Article
Pèlerinage à la Mecque : quand les Burkinabè exportent leur incivisme sur les lieux saints
- Titre
- Pèlerinage à la Mecque : quand les Burkinabè exportent leur incivisme sur les lieux saints
- Créateur
- Daouda Sidibé
- Editeur
- Le Pays
- Date
- 22 juin 2018
- Résumé
- « Les Burkinabè sont-ils en train d'exporter leur incivisme jusqu'aux lieux saints du pèlerinage ? ». C'est la question que se pose l'auteur du point de vue ci-dessous, après avoir égrené un chapelet de problèmes. Pour lui, le nouveau comité de suivi doit tirer leçon des erreurs de son prédécesseur, afin que le prochain pèlerinage soit un succès. Lisez plutôt !
- Langue
- Français
- Source
- Le Pays
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0000412
- contenu
-
« Les Burkinabè sont-ils en train d'exporter leur incivisme jusqu'aux lieux saints du pèlerinage ? ». C'est la question que se pose l'auteur du point de vue ci-dessous, après avoir égrené un chapelet de problèmes. Pour lui, le nouveau comité de suivi doit tirer leçon des erreurs de son prédécesseur, afin que le prochain pèlerinage soit un succès. Lisez plutôt !
Le nouveau Comité National de Suivi du Pèlerinage à la Mecque a été installé, officiellement, en mars dernier par le ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation; remplaçant ainsi l'ancien comité qui n'a pas pu mener à terme son mandat de trois ans. Désormais, tous les regards sont tournés vers ce nouveau comité de suivi et vers les autres intervenants dans le Hadj, notamment les Associations islamiques et les Agences de voyage.
Tous les membres doivent se mettre en tête qu'ils accomplissent là, un devoir religieux de très haute importance et une mission divine au service des hôtes d'Allah et de la maison sacrée, bénie par lui, Allah, depuis la nuit des temps.
Ils doivent se dire que s'ils accomplissent leurs tâches avec sérénité, dévouement et honnêteté, non seulement ils auront la récompense suprême d'Allah, que tout bon croyant recherche avec abnégation, mais aussi ils auront la reconnaissance de tout le pays. Ne mettez donc pas en avant, chers membres du Comité de suivi, la recherche effrénée des biens matériels au détriment de la récompense divine et des valeurs morales et spirituelles qui sont les fondements de votre religion et de votre foi.
Tirez des leçons de vos prédécesseurs de l'ancien comité. Être membre d'une structure d'organisation ou de suivi du Hadj n'est pas du tout une partie de plaisir, ni de villégiature ou de simple tourisme. Ceux d'entre vous qui le croient ainsi, se trompent lamentablement. Armez-vous de courage, d'abnégation, de sincérité et d'honnêteté.
Mais, concrètement, qu'est ce qui a changé depuis l'installation de ce nouveau comité, par rapport à l'ancien?
A ma connaissance, en tout cas, pas grand-chose pour le moment.
L'Administration Territoriale doit encadrer et suivre de près les activités de ce nouveau comité, afin d'éviter les dérives et les manquements graves commis par son prédécesseur.
D'ores et déjà, j'espère que le nouveau Comité a commencé à cogiter sur les problèmes rencontrés par l'ancien au cours du Hadj passé et dont mention avait été faite par son président dans son point de presse du 7 décembre 2017. Il s'agit, entre autres, des questions suivantes:
1 - le surpoids de cent quarante (140) tonnes de marchandises convoyées sur les vols de pèlerinage par certains commerçants dont cent (100) tonnes pour Ouagadougou et quarante (40) pour Bobo-Dioulasso.
Soyons honnêtes et conséquents avec nous-mêmes. Les vols de pèlerinage sont-ils réservés pour le transport des pèlerins ou pour le convoyage de marchandises?
