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Hassan Alibakhshi : "Nous sommes victimes d'un terrorisme médiatique"
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- Titre
- Hassan Alibakhshi : "Nous sommes victimes d'un terrorisme médiatique"
- Créateur
- Mahorou Kanazoé
- Editeur
- Le Pays
- Date
- 16 mars 2011
- Résumé
- L'ambassadeur de la République islamique d'Iran au Burkina, Hassan Alibakhshi, manie à perfection la langue de Molière. Et c'est donc avec aisance qu'il évoque, dans l'entretien ci-dessous, les relations entre son pays et le Burkina Faso, et bien d'autres sujets.
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-article-0000186
- contenu
-
L'ambassadeur de la République islamique d'Iran au Burkina, Hassan Alibakhshi, manie à perfection la langue de Molière. Et c'est donc avec aisance qu'il évoque, dans l'entretien ci-dessous, les relations entre son pays et le Burkina Faso, et bien d'autres sujets.
Quel est l'état de la coopération entre le Burkina Faso et la république islamique d'Iran ?
Permettez-moi de faire l'historique des relations entre les deux pays. Les deux pays et les deux peuples avaient des relations très étroites sous la révolution burkinabè. On avait tissé des liens d'amitié et de coopération dans tous les domaines. Il y avait des échanges réguliers de délégations. Le Burkina Faso avait même ouvert une ambassade à Téhéran et nous avions une ambassade très active ici.
A un moment donné, ces relations se sont ralenties sans que nous en sachions les raisons. Alors que notre relation avec l'Afrique se développait beaucoup, surtout avec les pays de l'Afrique de l'Ouest.
C'est grâce à la révolution islamique que la coopération avec l'Afrique a pris son envol. C'est vrai, avant la révolution, au temps du Shah d'Iran, il y avait des relations mais elles étaient symboliques et on n'avait que quelques ambassades.
Mais sous les auspices du feu l'Imam Khomeiny, le fondateur de la République islamique, il y a eu une vision très claire des relations avec l'Afrique. Il a suivi de très près les mouvements de libération nationale et surtout il nous a donné des instructions fermes d'être avec les Africains et de les aider, d'aller vers les Africains.
Si vous regardez la Constitution iranienne, vous verrez des chapitres sur la défense des peuples opprimés. Certes, l'Afrique n'a pas été spécifiée, mais c'est destiné aux nations africaines.
C'est dans cette optique que la Révolution iranienne, juste après sa victoire, a ouvert beaucoup d'ambassades sur le continent africain, notamment celle du Burkina Faso.
A présent, nous avons des ambassades dans plus de la moitié des pays africains. Depuis, nous continuons avec le Burkina Faso, qui a malheureusement fermé son ambassade à Téhéran pour des raisons économiques.
Mais nous avons continué à être ici, même si on n'était pas très actif. Depuis plus d'un an, je suis donc là et j'ai vu que le niveau de la coopération n'est pas ce que les deux Etats attendent et que les autorités respectives des deux pays souhaitent.
On a donc initié des programmes, et dans ce cadre, Son Excellence Monsieur le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, Alain Bedouma Yoda, s'est rendu en Iran au mois de septembre 2010 et la toute première commission mixte de coopération entre les deux pays s'est tenue.
Des accords ont été signés dans les domaines sensibles au développement du Burkina Faso. Puis, notre ministre des Affaires étrangères est venu à Ouagadougou ; et les relations ont été mises sur les rails.
Avec l'échange de ces délégations, nous avons décidé de multiplier et de diversifier notre coopération à d'autres domaines, surtout prioritaires pour le Burkina. Dans ce cadre, mon pays a mis sur pied des lignes de crédit pour soutenir les échanges entre les deux pays, surtout faciliter les échanges entre les secteurs privés.
Aussi, nous avons octroyé une aide au développement non remboursable d'une enveloppe de 1,5 million de dollars. Il faut dire que nous avons beaucoup de valeurs que nous partageons ensemble et l'Iran se tient toujours aux côtés du pays des Hommes intègres. Aussi, nous sommes intéressés par certains produits burkinabè tels que le sésame, la noix de cajou, l'arachide, le coton, les peaux et cuirs, etc.
