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Laissez-nous notre Faso de paix et de tranquillité
- Classe de ressource
- Article
- Collections
- L'Observateur Paalga
- Titre
- Laissez-nous notre Faso de paix et de tranquillité
- Editeur
- L'Observateur Paalga
- Date
- 16 mars 2010
- Résumé
- La littérature sur la probable révision de l'article 37 continue. El hadj Souleymane Compaoré, journaliste bien connu, et un certain Karim Ouattara, commerçant à Sya, s'invitent dans le débat à travers ces écrits.
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0000437
- contenu
-
La littérature sur la probable révision de l'article 37 continue. El hadj Souleymane Compaoré, journaliste bien connu, et un certain Karim Ouattara, commerçant à Sya, s'invitent dans le débat à travers ces écrits.
"A mesure que l'échéance électorale du 21 novembre 2010 approche, les débats qui montent du Faso politique, médiatique, civil, et religieux sont aux antipodes de l'élection présidentielle ; comme si celle-ci était déjà derrière nous et qu'il fallait plutôt s'attaquer à une question autrement pressante.
Pour les uns, il s'agit d'étouffer dans l'Å"uf toute tentative de modification de l'article 37 de la Constitution visant à supprimer la limitation du nombre de mandats consécutifs à la Présidence du Faso. Pour les autres, au contraire, il s'agit de bien arrimer au Droit et à la Constitution l'idée d'une éventuelle modification de cet article, en invoquant la possibilité laissée au Burkinabè d'ajuster démocratiquement leur Charte fondamentale à leur guise ; tout au moins en ce qui concerne cet article 37 qui est au cÅ"ur de l'effervescence actuelle.
Des sommités de tous les horizons : politiques, universitaires, religieux, de la société civile, des médias et plus d'un citoyen lambda ont déjà, avec des outils, paramètres, arguments et perspectives qui leur sont propres, disséqué, soupesé, analysé, condamné ou approuvé dans les médias et autres fora, notamment du Net, les motivations et les arguments des uns et des autres, les anti et les pro- révision. Soyons clairs : nous sommes en démocratie et ce débat est politique. Comme dirait Monsieur de la Palice, tout Burkinabè a le droit d'être pour ou contre la révision, de le dire et de le manifester.
"Nous devons tirer la sonnette d'alarme"
Du reste, les forces sociales organisées ne s'en privent pas ; elles ont déjà déployé leurs partisans, leurs réseaux d'intellectuels, d'organes de presse et de journalistes, de partis et d'ONG satellites pour un combat d'importance majeure : la bataille pour l'opinion, dont l'issue peut jouer sur le résultat d'un éventuel référendum sur la révision.
D'un côté, les efforts visent à délégitimer ici et maintenant aux yeux de l'opinion nationale et internationale, toute tentative de révision de la Constitution en son article 37 et à discréditer ses auteurs présentés comme des assassins de la démocratie, dont le projet jugé rétrograde est porteur de périls graves pour la Nation.
De l'autre, on s'efforce de bien faire savoir et admettre par l'opinion publique que le seul fait de tenter de réviser l'article 37 n'a rien d'anticonstitutionnel ; que c'est bien la Constitution elle-même qui codifie les règles et modalités de sa propre modification tout en n'excluant pas l'article 37 du champ des révisions ; d'où le caractère légal et même légitime d'une tentative de révision qui respecterait les modalités prescrites par la Charte fondamentale.
Tout cela est de bonne guerre ; et à mesure que le projet de révision se précisera, il faudra même s'attendre à voir des démonstrations de force, des marches, meetings et autres manifestations organisées par l'un ou l'autre camp pour faire pression, soutenir et faire prévaloir ses points de vue. Cela relève du libre exercice des libertés en démocratie, et des lois et règlements existent pour l'organiser ; il n'y a donc pas lieu de montrer de la fébrilité à cet égard.
Ce d'autant que par le passé, même aux heures les plus chaudes où le thermomètre social menaçait d'exploser, les organisateurs des manifestations les plus véhémentes ont su garder la mesure ; et jusqu'à plus ample informé, on n'a pas décelé en eux, comme on a pu le voir ailleurs, une volonté de provoquer des répressions brutales pour servir leurs desseins.
De même, pour l'essentiel, nos forces de défense et de sécurité ont toujours fait preuve de retenue dans le maintien de l'ordre face aux foules passionnées, preuve sans doute de la qualité de leur formation mais aussi du sang-froid du commandement et de l'autorité politique. En dépit de ce passé de raison fort rassurant, nous devons cependant tirer la sonnette d'alarme !