A mon avis, le Commerçant qui va au Hadj, y va comme pèlerin et non comme commerçant. Donc, les marchandises qu'il aura à acheter au cours du Hadj, il doit les expédier par les services «FRÊT» de toute compagnie aérienne de son choix ou par conteneur dont les professionnels parmi les Burkinabè en Arabie Saoudite, aujourd'hui, sont nombreux, particulièrement à Djeddah et à la Mecque.
D'aucuns diront : «Mais, s'est pas transporté cadeau! Ils payent ». C'est vrai qu'ils payent. Mais, tout n'est pas une question de paiement. C'est surtout une question de sécurité. Ils payent au détriment de la sécurité des pèlerins.
Un surpoids de cent quarante (140) tonnes de marchandises non sécurisées dans les avions transportant les pèlerins, c'est quand même grave et risqué. Remercions Dieu; il n'y a pas eu d'accident. Mais le jour où il y en aura, on ne le souhaite pas, qui va prendre la responsabilité ? Les Commerçants, les Associations islamiques ou les Agences de voyage?
2 - L'absence d'ambulance propre au Burkina, qui avait entrainé le décès d'un pèlerin burkinabè entre Mina et la Mecque lors du dernier pèlerinage.
Là, il faut se poser la question de savoir: était-il vraiment nécessaire ou responsable de laisser mourir un pèlerin burkinabè par manque d'ambulance pour se rendre seulement compte, à ce moment là, qu'une ambulance était nécessaire aux pèlerins burkinabè, alors qu'on avait, à sa disposition, les moyens financiers de s'en acquérir? Réfléchissez-y. Pendant la période du Hadj, seules les ambulances et les véhicules bénéficiant d'autorisations spéciales, ont des facilités de mouvements et de circulation à la Mecque et dans les lieux saints du Hadj. Celui qui dira que des ambulances ne sont pas nécessaires pour le contingent de pèlerins burkinabè, ignore totalement la réalité du terrain.
Les ambulances, on peut en louer comme on peut en acheter. En cas de location, le contrat s'achève avec la fin du pèlerinage et le départ du dernier pèlerin. Et en cas d'achat, elles peuvent être confiées, après le Hadj, au Consulat Général du Burkina Faso à Djeddah, jusqu'à la prochaine édition.
Dans un grand rassemblement comme le Hadj qui regroupe plus de cent trente (130) nationalités et plus de deux millions de personnes, que doit-on faire ou plutôt que doit faire l'équipe médicale accompagnant les pèlerins burkinabè lorsqu'elle a sur les bras de graves cas de malades qu'il faut transporter de toute urgence vers un hôpital, alors qu'elle n'a pas d'ambulance? Le malheureux cas de l'année passée est très édifiant.
3 - l'intolérance de certains pèlerins et délégués d'Agences de voyage vis-à-vis des personnes âgées et des femmes.
L'islam a toujours recommandé aux musulmans, de porter secours et assistance aux personnes faibles; faibles par leur nature, faibles par la maladie, faibles par l'âge et faibles par les conditions de vie. Les femmes burkinabè qui vont au Hadj, sont généralement très âgées et sont nos mamans. Comment peut-on avoir de l'intolérance vis-à-vis de ces femmes? Et même si elles n'étaient pas très âgées, rien ne justifie cette intolérance, surtout pour des gens qui disent être allés en ces lieux sacrés pour chercher le salut et la félicité. Dans un Hadith du Prophète (SAWS), il est dit ceci : « Le paradis est sous les pieds des mamans ». Cela veut dire, tout simplement, que celui qui veut le paradis, doit respecter et honorer sa maman, donc une femme. Je suis vraiment indigné que des gens qui se disent musulmans et qui vont au Hadj, soient aussi intolérants vis-à-vis des personnes âgées et des femmes, dans les lieux saints de l'Islam. Je ne me reconnais pas de ces musulmans-là, de surcroit pèlerins. Les Burkinabè sont-ils en train d'exporter leur incivisme jusqu'aux lieux saints du pèlerinage?
les Associations islamiques sont, encore une fois, interpelées pour sensibiliser l'ensemble des fidèles musulmans en général et les candidats au Hadj en particulier, pour qu'on n'assiste plus à ce genre de comportements de la part des musulmans burkinabè, à plus forte raison de certains pèlerins et délégués d'Agences de voyage. l'Etat doit procéder, systématiquement, à la fermeture pure et simple des Agences de voyage dont les délégués se comporteraient de la sorte.