Nous sommes preneurs de tous ces produits. Je travaille à nouer des relations commerciales entre les deux pays et dans ce sens, un accord de coopération entre les chambres de commerce des deux pays a été signé récemment.
De l'autre côté, l'Iran produit tout, de l'aiguille à l'avion. Ces derniers temps, nous avons pu noter une fréquentation importante d'hommes d'affaires burkinabè en Iran. L'an dernier, la Chambre de commerce a organisé deux missions commerciales en Iran.
Mais je sais que c'est encore insuffisant. Le marché burkinabè est peu connu des Iraniens et vice-versa. Je souhaite que la réouverture prochaine de l'ambassade du Burkina Faso à Téhéran nous aide dans ce sens.
Avez-vous le soutien du Burkina dans le contentieux qui vous oppose aux Occidentaux à propos de votre programme nucléaire ?
Le dossier nucléaire iranien est soutenu par les pays du Tiers-monde, les non-alignés, les pays du Sud, les pays membres de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et tous les autres pays et nations épris de paix et de justice.
Le Burkina étant membre de ces instances, et combattant l'injustice, soutient l'Iran et tous les autres pays qui cherchent à utiliser le nucléaire à des fins pacifiques et civiles. Parce que c'est leur droit. Il est possible qu'un jour aussi, le Burkina ait besoin de cette technologie pacifique.
Les Occidentaux ont-ils raison de craindre que du nucléaire civil vous basculiez dans celui militaire ?
Mais il faut que je vous explique le dossier. La République islamique d'Iran a toujours coopéré avec toutes les organisations concernées. On a eu des milliers et des milliers d'heures d'inspection par les experts de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique).
Nous sommes membres du Traité de non-prolifération des armes nucléaires. On n'a jamais vu tant de missions et d'inspections pour des installations nucléaires dans un autre pays. Mais ils n'ont jamais trouvé de preuves que l'Iran va vers un programme non civil.
Notre programme est à 100% civil et à des fins pacifiques et il vise à exploiter cette nouvelle technologie au service de notre peuple. L'utilisation de cette énergie est un droit inaliénable pour tout le monde sans distinction. Pourquoi la discrimination ?
Malheureusement, certains pays pensent que le nucléaire est un domaine réservé uniquement pour eux et une chasse gardée, alors qu'il n'y a pas de limites pour la technologie, la science et la technique. Et le nucléaire appartient à tout le monde. Les énergies non-renouvelables vont finir un jour et il faudra trouver d'autres moyens pour les remplacer.
C'est dans ce sens que l'Iran a monté son dossier nucléaire. Dieu merci, nous avons eu des acquis très considérables malgré les pressions et les sanctions de certains pays arrogants et nous avons avancé avec une technologie entièrement et purement iranienne. Ils pensent que nous devons toujours dépendre d'eux. Vous savez que le nucléaire peut être utilisé dans tous les domaines de la vie humaine, notamment la médecine.
Nous en avons besoin pour guérir le cancer car l'Iran est un pays qui est confronté à ce fléau. Il ne faut pas croire que le nucléaire ne sert qu'à faire uniquement des bombes. Malheureusement, les médias occidentaux ont fait beaucoup d'intoxications dans ce sens et ils ont lié le nucléaire iranien aux bombes et à des objectifs non civils.
Alors que selon les préceptes islamiques, il est interdit d'avoir des armes atomiques. Nous condamnons fermement ceux qui ont fabriqué et utilisé ces armes contre l'être humain et dont on voit toujours les séquelles. L'ironie de l'histoire est que les mêmes pays qui ont soit utilisé les bombes atomiques, soit fabriqué leur arsenal nucléaire, crient aujourd'hui et nous accusent.
Aussi ces pays ferment les yeux sur les activités d'un certain nombre de pays qui n'ont même pas encore signé le TNP. Pourquoi une telle pression sur nous alors que d'autres pays ne sont jamais inspectés ?
Vous voyez bien la politique de deux poids deux mesures ! Nous ne constituons pas une menace. Nous cherchons la paix et le dialogue avec les Etats légitimes et non ceux qui attaquent les autres.