En effet, le débat sur la révision de l'article 37 est à peine engagé que de l'arène politique et des médias montent déjà des prophéties et des imprécations funestes : ce sera le statu quo sur l'article 37 ou bien le pays risque de connaître des troubles graves, voire le chaos, et même un coup d'Etat !
Carton rouge à tous ceux qui semblent légitimer ainsi d'avance la violence et le chaos au cas où les partisans de la révision gagneraient la partie ! Et ce coup d'Etat, quand interviendrait-il ? Sera-t-il exécuté pour empêcher une éventuelle consultation populaire, ou bien surviendra-t-il après la consultation pour en annuler les résultats et liquider la démocratie ?
En vérité, nous gagnons tous plutôt à encourager, à inciter par tous les moyens les principaux acteurs politiques à jouer définitivement à fond la carte de la raison : celle du Droit et de la Démocratie, pour régler cette affaire. Pour ce faire, la Constitution est et doit rester notre référence ultime à tous ; c'est elle et elle seule, avec ses forces et ses faiblesses, que le peuple a taillée de son vote pour habiller notre démocratie.
"Cet article ne vaut pas qu'on nous casse le pays"
En cas de divergences inconciliables, les dispositions de cette Charte prennent le pas sur tous autres accords, ententes, engagements et serments politiques conjoncturels, aussi nobles et utiles soient-ils. Mieux, aucune entente, aucun arrangement politique de cette nature ne saurait avoir et ne saurait être présenté comme ayant quasiment valeur d'amendement, de complément ou d'annexe à la Constitution.
Il suffit, pour s'en convaincre, de penser que de tels accords, s'ils avaient été soumis à une sanction populaire préalable, auraient pu être rejetés ! Pour autant, il faut souhaiter vivement que les institutions et mécanismes sociaux qui sont capables de sécréter ce genre d'arrangements politiques, contribuant à la paix sociale et à une gestion responsable et partagée des affaires de la cité, puissent garder toute leur crédibilité et leur capacité d'intervention auprès des principaux acteurs politiques et sociaux.
C'est pourquoi, à ce stade du débat sur la révision éventuelle de l'article 37, nous nous permettons de prier très respectueusement les hautes hiérarchies de la Chefferie coutumière, des Eglises protestantes et des Musulmans de s'abstenir de se prononcer officiellement sur l'opportunité ou non de la révision ; et d'encourager plutôt les acteurs politiques à user de leurs libertés politiques, à aller éventuellement jusqu'au bout des voies constitutionnelles pour résoudre cette question politique et constitutionnelle.
Il est vrai que les promesses d'agitation sociale et de chaos, les prédictions de coup d'Etat peuvent inciter des sages à prendre position, dans le noble souci de prévenir l'irréparable ; mais, pour les politiques et leurs partisans, toute prise de position en cette matière revient nécessairement à un alignement politique pour ou contre l'un des deux camps en présence. Dans ce cas, la voix du sage ajoute à la cacophonie plus qu'elle ne la dissipe. Dans le pire des cas, elle cristallise les intransigeances et scelle la disqualification du sage pour une éventuelle médiation sociale.
Quoi qu'on dise, les Burkinabè respectent énormément les valeurs traditionnelles et religieuses ; et ce pays a grand besoin du mécanisme de recours social éprouvé que constituent ensemble les dépositaires des valeurs morales traditionnelles, islamiques, catholiques et protestantes. Nous avons le devoir impérieux de préserver ce précieux capital. Pour en finir avec les promesses d'apocalypse, on ne saurait laisser jouer l'avenir de notre pays et de la démocratie sur cet article 37 dont le sort peut du reste être réglé dans les urnes.
Nous voulons croire que les Burkinabè sauront s'opposer fermement à ceux qui voudront plonger le pays dans le chaos, quels qu'ils soient : ceux dont le projet de révision de l'article 37 aura été contrarié au stade de l'idée ou dans les urnes, ou ceux qui auront échoué dans leurs tentatives d'empêcher la révision. Cet article 37 ne vaut vraiment pas qu'on nous casse le pays ! Laissez-nous donc notre Faso de paix et de tranquillité.
El Hadj Souleymane Compaoré
Journaliste
Fait partie de Laissez-nous notre Faso de paix et de tranquillité