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An-Nasr Vendredi #227 (La sincérité, son sens et sa nécessité pour les itinérants vers Allah)
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- Titre
- An-Nasr Vendredi #227 (La sincérité, son sens et sa nécessité pour les itinérants vers Allah)
- Créateur
- Tariq Ramadan
- Editeur
- An-Nasr Vendredi
- Date
- 15 avril 2008
- numéro
- 227
- nombre de pages
- 4
- Détenteur des droits
- Association des Élèves et Étudiants Musulmans au Burkina
- Langue
- Français
- Contributeur
- Frédérick Madore
- Identifiant
- iwac-issue-0000416
- contenu
-
Lorsque vient le secours d'Allah ainsi que la victoire, célèbre les louanges de ton Seigneur et implore son pardon. La force des logiques qui nous étouffent est à son paroxysme lorsqu’elles parviennent à nous habiter. Incroyable et insidieuse efficacité d’une entreprise qui aliène notre volonté et nous trompe sur notre personne, alors même que nous pensons être responsables de nos pensées autant que de nos actes. Le constat est clair : nous courons aujourd’hui le risque que le devoir de résistance ne nous appartienne plus. Quand l’avoir l’emporte tellement sur l’être, qu’il semble être devenu la seule condition du bien-être, quand la vitesse de l'information est plus importante que son analyse, quand l’image l’emporte sur le verbe, quand enfin le progrès devient pour lui-même la justification de son bien-fondé... alors, il devient difficile de vivre sa foi, de façonner son esprit, de déterminer ses repères, de marquer ses limites. Difficile d’être un homme, difficile d’être libre. J’entends libre de cette... vraie liberté au souffle de laquelle l’esprit chemine et fait ses choix à proximité de son cœur, de ses méditations, de son intelligence, de ses espérances. L’islam est une école. Elle a un objectif et un programme, un cadre et une dynamique, des exigences autant qu’une évaluation nécessairement formative. Son premier principe se fonde sur l’impérative liberté de celui qui s’y forme dès lors que celui-ci se sait et se reconnaît comme un être de conscience et de responsabilité. L'islam dit une réalité et s’appuie sur un sentiment : tout commence par la solitude devant Dieu. Le premier espace de formation, d’édification, de résistance, de réforme et de liberté est le cœur si naturellement attiré vers le transcendant, si promptement déchiré par l’artifice ou noyé par le superficiel. Il n’y a pas de foi sans liberté, pas de liberté sans pleine possession de son être, cœur et esprit. Or, notre monde et ses pouvoirs, la technologie et son efficacité, les modes et la vitesse nous amputent et nous perdent. Un être humain qui vit à la surface de ses désirs et dont les besoins ont pour la plupart été fabriqués n’est plus un être humain... ce peut même devenir une bête entretenant l’illusion de son humanité. Un monstre virtuel dont les excès ne tiennent parfois qu’à ce fil de la rationalité qui fait office de laisse. Si la rationalité est humaine, le monstre est apprivoisé, mais si par malheur la rationalité n’est plus qu’économique ou financière, alors la bête se déchaîne et promet le pire, de carnages en génocides. Nous l’avons trop constaté.
Notre religion nous apprend que la première résistance à ces dérives est à l’intérieur. Avec Dieu, dans l’approfondissement de la foi, l’être humain doit s’initier à la maîtrise, à la compréhension, à la pondération, à la nuance. Dans la prière ou la méditation, il doit prendre le temps de se connaître et de se reconnaître, de résister à ses propres violences, à ses colères, à sa volonté de pouvoir. Ainsi son cœur doit devenir une classe dans laquelle il apprend à son esprit, à étudier, à approfondir, à s’éloigner des préjuges, à éviter les caricatures. La lumière du cœur est une des conditions pour s’orienter dans les profondeurs de l’esprit. Elle donne la force de répondre au premier devoir de résistance qui nous habite : contre les pouvoirs arbitraires, contre les fausses idoles, contre la séduisante dictature de nos seuls désirs, protéger la lumière de son cœur, construire l’autonomie de son esprit, revendiquer le droit de choisir en conscience son chemin et le sens de sa vie. Devant Dieu, seul, conscient et responsable.
Décolonisation
La première résistance est aujourd’hui, très clairement, une entreprise de décolonisation. Il s’agit pour chaque musulmane et chaque musulman de retrouver le chemin de son être le plus profond, de redevenir un être libre. La vie quotidienne, avec les modes de pensée et de consommation, la gestion du travail et celle du temps libre, la culture cinématographique et musicale, est propre à façonner, presque inconsciemment, une seconde nature qui s’apparente à une prison. Il faut s’en échapper... La spiritualité, profonde et exigeante, est la clé. Il existe un autre espace à "décoloniser" : après notre cœur, notre intelligence. Jamais autant qu’aujourd’hui, l’information ne s’est trouvée concentrée en aussi peu de mains. Quelques entreprises et agences gèrent désormais l’outil "média" comme une industrie, "une affaire qui marche". Tout passe comme si le ton de l'élaboration intellectuelle, du débat de société ou des défis politiques était désormais donné par les médias et, parmi eux, par le suppôt essentiel de l’image. La télévision n’est pas un simple outil, elle est devenue un paramètre, une échelle, presque une valeur au chevet de laquelle les autres valeurs et les références se mesurent. Résister à cette tourmente de l’image et de la vitesse est aujourd’hui impératif : les musulmans, comme tous les citoyens, doivent réapprendre à penser, à analyser, à débattre. La shûrâ, la concertation à laquelle les invite leur religion, exige qu’ils forment leur... Intelligence et élaborent leur réflexion, en profondeur, avec précision et nuance. Il ne suffit pas de se dire musulman pour être protégé des caricatures et des simplifications : la communauté musulmane n’est d’ailleurs pas en reste quant aux analyses caricaturales ou aux jugements à l'emporte-pièce. L’islam exige de nous de libérer nos esprits et de vivifier nos intelligences : résistance intellectuelle active qui devrait être la conséquence naturelle d’une foi ancrée et d’une spiritualité épanouie.