En soutenant des mouvements armés comme le Hamas ou le Hezbollah, l'Iran ne donne-t-il pas raison à ceux qui le trouvent dangereux ?
Nous n'avons jamais soutenu militairement les mouvements. C'est vrai, le Hamas est un mouvement palestinien sunnite. Nous le soutenons moralement parce qu'il représente le peuple légitime autochtone de la Palestine.
Les Palestiniens du Hamas luttent pour la libération de leur territoire et il faut les soutenir. C'est dommage qu'ils aient remporté des élections démocratiques et qu'on les ait privés de cette victoire. Cela parce qu'ils ne défendent pas les intérêts des Occidentaux.
Quant au Hezbollah, c'est un mouvement politique. C'est grâce à lui qu'on a pu mettre en place, tout récemment, un gouvernement d'union nationale au Liban. C'est normal qu'on le soutienne parce que nous soutenons tous les peuples en lutte pour leur libération et leur indépendance.
Ce sont plutôt les grandes puissances qui soutiennent les mouvements terroristes, à l'image des Moudjahidines du peuple iranien. Qui a fabriqué les talibans et Al-Qaïda ? Ce sont les Occidentaux.
Est-ce que selon l'Iran, Israel doit être rayé de la carte ? C'est du moins les propos prêtés au président Ahmadinejad.
Selon la conception de l'Imam Khomeiny, de l'Iran et de tous les citoyens du monde, épris de liberté et de justice, le territoire palestinien appartient aux Palestiniens, y compris les Palestiniens juifs, musulmans, chrétiens, etc., et non à ceux qui sont venus de l'extérieur. Il faut que le territoire palestinien leur revienne et que les millions de réfugiés rentrent chez eux.
Le peuple palestinien doit avoir le droit de disposer de son sort. C'est tout ce que nous cherchons. L'Etat palestinien doit être le seul, mais où vivent toutes les confessions religieuses.
Peut-on comparer la vague de soulèvement en cours en Afrique du Nord et dans le monde arabe en général, à ce qui s'est passé en Iran après la présidentielle de 2009 ?
Non, pas du tout. Je peux vous dire déjà que nous sommes victimes d'un terrorisme médiatique depuis longtemps, et surtout ces deux dernières années. Depuis la victoire de la République islamique, il y a 32 ans, ils ont essayé toutes formes d'ingérences, d'attaques, de complots, mais ils n'ont pas réussi.
Ils ont attaqué mon pays par Saddam Hussein, interposé pendant huit années de guerre. Ils ont fait des blocus, des sanctions, des tentatives de coup d'Etat, etc. en vain. La dernière présidentielle en Iran a été démocratique avec un taux de participation de 80%. Plus de 40 millions d'Iraniens ont voté.
La transparence du scrutin a pourtant été mise en cause par l'opposition et les Occidentaux...
On a fait une élection et il faut respecter le choix du peuple, quel que soit le résultat. Si Ahmadinejad n'est pas le candidat favori des Occidentaux, c'est leur problème. Le peuple iranien, lui, a fait son choix. Il faut respecter le choix des peuples.
Partout dans le monde, si le candidat favori des Occidentaux perd, il y a donc la fraude. Nous avons beaucoup de structures de contrôle dans les élections. Il s'agit plutôt d'un plan organisé par l'Occident pour détruire la République islamique d'Iran, et qui a échoué. Ce qui s'est passé en Iran n'a donc rien à voir avec les crises au Maghreb.
Là-bas, il s'agit de dictatures qui ont toujours été soutenues par les Occidentaux. Téhéran est une ville de 15 millions d'habitants. Et quand des millions de personnes manifestent pour défendre la république et la révolution, les médias occidentaux font un black-out et se taisent.
Mais quand il s'agit d'un groupuscule manipulé, ils en parlent abondamment. Ce qui se passe dans les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, nous l'avons fait il y a 32 ans et le peuple iranien est à l'avant-garde de tous ces mouvements de libération. Même ces pays ont commencé tardivement. Que Dieu les aide à aller rapidement.
Fait partie de Hassan Alibakhshi : "Nous sommes victimes d'un terrorisme médiatique"