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Dissolution de la « Sécurité islamique » de Pouytenga : « Une décision arbitraire basée sur des mobiles subjectifs et politiques », dixit Lookmann Sawadogo
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- Titre
- Dissolution de la « Sécurité islamique » de Pouytenga : « Une décision arbitraire basée sur des mobiles subjectifs et politiques », dixit Lookmann Sawadogo
- Créateur
- Lookmann Sawadogo
- Editeur
- Le Pays
- Date
- 30 mars 2018
- Résumé
- La « police islamique » mise en place par l'Association islamique Nachroul Islam de Pouytenga a été dissoute par le Conseil des ministres en sa séance du 28 mars dernier. Ce qui n'est pas du goût de tous, en l'occurrence l'auteur du point de vue ci-dessous qui dénonce « une décision arbitraire basée sur des motifs subjectifs et politiques ». Lisez !
- Sujet
- Association Islamique Nachroul islam de Pouytenga
- Koglweogo
- Laïcité
- Lookmann Sawadogo
- Sécurité islamique Pouytenga
- Démocratie
- Droits de l'homme
- Couverture spatiale
- Pouytenga
- Langue
- Français
- Source
- Le Pays
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0000426
- contenu
-
La « police islamique » mise en place par l'Association islamique Nachroul Islam de Pouytenga a été dissoute par le Conseil des ministres en sa séance du 28 mars dernier. Ce qui n'est pas du goût de tous, en l'occurrence l'auteur du point de vue ci-dessous qui dénonce « une décision arbitraire basée sur des motifs subjectifs et politiques ». Lisez !
Le gouvernement a, au cours du dernier Conseil des ministres, acté la dissolution de l'Association Nachroul Islam de Pouytenga au motif que celle-ci est en porte-à- faux avec ses objectifs à base desquels récépissé lui a été délivré par l'autorité précisément le haut- commissaire du Kourittenga sous le numéro 2012-065/MATDS/RCES/PKRT/HC/SG du 4 décembre 2012.
Je ne souhaite pas débattre de l'appréciation du gouvernement sur les activités de vigilance de l'association jugées contraires à ses prérogatives. Cela, pour deux raisons principales.
D'une part, parce-que la question est sensible vu les proportions qu'elle a prises au plan religieux, les heures et jours qui ont suivi. Il y a donc lieu de plutôt contribuer à évacuer le diable qui se cache dans les détails pour plus de paix au pays.
D'autre part, parce-que, républicain, je me dois de respecter cette décision du gouvernement si tant est que celle-ci apparaisse comme la solution d'urgence au problème. Mais également parce que le gouvernement a reçu mandat du peuple pour gérer les affaires publiques dans le sens de l'intérêt commun.
Ceci dit, au nom du principe d'imputabilité et du devoir d'apporter des critiques positives en toute citoyenneté dans la vie de la cité, certaines choses méritent qu'on les évoque pendant qu'il est temps sans tabou ou attitude de résignation dans le sens de l'intérêt national et bien entendu avec mesure et sans arrières pensées ni calculs.
Premièrement, la décision des autorités de dissoudre l'association est politique et non juridique. Il serait plus juste pour le Conseil des ministres de l'assumer et le justifier ainsi afin d'éviter un précédent grave qui pourrait compromettre le gouvernement lui même. En effet :
- le « service d'ordre » mené par l'association qu'on retrouve partout ailleurs dans les regroupements n'est interdit par aucun texte de loi et se pratique tout naturellement comme d'habitude dans toutes les manifestations sociales, politiques, communautaires auxquelles nous prenons part depuis toujours, y compris les ministres. En l'espèce, le port des uniformes et de bérets qu'on incrimine n'est pas non plus interdit par aucun texte. Sauf : « le port d'une tenue assimilable à celle des forces de défense et de sécurité ; la possession d'étendard, de fanion et d'emblème » (article 12 du décret n°2016-1052/PRES/PM/MATDSI/MJDHPC/MINEFID/MEEVCC).
