Report
Religion, demande sociale et réformes éducatives au Niger
- Hierarchies
-
Niger
- Publications islamiques (14 items)
- Al Maoulid Info (7 items)
- Al Maoulid Magazine (5 items)
- Al Maoulid Magazine (arabe) (2 items)
- Photographies (Niger) (1 item)
- Références (Niger) (211 items)
- Publications islamiques (14 items)
- Titre
- Religion, demande sociale et réformes éducatives au Niger
- Résumé
-
Dans beaucoup de pays de l’Afrique sub-Saharienne, l’éducation – comme bien public – a été mal délivrée, et sa qualité a décliné de manière parfois remarquable durant la période postcoloniale. Cette situation s’explique en partie par le fait que dans plusieurs pays du continent – et peut être surtout en Afrique Francophone – les structures institutionnelles du système éducatif héritées de la colonisation s’accommodaient difficilement à la demande sociale et aux réalités culturelles. C’est peut-être ce qui explique que les politiques éducatives ne semblent pas contribuer au développement.
Dans les pays à majorité musulmane du Sahel, une des réponses de la société à la mauvaise «articulation» entre l’offre éducative publique et la demande sociale a été le développement d'un vaste système parallèle d’éducation informelle alimenté par la religion. Ce système a évolué en dehors des cadres éducatifs officiels et a constitué une réponse explicite aux déficits de l’offre éducative formelle de l'État. Ces écoles non-officielles, “informelles”, ou “parallèles” se sont développées sous des formes et à des niveaux très variés, allant des écoles coraniques simples aux “écoles franco-arabes” assez bien sophistiquées. En les voyant comme des concurrentes du système éducatif officiel, les Etats ont tenté de confiner, contrôler, ou bien parfois d'ignorer ces instances éducatives alternatives au cours des trois premières décennies des indépendances. Il est vrai que les politiques éducatives ont joué différemment dans chaque pays couvert par cette présente étude. Mais partout, des histoires abondent sur les efforts du gouvernement visant à forcer les enfants à fréquenter les écoles officielles de l'État, et sur les stratégies et ruses déployées par les parents pour résister. Comme l’a si bien noté Louis Brenner dans ses enquêtes sur la politique éducative du Mali il y a vingt ans, le thème sous-jacent de l'histoire racontée est celui d’un « conflit acharné entre la politique du gouvernement et une opposition à cette politique exprimée par la voie de l'éducation islamique » (Brenner 1991, 84).
Toutefois, suite aux modifications graduelles mais significatives du contexte de la gouvernance aussi bien au niveau domestique qu’international qui ont marqué les deux dernières décennies, un certain nombre de facteurs ont poussé un large éventail de pays Africains à se lancer dans des expériences de réforme de l'éducation. Ces évolutions ont suscités une attention renouvelée de la communauté internationale sur l'éducation en tant que facteur clé de développement. Dans le contexte des pays francophones et musulmane du Sahel, l’un des aspects frappants du processus de réforme a été les tentatives d’amener l’éducation religieuse informelle et semi-formelle dans le giron du système étatique formel, ou – à défaut – de réformer le système formel en y incorporant des caractéristiques propres à l’éducation informelle. C’est par exemple le cas avec l'introduction de l'enseignement religieux dans les écoles publiques dans certains pays à majorité musulmane du Sahel.
Il y a un débat ancien sur la relation entre la religion et les politiques éducatives dans la sous-région, tout comme il y a des débats parallèles en cours ailleurs dans les pays du monde Musulman. Mais compte tenu de l’attachement persistant des Etats postcoloniaux du Sahel à l'éducation francophone à caractère laïc, ces efforts de réforme actuels sont sans précédent. Bien qu’elles soient encore en développement, et même si leur impact à longue terme n’est pas encore tout à fait observable, le fait seulement d’entreprendre ces réformes marque une rupture importante par rapport à la politique éducative historique dans la sous-région. Le secteur de l'éducation est donc un exemple clé de la façon dont l'intersection entre la libéralisation politique au nom de la démocratie et les contextes sociaux changeants au cours des deux dernières décennies ont permis– et parfois motivé – des changements politiques visant la réforme des institutions et l’ajustement des politiques à la demande sociale (Villalón, 2010).
Le projet “Religion, demande sociale, et reforme éducative au Sahel” du programme Afrique Pouvoir et Politique (APPP) a permis d’entreprendre une recherche comparative sur les politiques de réforme de l’éducation dans trois pays du Sahel – Niger, Mali et Sénégal – qui sont tous assez bien avancé dans la mise en œuvre de ces réformes éducatives. Dans chacun de ces trois pays, la justification courante de la réforme est l’argument selon lequel rendre les établissements d'enseignement plus en phase avec les réalités locales et les attentes sociales—et non à leur encontre— est essentiel pour corriger la tendance au déclin de l’éducation. Dans la terminologie des hypothèses de l’APPP, ces efforts de réforme constituent des changements institutionnels délibérément façonnés “to go with the grain” (pour aller dans le courant) des réalités sociales africaines (Booth, 2011). En d’autres termes, les réformes permettent d’ajuster les politiques éducatives aux préférences très manifestes et aux normes culturelles très dominants des parents dans les pays musulmans du Sahel.
