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Imam Aboubacar Sana sur l'unité islamique : « Chez nous, ça patauge dans tous les sens »
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Burkina Faso
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- Titre
- Imam Aboubacar Sana sur l'unité islamique : « Chez nous, ça patauge dans tous les sens »
- Editeur
- L'Observateur Paalga
- Date
- 17 juillet 2014
- Résumé
- « Les gens comme moi qui disent ce qui leur passe par la tête sont susceptibles de se tromper. Dites-moi ce que vous voulez, et je vous ferai parvenir mes réponses par écrit».
- Sujet
- Aboubacar Doukouré
- Aboubacar Sana
- Catholiques
- Enseignement confessionnel islamique
- Moussa Yugo
- Oumarou Kanazoé
- Philippe Ouédraogo
- Fédération des Associations Islamiques du Burkina
- Boko Haram
- Communauté Musulmane du Burkina Faso
- Mouvement Sunnite du Burkina Faso
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0000488
- contenu
-
« Les gens comme moi qui disent ce qui leur passe par la tête sont susceptibles de se tromper. Dites-moi ce que vous voulez, et je vous ferai parvenir mes réponses par écrit».
Crainte ou sagesse, en nous recevant dans son salon dans la matinée du dimanche 13 juillet 2014, Aboubacar Sana a voulu jouer la carte de la retenue, même après avoir été démarché 24 heures plus tôt. Même s'il était affaibli par une grippe, sa vivacité était cependant restée intacte.
Des différents événements qui ont jalonné sa vie, il en parle dans les moindres détails. Du village de Nonbré au sud du pays au minaret de la grande mosquée de Ouagadougou, le chemin aura été long et tortueux pour cet imam. Le pire, selon lui, peut être évité seulement avec l'unité des musulmans.
« L'organisation des musulmans n'est pas encore parfaite. Chez nous, il n'y a pas de voix prépondérante. Face à une situation quelconque, ils pataugent dans tous les sens ».
Ces propos valent leur pesant d'or. Leur auteur, 64 ans, est un averti du monde musulman. Ses connaissances et son expérience font de lui un interlocuteur de premier choix sur l'islam et les musulmans du Burkina Faso.
Du Caire à Médine
Aboubacar Sana a poussé son premier cri un jour de l'année 1950 à Nonbré, un village de la province du Zoundwéogo. Il est le deuxième enfant d'une famille qui en compte six. Son père, Kassoum, s'y était installé après avoir quitté son village natal dans la province du Ganzourgou. Sous son impulsion, le petit Aboubacar apprend très tôt à lire le Coran.
Il ira poursuivre cet apprentissage au Ghana avant de revenir dans son pays pour la cérémonie marquant son aptitude à lire le Saint-Livre. Par la suite il obtient une bourse qui le conduira dans un long périple dans des pays arabes. Tour à tour, il séjourne au Caire en Egypte, à Damas en Syrie, à Bagdad Irak, à Médine en Arabie Saoudite.
Dans ce pays il passera dix bonnes années qu'il mettra à profit pour décrocher une licence avec la possibilité de faire quoi ... ... ... ... .. le corps des enseignants. Son pays d'accueil l'envoie alors comme tel à Madagascar. Mais lui, il avait plutôt un autre projet dans la tête : partir au Canada avec le statut d'étudiant-enseignant dans une université.
Il gagne une bourse pour cela, mais ne l'honorera pas. L'appel de la patrie est plus fort. «Quand je suis rentré pour voir mes parents avant de rejoindre le Canada, je me suis rendu compte que ma famille avait plus besoin de moi.
Finalement je me suis installé définitivement au pays». En 1980, il plie donc bagages, rentre au bercail et commence une carrière d'enseignant. Il donne des cours à la Médersa de la Communauté musulmane, celle du Mouvement sunnite et à l'école franco-arabe de l'Association Al-Itiad Islami du cheik Boubacar Doukouré.
Le congrès de Ziniaré
Parallèlement à ses séances de cours, l'enseignant était un membre actif de la Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF). Cet activisme ira crescendo et prendra même une tournure plus importante avec son entrée au sein du bureau de la Ouhmma.
Il y gravit vite les échelons pour se retrouver président. « A un de nos congrès, j'ai donné mon point de vue sur l'organisation des musulmans au Burkina. Mon exposé n'a pas laissé El Hadj Oumarou Kanazoé (Ndlr:... ) indifférent.
Il a déclaré sur le champ que j'avais les rudiments pour diriger la structure. Par la suite, lui et El hadj Moussa Yugo (Ndlr :... ) m'ont rejoint à la maison pour soutenir ce qu'ils avaient dit lors du Congrès. Ma réticence et mes craintes se sont vite dissipées, car mes interlocuteurs m'ont promis leurs soutiens moral et financier pour mener à bien une telle mission », dit-il.