Un principe de droit dit que tout ce qui n'est pas interdit, est autorisé. Peut-être faudrait-il commencer par prendre des textes en rapport à ces pratiques communes.
Deuxièmement, par analogie, les Koglwéogo existent, sauf erreur, sous le fondement du décret n°2016-1052/PRES/PM/MATDSI/MJDHPC/MINEFID/MEEVCC du 14 novembre 2016 portant définition des modalités de participation des populations à la mise en œuvre de la police de proximité sur les initiatives locales de sécurité.
Et, je ne voudrais pas réclamer la dissolution des Kolgwéogo par parallélisme des formes avec le cas Pouytenga. Il s'agit simplement de faire remarquer qu'aucun texte ni même ceux qui servent de base juridique aux Koglwéogo n'autorisent certaines de leurs activités qui sont contraires à l'article 10 du décret ci-dessus cité notamment : les amendes, les détentions, les sévices et tortures, les tribunaux, le port ostentatoire d'armes, etc. En effet, au regard de la loi toutes ces prérogatives relèvent de manière exclusive des compétences de la force publique (justice, police).
Au regard de ce qui précède et par rapport à la décision du gouvernement, il conviendrait d'affirmer que :
cette décision est arbitraire parce-que basée sur des mobiles uniquement subjectifs et politiques là où la légalité tenait lieu d'application rigoureuse pour ne pas aller dans l'abus d'autorité dans la mesure où nous sommes dans l'Etat de droit respectueux de la présomption d'innocence. Et non dans un Etat accusatoire où le procès d'intention prévaut sur le droit et la culpabilité précède la preuve ;
cette décision est aussi sélective. Car, si les activités incriminées ne contreviennent pas à la loi mais sont considérées comme des infractions par la suite encourant sanction, la sanction se devait être appliquée en cascades, c'est-à-dire à tous les responsables de cette situation. Cela concerne aussi bien les autorités publiques qui, en connaissance de cause, ont donné les différents accords qui valent actes à l'association pour faire ce qu'elle a pu bien faire. Pourquoi la responsabilité juridique des faits n'incombe-t-elle pas à toute la chaîne ? Pourquoi la sanction est infligée à un seul des maillons dans la chaîne de responsabilité s'il y a effectivement commission de faute grave ?
le gouvernement s'est décidé sur la poussée et l'incitation des réseaux sociaux qui ont focalisé sur le péril d'une valeur si chère à nous tous citoyens, à savoir la laïcité. A juste titre et à propos de l'Etat laïc, j'en fais un de mes devoirs mais je reste sérieusement préoccupé quant à l'attitude des autorités de notre pays à agir, par endroits, dans le sens contraire de la laïcité de l'Etat. A ce propos, je rappellerai à la mémoire, pour ne prendre qu'un seul cas, cette rupture collective du jeûne pendant le mois de Ramadan de l'année passée qui s'est faite à la présidence du Faso en présence du président du Faso, du Cardinal et du représentant de l'Eglise protestante.
Pour ma part, bien qu'étant musulman, j'ai critiqué publiquement sur un média cette forme de laïcité au Burkina qui se fait par le viol du caractère laïc des institutions républicaines.
Je conclurai ma tribune sur cette question nœudale qu'est la laïcité, beaucoup menacée dans notre sous-région. Il revient au gouvernement de faire abstraction de la passion populaire et des calculs politiques pour analyser chaque cas, évènement et situation dont il est saisi avec impartialité, sérénité et attachement à la légalité afin de promouvoir, entre autres, la laïcité et la démocratie en posant des actes qui ne soient à géométrie variable. Que la bénédiction de Dieu soit sur le Burkina !
Lookmann SAWADOGO
Journaliste,
Défenseurs des droits de l'Homme
E-mail
:lookmannsawad@gmail.com