui s'infiltrent, il y a des gens aux bonnes intentions, mais des personnes malveillantes peuvent également se confondre aux autres. C'est cette situation qui a fait dire qu'il fallait trouver une tenue.
Il s'est trouvé justement que le 11 novembre 2017, on avait un prêche. Ce jour-là, la Sécurité de Cinkansé est venue aider la nôtre. Ses membres étaient vêtus de tenues comme celles que nous avons aujourd'hui. On a échangé avec eux pour savoir comment ils avaient procédé.
Ils nous ont signifié qu'ils en ont préalablement informé la police et la gendarmerie et que les forces de l'ordre ont accepté qu'ils confectionnent leur tenue. Nos éléments de Sécurité aussi sont donc allés à la mairie, au commissariat et à la gendarmerie en emportant avec eux la tenue des gens de Cinkansé. Nos autorités n'y ayant pas vu d'inconvénient, on a fait confectionner nos tenues.
Si la polémique est née, c'est parce que le 19 mars dernier, on avait un prêche. On est allé montrer notre tenue à la gendarmerie avant de la porter. Les photos que les gens ont vues sur les réseaux sociaux ont été prises ce jour-là à la préfecture. Quand les jeunes portaient la tenue, le préfet était juste à côté. Chaque fois, nos prêches ont lieu à la préfecture, pas ailleurs.
Certains ont même pensé, à la vue des images, qu'on était dans un camp d'entraînement. Ce n'est pas le cas. C'est sur le lieu de travail que vous portez la tenue, quand vous finissez ce que vous avez à faire, vous l'enlevez et la rangez.
Avec la situation sécuritaire actuelle, n'avez-vous pas craint, en vous dotant d'une tenue, que les gens fassent un amalgame ?
Si c'était une initiative nouvelle, j'aurais peut-être compris cet amalgame. Mais ce n'est pas le cas. La sécurité a toujours existé. Si c'est la tenue, les gens de Cinkansé ont aussi la leur ; vers Fada, certains groupes ont leur tenue également. Ce n'est donc pas quelque chose de nouveau au Burkina.
Il semble que les membres de cette Sécurité islamique sont soumis à des entraînements réguliers ?
Rires. On n'a pas d'entraînements. Ce qu'il y a, c'est qu'on a une école medersa où on va souvent courir. On fait des exercices, juste pour le maintien de la forme. Si quelqu'un doit rester debout pendant des heures comme lors des grands prêches, il lui faut être en condition physique optimale. Ces membres se regroupent et partent courir. On a même signalé cela à la gendarmerie.
La « Sécurité islamique » est-elle armée pour mener sa mission?
Rires. Même des morceaux de bois, on n'en a pas. Ce n'est pas un travail encore organisé, c'est juste la tenue qu'on a portée. Comme je vous l'avais dit, il était difficile de s'organiser avec les gilets, voilà pourquoi on s'est inspiré du cas de Cinkansé. Si on avait de mauvaises intentions, on n'allait pas mettre des images sur Facebook. Quand tu veux cacher quelque chose, tu ne le publies pas sur les réseaux sociaux.
Sont-ils rémunérés pour leur activité ?
C'est eux-mêmes qui se cotisent. Ce ne sont pas des désœuvrés, ce sont des commerçants. Et c'est lorsqu'il y a un prêche qu'ils se rencontrent. Même les prêches, c'est surtout eux qui financent, les habits qu'on a cousus, ce sont eux qui se sont cotisés pour les confectionner.
Votre « Sécurité islamique » ne s'apparente-t-elle pas aux groupes d'autodéfense Koglwéogo qui, eux aussi, sont mal accueillis par beaucoup de Burkinabè ?
Nous et les koglwéogo, ce n'est absolument pas la même chose. Les koglwéogo sont partout alors que nous, on travaille au niveau des mosquées et sur les lieux de prêche. On se limite à ces cadres.
Quand on est allé à la gendarmerie, ils nous ont donné un numéro sur lequel on peut appeler si on repère un individu suspect autour des mosquées. C'est un travail connu, nous n'avons rien à cacher. Les gendarmes ont même pris des photos des tenues pour les montrer à leurs collègues afin que, quand ceux-ci nous voient, ils nous reconnaissent.
Mais est-ce que depuis la polémique vous avez été interpellés par les autorités, notamment les forces de l'ordre ?
A Pouytenga, comme les gens connaissent le bien-fondé de notre initiative, on n'a encore rien entendu dans ce sens. Ce sont nos parents qui nous rapportent la polémique.
Je suis analphabète, je n'utilise pas Facebook. C'est à Ouagadougou seulement qu'il y a la polémique. Cette initiative, comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas quelque chose de nouveau ici, à Pouytenga.
Le Burkina subit, depuis quelques années, des attaques terroristes d'individus affirmant agir au nom de l'islam. Qu'en dites-vous ?
Au Burkina, le mouvement sunnite a été le premier à avoir organisé un grand prêche pour parler de la question du terrorisme ; notre association a été la suivante. Nous avons parlé aux musulmans et montré aux jeunes que le terrorisme n'était pas une bonne chose et cela, depuis deux ans. Avant ça, je n'ai pas connaissance de prêches qui ont autant évoqué la question du terrorisme que les nôtres.