Économie, politique et société. Les ordres ont été inversés et l’on fait chaque jour l’expérience du primat de l’économie dans la gestion des affaires internationales comme des questions de société. L’éthique et la morale ne sont pas, on le sait, les maîtres mots de ce type de gestion, et ce qui compte désormais, c’est le rendement, l’efficacité, le degré de subordination aux logiques du nouvel ordre économique... Les dysfonctionnements politiques ou les mauvaises gestions sociales sont relativisés en fonction. des profits financiers qu’ils permettent : une dictature qui "rapporte" (en matière économique ou sur le plan géostratégique) n’est pas tout à fait une dictature et le critère d’une bonne politique se mesure essentiellement à sa capacité à protéger les intérêts de ceux qui l'appliquent.
Les aliénations, au sens propre et premier, se multiplient et s’additionnent : l’économie qui devait être un instrument au service d’une politique est devenue une finalité en soi ; la société des citoyens qui devait être la finalité et donc, au premier chef, bénéficier de la gestion politique est insensiblement devenue un moyen, un simple instrument.
Au cœur du nouvel ordre économique, l’être humain, ancien sujet de son histoire, a la curieuse sensation d’être devenu un objet, un moyen, un jouet. Pour les musulmanes et les musulmans, il s’agit de remettre les choses à leur place, dans le bon ordre. Que l’homme, devant le Créateur et avec ses semblables, redevienne une fin et non plus un moyen. Il s’agit de réinvestir, avec le cœur et avec intelligence, toutes les sphères dans lesquelles ce changement peut s’opérer. Sur le plan social, le devoir de résistance commence avec l’énoncé du clair refus que des sociétés industrialisées enfantent des millions de chômeurs et tant d’autres millions de laissés pour compte. La question ne relève pas des seuls moyens financiers, mais bien de la sournoise préservation de l’intérêt de quelques-uns et de l’absence de volonté politique. C’est dire qu’il faut s’engager dans des projets locaux, des projets de proximité, par lesquels on doit lutter contre le chômage, l’exclusion, la marginalité et l’ensemble des fractures sociales. Ce refus ne peut s’exprimer, comme c’est encore souvent le cas pour les musulmans, par la seule mise en place de projets fondés sur le bénévolat ou la solidarité. La justice est un droit, non un cadeau, ni une charité. À terme, la résistance passe nécessairement par l’engagement citoyen et politique. Refuser les passe-droits, exiger Que les volontés politiques soient explicitées, demander des comptes, questionner les choix de politique sociale, sont autant d’attitudes qui doivent permettre aux citoyens de confession musulmane de participer avec les autres à réformer leurs sociétés. À tous les niveaux, des initiatives sont attendues qui permettent des gestions économiques alternatives et, surtout, un retour de la politique à sa véritable vocation fondée sur le débat et la participation citoyenne. Pour les musulmans comme pour tous les êtres humains, pas de résistance sans participation.
Autant de voix qui ne craignent pas de dénoncer les dictatures, les tortures, les hypocrisies et les dérives inhumaines, qu’elles soient ou non perpétrées au nom de l’islam. Quand le silence complice étouffe, notre dignité est la dénonciation. L’emprisonnement de tant d’innocents dans le monde pourrait bien finir par nous rendre coupables de si mal gérer nos libertés. Aucun intérêt économique ne peut justifier notre silence. À moins que ce soit la crainte ? La Peur ? La paresse ? Le confort ? Que dirons-nous le jour où il n'aura d’ombre que Son ombre ? Que nous ne craignons pour nos vies ? Que nous ne pouvons pas ? Que nous étions seuls ? Alors qu’à chacune de ses pages, la Révélation nous rappelle que Dieu aime les pieux qui prient comme les justes qui résistent. Au demeurant, nous ne sommes pas seuls et tant d’autres consciences sont amies de ce même combat, de cette même résistance. Dieu exige de nous la fidélité : notre foi nous commande la dignité ; le devoir de résistance est l’exacte réalisation de cette fidélité digne, consciente que l’on n’est jamais aussi près de Dieu que lorsqu’on lutte contre l’inhumanité des hommes.
Avec cœur, au nom du droit. Reprendre possession de son cœur, construire son intelligence et s’engager à promouvoir des projets alternatifs de proximité sont autant de manifestations de ce devoir de résistance qui est le nôtre. Nous n'oublierons pas non plus que la justice exige de nous que nous devenions Tariq Ramadan. Lisez et faites lire An-nasr. Vendredi 34