4 - Trop long séjour de nos pèlerins en Arabie Saoudite (environ trois semaines après la fin du Hadj). Honnêtement, un séjour aussi long, pour les pèlerins burkinabè, est très éprouvant et insupportable pour eux, surtout si l'on sait qu'après ARAFAT, un grand nombre de pèlerins burkinabè finissent déjà ou presque, de dépenser leurs maigres ressources, à tel point que certains d'entre eux ne survivent que grâce à la solidarité entre pèlerins. Réduire ce long délai d'attente au minimum possible fera la joie et le bonheur de tout le monde. Les futurs pèlerins d'abord et ensuite, leurs parents qui restent dans une angoisse permanente jusqu'au retour des leurs.
Et j'espère qu'à la signature du contrat de transport avec le transporteur aérien, cet aspect a été pris en compte pour ne pas faire traîner inutilement nos pèlerins là-bas, après le Hadj.
5 - le manque de sérieux des Agences de voyage dans l'inscription des pèlerins sur la plateforme nationale. J'espère que le nouveau comité est assez alerte et vigilant pour que, cette année, toutes les Agences retenues fassent preuve de sérieux dans cette opération d'inscription des pèlerins sur la plateforme nationale.
6 - Le non reversement de la totalité des frais de pèlerinage au Comité de suivi par certaines Agences de voyage.
Le Ministère de l'Administration Territoriale et le Comité National de Suivi du Pèlerinage doivent veiller à ce que les Agences de voyage trient sur le volet leurs collaborateurs parmi les gens compétents, mais aussi et surtout parmi ceux qui jouissent de probité, de sérieux et de droiture. A ce niveau, j'espère que le nouveau Président du Comité de suivi et ses collaborateurs ont déjà pris les mesures idoines pour que, cette année, toutes les Agences reversent, effectivement, au comité, l'intégralité des frais de pèlerinage.
Mais, réellement, qui organise le Hadj ?
Si je me pose cette question, c'est parce que le Président de l'ancien comité de suivi a dit, dans son point de presse du 7 décembre 2017, que: «Nous ne sommes pas un comité d'organisation du Hadj».
La nuance est claire. Il y a bien sûr une différence entre un comité de suivi et un comité d'organisation.
Si eux, ils étaient un comité de suivi seulement, qui était donc le comité d'organisation? Comment se nommait-il ? Où se trouvait-il ? Quelles étaient ses missions? Qui étaient ses membres? Etaient-ils connus du grand public ? Comment se réunissaient-ils et où ?
Autant de questions qui méritent des réponses claires.
Cette année, selon toute vraisemblance, le Burkina Faso ne pourra pas consommer les huit mille cent quarante trois (8 143) visas que le Président du Faso s'est personnellement investi auprès des autorités saoudiennes pour obtenir en faveur des pèlerins burkinabè.
Cela veut dire, en clair, que le nombre des pèlerins burkinabè sera en baisse à cette édition 2018 du Hadj, par rapport au quota de pèlerins de l'année dernière.
Un grand nombre de candidats burkinabè pourrait donc ne pas pouvoir effectuer le Hadj cette année, pour cause d'inscription tardive.
La date butoir pour les inscriptions était fixée pour la fin du mois hégirien de Shaabane (ce mois du calendrier hégirien précédant le mois de Ramadan).
Or, à cette date, le nombre d'inscrits (à jour) était largement inférieur au chiffre de huit mille cent quarante trois (8 143). Ce qui a obligé les autorités compétentes burkinabè à encore une fois mettre leur fierté de côté pour solliciter le prolongement de la date limite d'inscription pour les burkinabè, jusqu'à la fin du mois de Ramadan. Et il n'est pas évident que la situation va beaucoup évoluer, à l'échéance de cette nouvelle date. Le non respect du calendrier d'inscription incombe entièrement aux Associations Islamiques en premier lieu, qui auraient pu mener des campagnes intenses de sensibilisation au profit des fidèles musulmans dans les mosquées, après chaque prière ou au moins les jours de vendredi.