La suite de cette rencontre est connue. A l'issue du congrès de Ziniaré en 1997, Aboubacar Sana est porté la tête de la structure et cumulativement, il devient l'imam de la grande mosquée de Ouagadougou. Son programme comprend deux volets essentiels : l'unité des musulmans d'une part et d'autre part la mise à la disposition de la CMBF d'infrastructures et de logistiques.
Sa première préoccupation connaît un début de solution matérialisé par la mise sur orbite de la Fédération des associations islamiques du Burkina Faso (FAIB).
Son mandat est également marqué par la construction de la salle de conférences et des boutiques de la grande mosquée, le troisième niveau de la medersa... Malheureusement, sa gestion de la CMBF est ternie par une dissidence d'une partie des membres du bureau, l'amenant ainsi à revoir ses ambitions à la baisse.
Le film de son départ est encore vivace dans sa tête : « Le mandat du président est de 05 ans renouvelable. Après mes cinq années, 04 provinces ne disposaient pas de bureaux locaux, et le congrès de renouvellement des instances ne pouvait pas se tenir sans ces délégations.
Une disposition du ministre de tutelle a autorisé une prorogation de 2 ans, le temps de permettre aux localités défaillantes de se mettre en règle.
Avant la fin de cette période de prolongation, des tensions sont apparues au sein des membres du bureau. Une partie de l'instance dirigeante a précipité la tenue du congrès et après cette rencontre, Kanazoé est devenu président de la Communauté musulmane».
Musulmans et chrétiens : une question de savoir vivre avant tout
Depuis mai 2004, Aboubacar Sana n'est donc plus le président de la CMBF. Il passe son temps à assurer son imamat à la grande mosquée et la gestion de sa propre medersa à Tanghin au secteur 24 de la ville de Ouagadougou.
Ses activités restent essentiellement liées à la religion. « Je reçois les gens à domicile pour leurs préoccupations sur l'islam et je me déplace pour donner des cours lundi, mardi mercredi, jeudi et samedi.
Je me repose vendredi et dimanche. Mais actuellement, l'âge et la fatigue me contraignent à revoir souvent ce calendrier», explique avec regret l'homme, mari de deux femmes et père de deux enfants.
A ses yeux, la politesse et la courtoisie priment dans la vie. Il le démontre bien à travers son esprit d'ouverture aux adeptes des autres confessions religieuses. « Mes visites de courtoisie chez les responsables catholiques sont avant tout une question de savoir-vivre et n'ont pas forcément quelque chose à voir avec la religion.
Chacun est dans sa religion, mais lorsqu'il s'agit de se donner la main pour consolider la paix et développer le pays, on ne doit pas y rechigner. A titre d'exemple, l'année passée j'ai séjourné pendant un bon bout de temps en France.
Un jour ma famille m'a informé que l'archevêque Philippe Ouédraogo, il n'était pas encore cardinal, était venu leur rendre visite et s'enquérir de la santé de la maisonnée. Quelque temps après, le même archevêque a reçu la visite de son homologue du Ghana et il l'a conduit chez moi, toujours en mon absence.
A mon retour, je me devais de lui rendre la politesse. J'ai associé sept membres du bureau de la communauté musulmane à mon déplacement », expliqua-t-il, évoquant l'absence de texte coranique lui interdisant de poser de tels actes.
Cette visite lui a pourtant valu des déboires avec certains de ses coreligionnaires. Un groupe de jeunes s'est en effet rendu à son domicile pour lui intimer l'ordre d'arrêter de telles fréquentations et de demander à l'archevêque de ne plus se présenter à la place de la Nation lors de nos prières de jour de fête. Son inflexibilité n'a pas été pour autant écorchée.
« Il n'est pas de mon ressort d'interdire l'accès à une place publique à quelqu'un. C'est parce que non seulement c'est un Burkinabè mais qui le fait de façon formelle qu'il y a des plaintes.
Chaque fois que nous prions, des Blancs sont toujours présents avec leurs appareils photo sans que personne ne trouve quelque chose à redire », avait-il dit pour couper court.
Aujourd'hui cet épisode fait partie de l'histoire. Les choses sont rentrées dans l'ordre et les deux personnalités continuent de se voir comme de par le passé. Mais cela ne suffit pas à combler les attentes de l'imam vis-à-vis de ses frères en islam.
Aboubacar Sana reste accroché à son souhait le plus ardent : « Je me réjouis déjà du fait que les différentes tendances de l'islam qui sont dans notre pays vivent en harmonie, sans rixes entre frères musulmans.
Le pari à gagner reste celui de l'union où tous les musulmans auront un seul leader dont la parole aura valeur ... d'évangile ».