Dans tous les trois pays, les projets de réforme menés par l'Etat ont tenté d'intégrer ou de «capturer» les systèmes éducatifs qui florissaient dans l'informel, tout en essayant de leur imposer un certain degré de formalisation. Une telle approche a conduit ainsi à la création de ce qui pourrait être considéré comme de nouveaux systèmes “hybrides.” Ces réformes ont été eux-mêmes rendu possible grâce aux changements dans la nature de l'Etat et de la relation État-société en cours depuis les années 1990. A bien des égards, les arguments avancés pour conduire la réforme dans ces pays étaient impensables au cours des décennies précédentes. Ces nouvelles initiatives ont été rendues possibles et promues par des acteurs clés qui ont saisi l’opportunité offerte par les changements du cadre de la gouvernance, lesquels changements sont eux-mêmes le résultat des transformations sociétales graduelles et progressives mis en marche au cours de la phase de libéralisation politique des années 1990. Ce présent projet de recherche visait à examiner de près à la fois les dynamiques parallèles et les similitudes dans le processus de réforme dans les cas précités, tout en mettant en exergue les variations et les spécificités propres à chaque pays.
Le projet est le fruit d’une collaboration entre le Centre d'Etudes Africaines de l'Université de la Floride et le Laboratoire d'Etudes et de Recherches sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local (LASDEL) à Niamey. Il est codirigé par Leonardo A. Villalón et Mahamane Tidjani Alou. L'idée du projet est née d’une première série d’entretiens réalisés dans les trois pays par Villalón en 2008. Ce travail exploratoire a permis d’apprécier la grande pertinence de ces réformes éducatives pour les préoccupations théoriques de APPP. Sur cette base, une réunion initiale s’est tenue en Juin 2009 au LASDEL, entre les codirecteurs et Abdourahmane Idrissa (qui devait coordonner la recherche) pour planifier le travail de terrain. Une équipe de recherche composée d’assistants de terrain dans chaque pays (Mamadou Bodian pour le Sénégal; Issa Fofana pour le Mali, et Ibrahim Yahya Ibrahim pour le Niger) a travaillé avec Villalón et Idrissa pour conduire à la fois des entretiens avec les acteurs clés et faire des observations ethnographiques sur un échantillon d'écoles dans chaque pays en 2009-2010. Au Niger, d'autres études ethnographiques ont été réalisées dans différentes écoles par Ali Bako, Issa Tahirou, et Mokhtar Abdourahmane, sous la direction de Tidjani Alou. En Juin 2010, toute l'équipe de recherche s’est réunie à LASDEL pour un séminaire de trois jours, afin d’étudier les résultats empiriques de la recherche, dans le but de préparer la rédaction des rapports. Ainsi, les expériences du projet de réforme dans chacun des trois pays sont examinées dans trois rapports séparés, dont ce présent rapport. En outre, un aperçu global de la question dans les trois pays est à paraitre (Villalón, 2012). Nous envisageons une analyse comparative plus approfondie des implications des trois expériences de réforme éducative en rapport avec les préoccupations plus larges du projet APPP dans le travail à venir.
Le présent rapport explore le processus de réforme pour le cas du Niger en situant cette réforme dans l'évolution du contexte social et politique du pays. Il décrit la marginalisation historique du secteur franco-arabe, officiellement reconnu (à la différence avec les autres pays) mais qui a toujours été le « le parent pauvre » du système éducatif. Longtemps tenaillées la laïcité d’Etat et une forte demande en éducative religieuses, le rapport examine en particulier comment les franco-arabes ont pu être réhabilitées, à partir des années 1990, comme alternative éducation. Ce changement est impulsé par une démocratie naissante, de fortes pressions des populations fortement Islamisées, et des réformes éducatives respectives de 1994 et 1998. Le rapport examine ensuite les mesures de réforme spécifiques qui ont été adoptées, et les tendances sociales observables de ces réformes. Il examine aussi les différents problèmes rencontrés dans la mise en œuvre de la réforme. - Editeur
- Africa Power and Politics Programme (APPP)
- Provenance
- London
- numéro
- 6
- Date
- avril 2012
- Langue
- Français
- Type
- Rapport
- Sujet
- Islamic education
- religion
- education reform
- Couverture spatiale
- Niger
Fait partie de Religion, demande sociale et réformes éducatives au Niger