Vient ensuite la responsabilité des Agences de voyage qui auraient dû être en contact de proximité avec les candidats au Hadj pour leur expliquer tout le mécanisme, surtout que beaucoup de ces candidats sont analphabètes.
En troisième lieu vient la responsabilité des fils, des filles et de toute autre bonne volonté voulant faire plaisir à leurs mamans, à leurs papas ou à toute autre personne de leur famille en promettant de leur offrir le Hadj.
N'annoncez jamais à votre maman, à votre papa ou à toute autre personne qui vous est chère, que vous allez l'envoyer au pèlerinage alors que, financièrement, vous n'êtes pas prêts.
Pourquoi cela n'est-il pas conseillé?
Supposons que vous avez promis à une de ces personnes citées ci-dessus, que vous allez l'envoyer au Hadj. Vous faites même un premier versement, en promettant revenir payer le reste ou faire d'autres versements encore. Mais, pour une raison ou une autre, vous ne parvenez pas à faire d'autres versements ou à payer le reste. Vous aurez mis les organisateurs en difficulté et vous aurez causé une énorme déception à votre maman, à votre papa ou à toute autre personne à qui vous avez fait la promesse.
Et si vous ne faites pas attention, ces personnes qui sont généralement fragiles et fatiguées par l'âge, qui vous sont chères et à qui vous avez fait une promesse non tenue, risquent, si elles ne sont pas fortes moralement, de ne pas terminer l'année avec vous, à cause de cette grande et profonde déception qui les accablera suite à cette promesse non tenue.
Annoncez-leur la bonne nouvelle, seulement quand vous êtes fin prêts, afin que la surprise soit totale et agréable.
Ce que l'Etat doit faire, il l'a fait. Mais, il y a ce que l'Etat ne peut pas faire. L'Etat ne peut pas être dans les mosquées pour sensibiliser les candidats à aller s'inscrire. Il ne peut pas être derrière eux, dans les hameaux et villages du Burkina Faso, pour les exhorter à s'inscrire avant la date limite fixée par les autorités compétentes saoudiennes pour des raisons impératives d'organisation.
Tout cela relève de la compétence et du devoir des Associations islamiques, des Agences de voyage et du Comité de Suivi.
Un adage dit: « Si quelqu'un lave votre dos, vous devriez vous arranger pour pouvoir laver votre visage».
Certaines Associations islamiques ont abandonné leur responsabilité et leur rôle régalien de sensibilisation autour de certaines questions liées au Hadj. Le tout n'est pas de savoir accomplir les rites du Hadj. Il faut aussi et surtout savoir s'inscrire et à temps. A quoi sert-il de savoir accomplir les rites si l'on n'est pas inscrit, donc si l'on n'a pas de visa pour pouvoir se rendre aux lieux saints du Hadj?
L'ancien comité de suivi était resté passif sinon inactif, face à ces problèmes qu'il a lui-même évoqués. Est-ce parce qu'il ne se considérait pas comme un comité d'organisation, qu'il s'était abstenu de chercher à les résoudre? (C'est possible. lui seul peut répondre). En tout cas, on ne comprend pas, sinon difficilement, sa passivité face à ces problèmes évoqués ci-dessus dont il a lui-même fait cas. Est-ce par méconnaissance ou par incompétence?
Espérons que le nouveau comité de suivi et avec lui tous les autres intervenants au Hadj, notamment les Associations islamiques et les Agences de voyage, sauront, ensemble, relever tous les défis qui attendent les pèlerins du Hadj 2018.
Daouda SIDIBE
Fait partie de Pèlerinage à la Mecque : quand les Burkinabè exportent leur incivisme sur les lieux saints